Au terme de l’exercice 2019, tous les signaux étaient au vert et les projections des institutions financières internationales étaient à l’unisson favorables pour une croissance autour de 3,2% pour le continent africain, et ce, malgré la situation de l’Afrique du Sud, seconde puissance économique du continent, et pays le plus industrialisé d'Afrique.
Toutefois, en quelques semaines, cet optimisme s’est évaporé et laissé la place à une inquiétude palpable causée par l’imprévisible pandémie du coronavirus qui s’accompagne d’ores et déjà de graves conséquences économiques pour l’Afrique.
Du coup, les économies africaines tournent au ralenti et toutes les institutions africaines et internationales sont unanimes sur le fait que les conséquences du Covid-19 sur les économies du continent seront catastrophiques. Tous les pays ont revu les estimations de croissance de leur PIB (Produit intérieur brut) à la baisse, à l’instar des institutions financières et organisations multilatérales.
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Ainsi, pour la Cnuced (Conférence des Nations Unies pour le commerce et le développement), la croissance du PIB de l’Afrique pourrait passer de 3,2% à 1,8% en 2020, soit une baisse de 43,75%, à cause notamment de l’impact de la pandémie sur le commerce mondial.
Toutefois, aux yeux de certains observateurs, cette prévision, faite avant que la pandémie ne s’accélère au niveau mondial et ne touche de plein fouet le continent, pourrait être encore plus marquée. D’ailleurs, les experts de l’agence onusienne avaient bien précisé que «s’il y a une expansion importante de la pandémie en Afrique, ce qui n’est pas le cas pour l’instant, les projections, voire une récession, pourraient s’aggraver».
En clair, plusieurs pays africains vont enregistrer de très faibles croissances et certains connaitront des récessions. L’Afrique du Sud, le Nigeria, l’Angola et l’Algérie figurent parmi les grandes économies les plus menacées.
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La sortie du Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, soulignant que la pandémie du Covid-19 «pose une menace existentielle aux économies des pays africains», montre combien l’inquiétude est grande.
Il faut reconnaître que tous les leviers de la croissance des économies africaines de ces dernières années sont atteints par cette pandémie: tourisme, transport, échanges extérieurs, consommation intérieure, pétrole, infrastructures, matières premières, finances publiques…, et Chine.
Le pétrole subit le Covid-19 et le confinement
Les pays africains producteurs de pétrole sont tous dans l’expectative. Alors qu’ils avaient tous établi des lois de finances en se basant sur des hypothèses d’un cours du baril supérieur ou égal à 50 dollars en moyenne pour 2020, à cause du Covid-19, le cours de l’or noir s’est effrité.
En effet, le baril de pétrole a enregistré une chute spectaculaire en moins de 3 mois. Ainsi, lors de la clôture de la séance du vendredi 27 mars, le baril de Brent de la mer du Nord avait clôturé la séance à 24,88 dollars à Londres, perdant plus de 60% de sa valeur depuis le dernier pic atteint début janvier 2020 lors de l’escalade entre les Etats-Unis et l’Iran. Le cours du baril a ainsi atteint son plus bas niveau depuis mai 2003.
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Et la situation risque encore de se corser davantage dans les jours et semaines à venir à cause du confinement et de l’aggravation de la contagion qui touche particulièrement l’Europe et les Etats-Unis. Ainsi, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) avance un pronostic alarmant en prévoyant l’effondrement de la demande de 20% cette année suite aux mesures de confinement de plus de 3 milliards de personnes à cause du coronavirus.
Or, l’or noir est le socle de nombreuses économies africaines. C’est le cas du Nigeria, de l’Algérie, de l’Angola, de la Libye et de la Guinée équatoriale dont les exportations des hydrocarbures représentent respectivement 91,7%, 95,7%, 97,4%, 88,4% et 86,8% des exportations totales. C’est également le cas du Gabon (55,4%) et du Congo (62,2%).
Or, pour tous ces pays, le secteur des hydrocarbures contribue fortement au Produit intérieur brut (PIB). C’est le cas particulièrement pour la Libye où le secteur pèse 62,1% du PIB du pays. Pour l’Angola, l’Algérie, le Nigeria et la Guinée équatoriale, le secteur des hydrocarbures représente respectivement 29,4%, 20%, 10,7% et 38,4% du PIB. C’est dire que la chute des cours du baril va impacter négativement sur la croissance économique de ces pays en réduisant fortement les recettes d’exportation, les ressources budgétaires et donc les ressources nécessaires pour financer l’économie.
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Cela est particulièrement vrai pour le Nigeria, première puissance économique et premier producteur de pétrole du continent, qui avait misé sur un cours moyen du baril à 57 dollars. Il a finalement été obligé de réduire son budget 2020 d’environ 15%, soit l’équivalent de 5 milliards de dollars.
Selon les estimations de la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique (CEA), en se basant sur un cours du baril de pétrole à 35 dollars, les pays africains producteurs de pétrole pourraient perdre autour de 101 milliards de dollars de recettes en 2020. Or, le cours du baril se situe actuellement autour de 25 dollars!
Malheureusement pour les pays africains, le pétrole n’est pas la seule matière première affectée par le Covid-19. De nombreux métaux sont également logés à la même enseigne.
Matières premières: la baisse de la demande chinoise plombe l’Afrique
Au delà du pétrole, les économies africaines tributaires d’autres produits et de métaux de base seront également affectées par la faiblesse de la demande mondiale consécutive à la chute de la production industrielle induite par le Covid-19. Une situation qui se traduit par une chute des cours de nombreux produits et métaux, et donc de la production industrielle dans les pays fortement industrialisés: Chine, Etats-Unis, Allemagne, France…
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A titre d’exemple, la Chine, premier importateur mondial de matières premières, a dévoilé des indicateurs moroses pour janvier et février, sur fond de pandémie de Covid-19. La production industrielle s’est contractée de 13,5%, pour la première fois en près de 30 ans.
Ainsi, les cours des matières premières sont mis à rude épreuve. D’ailleurs, le Bloomberg Commodities Index est tombé à 66 points, son plus bas niveau depuis 1986.
De nombreux pays du continent, notamment ceux qui sont particulièrement tributaires des exportations de certains produits agricoles et de minerais, sont durement affectés. C’est le cas des producteurs du cuivre, minerai très prisé par la Chine dont le cours a chuté de 22,77% depuis le début de l’année pour s’établir à 4.617 dollars la tonne. Une forte baisse qui affecte nécessairement les grands exportateurs africains que sont la RD Congo et la Zambie.
Les exportations de la Zambie vers la Chine, son principal client, ont ainsi chuté de 43% depuis le début de l’année. Cela est valable pour de nombreux minerais et produits agricoles. Or, pour de nombreux pays du continent, ces matières premières et agricoles pèsent énormément sur le PIB et les emplois.
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L’espoir de nombreux pays africains repose désormais sur la reprise des importations de la Chine, leur premier client. Seulement, selon la Cnuced, «cela peut limiter la casse, mais du fait de la récession dans les pays industrialisés, ça aurait un impact faible sur les prix des matières premières et la demande sur les produits de base».
Bref, pour la Cnuced, «à la suite des conséquences de la pandémie sur la récession mondiale qui se profile partout, pour l’année 2020 au moins pour le deuxième et troisième trimestre, ça aurait un impact négatif très direct sur les exportations, sur la croissance économique et sur les emplois en Afrique».
Commerce international: une baisse inquiétante
Le commerce international, l’un des moteurs de la croissance économique au cours de ces dernières années, est frappé de plein fouet par la pandémie du coronavirus. Les pays africains seront très fortement touchés.
Au niveau des exportations, selon la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique, le Covid-19 pourrait faire perdre à l’Afrique des recettes d’exportation de plus de 100 milliards de dollars en 2020.
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La situation est d’autant plus corsée pour le continent africain que l’Empire du Milieu est depuis quelques années son premier partenaire commercial. C’est le principal destinataire de nombreuses matières premières et agricoles africaines (pétrole, cuivre, cobalt, arachides, etc.).
Du coup, le Covid-19 a porté un coup dur aux relations commerciales Afrique-Chine du fait de l’arrêt de l’usine du monde durant presque deux mois. Et selon les statistiques publiées par les services de douane chinois, le volume global des transactions commerciales entre la Chine et l'Afrique affiche une régression de 17,8% durant les deux premiers mois 2020 comparativement à la même période en 2019. Un fait plus remarquable encore, les importations chinoises en provenance du continent africain ont reculé de 21,7%, tandis que les achats de l'Afrique en provenance de ce pays n'ont baissé que de 13,2%.
Ainsi, le coronavirus, qui a été un véritable séisme pour l’économie chinoise qui devrait enregistrer sa plus faible croissance depuis plusieurs décennies, aura un impact négatif sur la croissance du PIB de nombreux pays du continent.
Transport aérien et tourisme: les plus touchés par le coronavirus
Les secteurs du tourisme et des transports pèsent dans les PIB de nombreux pays du continent africain. Ces deux secteurs comptaient pour 8,5% du PIB et 6,7% des emplois du continent en 2018. Ils représentent également 8% du PIB dans 6 des 10 premières économies africaines.
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Malheureusement, ces deux secteurs, intimement liés, sont les premières victimes de la pandémie du coronavirus qui frappe durement la planète.
Au niveau du secteur touristique, le Maroc, l’Egypte, la Tunisie et l’Afrique du Sud seront très affectés. Le Maroc, première destination touristiques du continent au cours de ces dernières années, pourrait enregistrer une baisse de l’ordre de 40% au niveau des arrivées et 30% des nuitées, par rapport à 2019, du fait que le royaume est fortement dépendant des touristes européens, particulièrement des Français et Espagnols durement touchés par le coronavirus auquel succédera une conjoncture économique morose. De même, les Marocains résidant à l’étranger qui sont aussi affectés par le coronavirus et ses impacts économiques pourraient être beaucoup moins nombreux à rentrer durant les vacances si d’ici là la pandémie n’est pas vaincue.
Pour le transport aérien, un chiffre donne une idée de l’ampleur de la crise que traverse le secteur. En effet, 95% de la flotte des compagnies aériennes africaines est actuellement clouée au sol à cause des fermetures des frontières et la suspension de liaisons aériennes entre de nombreux pays.
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Selon l’International transport air association (IATA), les compagnies aériennes d’Afrique subsaharienne ont perdu entre début janvier et le 11 mars 4,4 milliards de dollars de revenus. Quant aux flottes d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, cette perte est évaluée à 7,2 milliards de dollars sur la même période.
Ce décrochage sur une assez longue période pour des compagnies qui ne disposent que de deux mois de cash aura des répercussions néfastes sur les économies. D’ici fin juin, si ces compagnies ne reçoivent pas de soutien, elles vont se retrouver en situation d’insolvabilité et plusieurs pans du secteur du voyage risque d’en pâtir durablement.
Or, rien qu’au niveau de l’Afrique subsaharienne, la contribution de l’industrie du transport aérien au PIB est estimée à 55,8 milliards de dollars, soit l’équivalent de 2,6% du PIB global de cette région. Au niveau de la région Afrique du Nord & Moyen-Orient, ce secteur contribue à hauteur de 130 milliards de dollars au PIB, soit l’équivalent de 4,4% de celui-ci.
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C’est dire que l’onde de choc du Covid-19 sur le tourisme et le transport va coûter des points de PIB au continent africain.
En conséquence, les Etats seront obligés de venir au secours des flottes aériennes africaines afin que de nombreuses compagnies ne disparaissent pas. Or, les finances publiques africaines son lourdement affectées.
Finances publiques: faibles marges de manœuvre pour relancer l’économie
A cause du Covid-19, les finances africaines seront mises à rude épreuves. Les pays doivent faire face aux dépenses sanitaires inattendues occasionnées par la pandémie et les conséquences économiques de celle-ci sur les entreprises et l’économie en générale alors que les recettes fiscales vont énormément manquer. En clair, ceux qui misaient sur les dépenses publiques pour booster leur croissance devront attendre des lendemains meilleurs.
Pire, les Etats seront même obligés de faire des coupes au niveau des dépenses publiques pour ne pas creuser les déficits budgétaires qu’ils auront du mal à financer au niveau international. Ainsi, dans de nombreux pays dont le Nigeria et l’Algérie, certains projets programmés dans le cadre de la loi de Finances 2020 ont été gelés.
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Seulement, le gel des projets, notamment ceux concernant les infrastructures qui figurent parmi les moteurs de la croissance du continent au cours de ces dernières années, aura un impact négatif sur la croissance des PIB de nombreux pays.
Selon la CEA, l’Afrique a besoin de 100 milliards de dollars d’urgence pour relancer son économie et faire face aux impacts sociaux et économiques du Covid-19.
Toutefois, avec la chute des cours des matières premières (pétrole, métaux et produits agricoles), les pays africains auront du mal à faire face aux dépenses nécessaires pour relancer leurs économies. Cela d’autant plus que les pays africains sont confrontés à des services de dette qui étranglent leurs économies.
Partant, des voix s’élèvent pour demander, vu les circonstances actuelles, l’exonération de tous les paiements d’intérêt des pays africains, estimés à 44 milliards de dollars pour 2020. Une décision qui pourrait laisser des liquidités immédiates aux pays africains.
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Cela est d’autant plus nécessaire que les perturbations occasionnées par le Covid-19 pourraient impacter les marchés internationaux de capitaux et rendre difficile toute émission d’obligations ou emprunts de grande envergure, deux moyens de financement largement utilisés par les pays africains au cours de ces dernières années.
Mais la Chine, devenue le créancier privilégié du continent depuis quelques années, risque de ne pas se permettre certaines largesses envers ses partenaires africains à la recherche du cash.
Mieux, pour la Cnuced, il faut aller encore plus loin qu’une simple exonération des paiements d’intérêt, soulignant que la meilleure solution serait «une annulation importante de la dette extérieure des pays africains ainsi qu’une augmentation du financement, en mettant à disposition des fonds, des nouveaux crédits».
La Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI) ont aussi demandé au G20 d’alléger la dette des pays les plus pauvres afin de les aider à surmonter les conséquences du Covid-19.