Le Premier ministre tunisien Hichem Mechichi vient de limoger cinq ministre de son ancien gouvernement. Une décision prise devant le blocage et le véto opposés par le président de la République Kaïs Saïed qui a refusé d’accueillir les nouveaux ministres pour la prestation de serment du nouveau gouvernement arguant que certains d’entre eux sont liés à des affaires de corruption.
Les cinq ministres limogés sont Mohamed Boucetta, ministre de la Justice, Saloua Sghair, ministre de l’Industrie, de l’Energie et des Mines, Leila Jaffel, ministre des Domaines de l’Etat, Aaksa Bahri, ministre de l’Agriculture, des Ressources hydrauliques et de la Pêche maritime, et Kamel Deguiche, ministre de la Jeunesse, des Sports et de l’Intégration professionnelle. Les intérims des ministres limogés sont assurés par d’autres ministres ou des secrétaires généraux des ministères.
Pour rappel, les nouveaux ministres ont obtenu la confiance du Parlement le 27 janvier dernier. Il faut dire que la chambre est dominée par les alliés que sont Ennahdha, Qalb Tounes et Al-Karama. Les islamistes soutiennent ainsi les ministres proches des dirigeants de Qalb Tounes dont ils ont besoin du soutien en cas de vote d’une motion de censure contre le chef historique d’Ennahdha, actuel président du Parlement, Rached Ghannouchi.
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Toutefois, depuis le remaniement ministériel du 16 janvier dernier avec la nomination de 11 nouveaux ministres, plusieurs ministères sont paralysés dont ceux de l’Intérieur, de la Justice, de la Santé, etc.
Et pour cause, le Président Saïed a critiqué ce remaniement en regrettant de ne pas avoir été consulté et en accusant certains ministres nouvellement nommés d’être soupçonnés de corruption. Du coup, il a refusé catégoriquement que ces nouveaux ministres prêtent serment au palais présidentiel avant de prendre leur fonction.
Du coup, la seule option qui restait au Premier ministre est de limoger les anciens ministres afin de nommer des intérimaires parmi les membres de l'ancien gouvernement (ministres et secrétaires généraux) et éviter ainsi la paralysie de l’activité gouvernementale.
Seulement, cette solution ne permet pas aux nouveaux ministres nommés d’occuper leurs portefeuilles, n'ayant pas prêté serment devant le président. Une situation chaotique qui accroit l’instabilité politique au sommet de l’Etat.
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Reste que ces limogeages ne vont pas résoudre la crise politique ouverte au sommet de l’Etat. La confiance est rompue entre le Président et son Premier ministre. Et les intérims risquent de rester longtemps à leurs postes, le Président ayant refusé tout compromis. «Je ne reculerai pas devant mes principes. J’ai juré devant Dieu en mettant ma main sur le Coran de respecter la Constitution», a déclaré le Président, indépendant et spécialiste du droit constitutionnel, devant Noureddine Taboubi, secrétaire générale de la puissante syndicale l’UGTT.
D’ailleurs, plusieurs voix appellent Mechichi à démissionner. Mais, celui-ci s’accroche à son poste et a clairement laissé entendre qu’il ne compte pas quitter le Palais de la Kasbah, soutenu par l’alliance constituée des partis d’Ennahda, Qalb Tounes et Al-Karama qui lui assurent la majorité au Parlement et donc une assise solide. Seulement, ces partis sont les adversaires politiques du Président Saïed. Ce qui ne manquera pas de créer des blocages entre les deux hommes, au cas où cette crise serait dépassée.
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Mais tout le monde n’est pas du même avis. Pour certains observateurs, une démission du Premier ministre ouvrirait la voie à une possible opposition du Président de la République à tout remaniement du gouvernement dans le futur et placerait aussi la Tunisie dans une situation de vide gouvernemental alors que le pays fait face à des défis importants, notamment sur les plans économique, social et sanitaire (Covid-19). Ainsi, le tourisme qui constitue l’un des leviers stratégiques du pays est à genou à cause du Covid-19 et le PIB a reculé de 9%, selon les estimations de la Banque mondiale.