Fin juillet, Saied, élu en 2019, a invoqué la Constitution pour s'octroyer les pleins pouvoirs, limoger le chef du gouvernement et suspendre le Parlement, suscitant à travers le pays des réactions mitigées.
C'est à Sidi Bouzid (centre-ouest) que le vendeur ambulant, Mohamed Bouazizi, s'est immolé par le feu le 17 décembre 2010, déclenchant un soulèvement qui a mis fin au règne sans partage du président Zine el Abidine Ben Ali.
Mais au fil des années, l'espoir d'un avenir meilleur a cédé la place à la déception et la colère contre la classe politique, en l’absence d’amélioration sociale.
Lors des manifestations survenues ces dernières années, les slogans phares de la révolution réclamant "dignité" et "travail" ont été scandés ainsi que des appels à dissoudre le Parlement.
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"Ces 11 dernières années étaient plus pesantes que les 23 ans du règne de Ben Ali! Le Parlement et le gouvernement nous ont noyés dans la pauvreté! Donc bon débarras!, lance dans un café Ahmed Ouni, un chômeur de 36 ans.
"Vas-y, fonce"
Selon lui, "puisque les Tunisiens ont choisi Saied, il peut (...) faire ce qu'il faut, nous avons confiance en lui".
Les habitants de Sidi Bouzid, une ville qui reste marginalisée malgré l'amélioration de ses infrastructures et l'ouverture de commerces, attendent du président qu'il améliore leur quotidien.
"Vas-y fonce, le peuple est avec toi", dit encore Ahmed, en référence au coup de force du président.
"C'était une chirurgie obligatoire pour mettre fin à l'hémorragie", estime Abdelhalim Hamdi, un ouvrier bâtiment de 47 ans, diplômé en histoire.
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"Les politiciens au pouvoir ont volé nos rêves et nos ambitions", dit ce coordinateur des mouvements de protestations à Sidi Bouzid.
Abdelhamid est aussi pour l'abolition de la Constitution, "rédigée sur mesure pour servir des intérêts étroits".
Pour des analystes, la suspension de la constitution --dont l'adoption a été saluée à l'international en 2014-- ou son abrogation semble "inévitable".
"C'est un mal nécessaire pour sauver le pays même si cela nous mènera probablement vers un régime autoritaire", concède Sami Abdeli, 38 ans, qui s'exprime sur une place du centre-ville où trône la sculpture de la charrette de Bouazizi, sur laquelle a été écrit le mot "liberté".
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Si d'habitude les habitants de Sidi Bouzid parlent facilement politique, nombre d'entre eux interrogés par l'AFP ont refusé de s'exprimer sur la décision de Saied.
"On constate qu'il y a un retour de l'autocensure, les gens ne veulent plus s'exprimer et dire librement ce qu'ils pensent!", estime Mounira Bouazizi, blogueuse et coordinatrice au bureau de l'Observatoire internationale des médias et des droits de l'Homme à Sidi Bouzid.
"Discours violent"
Sur les réseaux sociaux, des partisans de Saied "utilisent un discours violent et n'acceptent aucune critique contre le président!", indique-t-elle.
"L'idée qu'une seule personne concentre tout le pouvoir exécutif me fait peur", confie Yossra Abdouni, 25 ans.
Pour cette étudiante en ingénierie, Saied "est resté dans le flou, il n'a présenté aucun programme".
"Même si la situation économique et sociale s'était dégradée et que la classe politique était fragmentée, on avait au moins la liberté et la démocratie", poursuit-elle.
Depuis fin juillet, des arrestations, interdictions de voyage et assignations à résidence ont visé magistrats, députés et hommes d'affaires, dans le cadre d'une "purge" anticorruption, suscitant désormais des craintes d'un recul des libertés.
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"Saied s'oriente vers un régime (...) dictatorial! Il n'entend que sa propre voix!", déplore Rabeh Zaafouri, responsable du bureau de la Ligue tunisienne des droits de l'Homme à Sidi Bouzid.
Il "n'a pris jusqu'ici que des décisions populistes et chaotiques qui menacent profondément le processus démocratique et qui bloquent la vie politique", déplore-t-il.
"Jamais, on ne permettra un retour à l'avant 17 décembre/14 janvier 2011!", promet Zaafouri, en référence aux dates de la révolution.