Tunisie: face à la forte pénurie de carburant, la grogne sociale s'intensifie

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Le 13/10/2022 à 18h12, mis à jour le 14/10/2022 à 08h45

Après les pénuries de produits alimentaires, les Tunisiens font face à une pénurie de carburant liée à des «difficultés financières» pour leur importation. Cette situation attise la grogne sociale à la veille d’une marche contre le régime prévue ce samedi.

En Tunisie, les pénuries en tout genre se multiplient. Après les produits alimentaires, ce sont les stations-service qui sont prises d’assaut par les automobilistes. Depuis plusieurs jours, de fortes perturbations affectent l'approvisionnement en carburants dans la capitale, et ce, en dépit des assurances des autorités quant à la disponibilité du stock.

Mais ce jeudi, des files d'attente atteignant des centaines de mètres de long se sont formées devant plusieurs stations-service de Tunis. Face à cette situation chaotique, les autorités ont enfin reconnu l’existence d’un problème d’approvisionnement en carburant. «Il est vrai qu'il y a des problèmes d'approvisionnement par bateau, mais le produit est disponible», a déclaré la ministre de l'Energie, Neila Nouira Gongi.

Si la responsable a souhaité minimiser la crise du carburant, elle a tout de même fini par avancer la véritable raison de celle-ci, l’expliquant par des «difficultés financières» pour l'importation de carburant. «Avant, les fournisseurs nous donnaient un mois ou deux pour régler nos factures, ce n'est plus le cas aujourd'hui. Les fournisseurs ne déchargent pas leur cargaison tant que les précédentes n'ont pas été payées», a-t-elle précisé.

La situation en Tunisie s’explique par la crise financière aigüe que traverse le pays, très endettée, avec un ratio d’endettement dépassant les 100% de son PIB, et dans l’incapacité d’emprunter sur le marché à cause des négociations avec le Fonds monétaire international (FMI) qui n’aboutissent pas. De plus, les agences de notation multiplient les alertes sur une possibilité que le pays tombe dans une situation de défaut de paiement. Ainsi, face à la chute inexorable des réserves de changes du pays et à la situation politique instable, certains fournisseurs étrangers préfèrent se prémunir face à un risque pays élevé en optant pour le paiement cash contre toute livraison de produits.

Quant aux tentatives des autorités pour rassurer les populations, celles-ci ne produisent pas les effets escomptés. Et la situation est d'autant plus alarmante que les stocks de carburant disponibles n’assurent pas plus de 10 jours de consommation.

Face à cette pénurie, à laquelle s’ajoutent une flambée inquiétante des prix des produits alimentaires et la crise politique que traverse le pays depuis l’arrivée au pouvoir de Kaïs Saïed, la grogne sociale semble atteindre son paroxysme.

Les appels se multiplient sur les réseaux sociaux pour l'organisation d'une grande manifestation le samedi 15 octobre à Tunis pour dénoncer cette gestion du pays.

Les internautes tunisiens pointent du doigt «la négligence» et «l’insouciance» du gouvernement à l’égard de la détérioration de plusieurs secteurs clés et des pénuries tous azimuts (farine, sucre, huile, carburant…). L'on dénonce également la hausse des prix «injustifiée» de plusieurs produits de première nécessité et la gestion «irresponsable» des finances publiques du pays, entre autres. En clair, la coupe est pleine pour les Tunisiens.

Ces appels à manifester sont relayés sur les réseaux sociaux via les hashtags «يوم الزحف15اكتوبر » (Le jour de la marée), et « يسقط قيس سعيد »,(A bas le coup d'Etat) « يسقط الانقلاب في تونس » (Kaïs Saied dégage). Ainsi, à travers ces slogans, les Tunisiens dénoncent, outre la détérioration de leurs conditions de vie, les changements politiques opérés par le président Kaïs Saïed, comme la dissolution de l’Assemblée nationale, la réforme constitutionnelle, la programmation unilatérale des élections législatives pour le 17 décembre, etc.à 

Par Karim Zeidane
Le 13/10/2022 à 18h12, mis à jour le 14/10/2022 à 08h45