Afrique: voici les 5 champions de la croissance en 2022 et 2023, selon les projections de la Banque Mondiale

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Le 16/01/2022 à 14h35, mis à jour le 16/01/2022 à 20h19

La Banque Mondiale vient de revoir ses prévisions de croissance de l’économie mondiale pour 2022 et 2023. Au niveau africain, la croissance sera globalement de retour. De nombreux pays vont enregistrer de fortes croissances dépassant en moyenne les 5% durant ces deux années. Voici les 5 champions.

Après la parenthèse 2019-2021, la croissance des économies africaines devrait être un peu plus vigoureuse. Pris globalement, le continent devrait voir son Produit intérieur brut (PIB) croitre de l’ordre de 3,8 et 3,9% en 2022 et 2023.

Mais au-delà de ces moyennes, plusieurs pays africains vont enregistrer des taux de croissance élevés. Ainsi, 18 pays vont afficher des taux de croissance supérieurs à 5% durant les deux années. C’est ce qui ressort du dernier rapport Global Economic Prospects de la Banque Mondiale publié ce début du mois de janvier 2022.

Cinq d’entre eux devraient s’illustrer avec des croissances moyennes supérieures à 6% durant les deux années avec des pics frôlant les 10%, pour certains pays, en 2023, grâce aux contributions des ressources naturelles, notamment les hydrocarbures, les infrastructures de base, l’agriculture, les services,… Et ce sont les pays d’Afrique de l’ouest qui seront les mieux lotis, avec le Niger devant afficher la meilleure performance du continent.

Niger: l’effet pétrole comme locomotive

C’est le Niger qui devrait afficher les meilleures performances économiques au niveau du continent africain avec un PIB devant croitre de respectivement 6,2% en 2022 et 9,4% en 2023.

Ce sont les hydrocarbures qui vont tirer la croissance du pays, surtout à partir de 2023 avec l’achèvement de l’oléoduc et la mise en service des exportations de pétrole.

L’inauguration du pipeline de 2.000 km reliant Agadem (sud-est du pays) à la côte béninoise de l’océan Atlantique va faire passer la production du pays de 20.000 barils par jour, correspondant à la capacité maximale d’absorption de la raffinerie locale (Soraz, fruit d’un partenariat entre l’Etat du Niger et China national petroleum corp -CNPC- qui exploite le pétrole nigérien), à 100 000 ou 110 000 barils de pétrole par jour, pour une consommation locale de 7.000 barils/jour.

Ainsi, le secteur des hydrocarbures, qui pèse 4% du PIB en 2017, devrait représenter 24% de celui-ci à l’horizon 2025.

En outre, l’économie nigérienne, dominée par le secteur agricole qui pèse 42% du PIB, va bénéficier de la réouverture frontalière avec le Nigeria, première puissance économique et démographique du continent africain.

A côté des hydrocarbures, l’uranium est l’autre ressource naturelle sur laquelle reposera la croissance du Niger. Le pays est le 4e producteur mondial avec environ 7% de part de marché et dispose de la 6e plus grande réserve d'uranium du monde.

La croissance sera aussi soutenue par la poursuite de la mise en place des grandes infrastructures (barrages hydro-électriques, centrales électriques, routes,…) grâce aux revenus générés par la hausse et l’exportation des hydrocarbures.

Ces perspectives de croissance devraient contribuer à réduire le taux de pauvreté de 41,2% en 2020 à 37% en 2023. Et à moyen terme, l’augmentation des exportations pétrolières devrait renforcer les finances publiques ainsi que la position extérieure du Niger.

Le Niger, pays enclavé, doit toutefois faire face à un certain nombre de facteurs : l’insécurité et le terrorisme qui pèsent sur les dépenses publiques et les investissements étrangers, les fluctuations des cours des produits non-pétroliers sur les marchés internationaux,…

Rwanda: les services et la gouvernance comme locomotives

Ne disposant pas de ressources naturelles (pétrole, gaz et mines), le Rwanda a réalisé des progrès spectaculaires en termes de développement au cours de ces deux dernières décennies. Grâce aux importantes réformes économiques et structurelles entreprises avec l’appui de la Banque mondiale et du FMI, mais surtout grâce au charisme de son président Paul Kagame, le pays a enregistré et a maintenu une croissance soutenue depuis deux décennies. Entre 2000 et 2018, le pays a enregistré un taux de croissance annuel moyen de 8%.

Cité comme exemple en matière de bonne gouvernance et de la qualité de son environnement des affaires, le Rwanda a même occupé le 7e rang mondial en 2014-2015, devançant des pays comme la Suisse (9e) et le Luxembourg (10e) sur 144 pays, permettant au pays d’attirer les investissements directs étrangers (IDE), notamment dans le domaine des nouvelles technologies, de l’énergie et de la transformation.

Le pays a beaucoup investi dans les nouvelles technologies de l’information qui touchent, directement ou indirectement, presque tous les aspects de la vie quotidienne des Rwandais (santé, éducation, services bancaires, etc.).

Comptant sur son agriculture et surtout sur les nouvelles technologies de l’information, le Rwanda a enregistré en 2021 un taux de croissance de 10,20%, selon le FMI, et devrait poursuivre sur la même lancée et voir son PIB croître de 7,1% en 2022 et 7,8% en 2023, soit la 2e meilleure performance du continent derrière le Niger, selon les projections de la Banque Mondiale.

L’économie rwandaise est portée par les services avec une part de 48% du PÏB, devant l’agriculture (23%) et l’industrie (21%). Le reliquat venant des taxes et subventions (7%). Après l’agriculture et les services (commerce de gros et de détail, transports, l’information et la communication, l’éducation), c’est l’industrie, portée par la fabrication de produits non métalliques (32%), les activités d’extraction minière et de carrière (30%), la production de produits chimiques, de caoutchouc et de plastique (17%), les activités de construction (15%) et les activités manufacturières (7%), qui tire désormais la croissance du pays.

Mozambique: l’euphorie des découvertes gazière avec 5.000 milliards de mètres cubes de gaz

Après une croissance modeste de 2,3% en 2021, le Mozambique devrait afficher une progression de son PIB de 5,1% en 2022 et réaliser la meilleure performance du continent en 2023 avec un PIB en hausse de 9,6%, selon la Banque Mondiale. Et à partir de 2024, selon le FMI, la croissance économique du pays pourrait s’établir à plus de 20% par an.

Il faut souligner qu’entre 2010 et 2013, les explorations off-shore ont conduit à la découverte d’immenses gisements de gaz sur la côte nord du Mozambique. Ces énormes découvertes, évaluée à 5.000 milliards de mètres cubes de gaz, soit les 9es réserves mondiales de gaz, devraient propulser le pays, l’un des plus pauvres du monde, au statut d’un Etat gazier de premier rang.

Ces découvertes ont attiré tous les géants pétroliers du monde. Le géant italien ENI va entamer la production du gaz naturel liquefié à compter du premier semestre 2022. Quant au français Total, son calendrier d’exploitation du gaz dans le nord du Mozambique prévoit un démarrage à partir de la mi-2024, après un méga-investissement de 25 milliards de dollars, soit le plus important jamais réalisé en Afrique subsaharienne dans le secteur des hydrocarbures. L’américain Exxon aussi devrait lancer un autre méga-projet d’exploitation de gaz dans le pays.

En effet, le gaz découvert, avec peu de gaz parasite, bien que situé en eau profonde (2.000 mètres de profondeur) a un coût d’exploitation jugé attractif par l’industrie gazière. Du coup, ces différents méga-projets devraient propulser le Mozambique au rang du 5e producteur mondial de gaz à l’horizon 2030, derrière les Etats-Unis, le Qatar, l’Australie et la Russie.

Selon les estimations du FMI, 100 milliards de dollars d’investissements directs étrangers (IDE) pourraient être injectés sur une période de 30 ans avec des retombées sur les recettes budgétaires du pays dès 2023. Plus de 3 milliards de dollars de recettes fiscales sont attendues dès 2023, de quoi doubler le budget de l’Etat et permettre de réaliser d’importants investissements en infrastructures et contribuer au développement du pays.

Toutefois, l’incertitude sur la façon dont cette manne sera gérée inquiète, sachant que le Mozambique fait partie des 25 pays où la corruption fait le plus de ravages.

Sénégal: les infrastructures et l’agriculture avant le gaz et le pétrole en 2023

Le Sénégal, l’un des pays les plus stables du continent figure aussi depuis quelques années parmi les plus performants en termes de croissance du PIB. Et après un taux de croissance estimé de 4,7% en 2021, la Banque Mondiale projette des croissances de l’ordre de 5,5% en 2022 et 9,2% en 2023, l’année du démarrage de la production des hydrocarbures (gaz et pétrole) du pays.

Outre les hydrocarbures, ces performances seront tirées par une production agricole de plus en plus performante (riz, arachide, horticulture), la dynamique du secteur du BTP et infrastructures (routes, autoroutes, port, chemin de fer,…), l’amélioration continue du taux d’électrification,…

Et grâce aux effets du Plan Sénégal Emergent (PSE) sur de nombreux pans de l’économie sénégalaise, les perspectives de croissance seront encore meilleures avec le démarrage de l’exploitation des ressources gazières et pétrolières. Outre le champ offshore Grand-Tortue/Ahmeyin, découverte à la frontière maritime des eaux mauritano-sénégalaises (les deux pays ont signé un accord de partage de cette ressource) et dont les réserves sont estimées à 1.400 milliards de mètres cubes de gaz, le Sénégal devra aussi entamer l’exploitation de ses propres gisements pétroliers et gaziers à partir de 2023.

Ainsi, à partir de l’année prochaine, le Sénégal va rejoindre le club des producteurs de pétrole et de gaz africains avec des impacts positifs attendus sur la dynamique de croissance du pays qui pourrait afficher des taux de croissance à deux chiffres à partir de 2024.

Reste que la croissance enregistrée durant ces dernières années n’a pas permis d’absorber le chômage. Avec un taux de chômage qui tourne autour de 17%, il urge de mettre l’accent sur les activités génératrices d’emplois pour les jeunes tout en mettant en place des programmes à même de fixer les ruraux dans leurs régions.

Seychelles: le tourisme comme seule ressource

Après une croissance de 6,9% en 2021, selon le FMI, les Seychelles devraient confirmer avec des taux de croissance de l’ordre de 7,7% en 2022 et 6,8% en 2023, d’après les projections de la Banque Mondiale. De quoi effacer les effets de la forte récession enregistrée en 2020, avec une chute du PIB de -12,9% suite à la forte contraction des revenus du tourisme, faisant de l’archipel le pays le plus impacté par la crise sanitaire.

Les Seychelles ont le PIB par habitant le plus élevé du continent africain et sont classés parmi les pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure. 

Ces croissances fortes s’expliquent par la relance de l’activité économique, particulièrement du secteur du tourisme. Avec un taux de vaccination de plus de 80% de la population du pays, les autorités ont rouvert les frontières aux personnes vaccinées pour attirer les touristes et relancer cette activité qui représente plus de 25% du PIB de l’archipel.

Cette croissance devrait avoir des retombées positives sur le marché de l’emploi dans un pays de 95.000 habitants qui affiche un taux de chômage national de 4%.

Toutefois, l’archipel doit faire face à l’inflation induite par la hausse des produits importés, notamment les carburants et les produits alimentaires, sous l’effet de l’augmentation des cours des matières premières sur le marché international et des coûts de fret.

Mais la plus grande inquiétude est liée à la pandémie du Covid-19 et aux restrictions de voyage qui freinent la forte reprise du tourisme qui rythme l’activité économique de l’archipel aux 115 iles.

Au-delà, de nombreux autres pays vont enregistrer des taux de croissance élevés. C’est le cas de la Côte d’Ivoire (6,2% en 2022 et 6,5% en 2023), le Togo (5,6% en 2022 et 6,2% en 2023), le Bénin (6,0% en 2022 et 6,5% en 2023), la Gambie (6,0% en 2022 et 6,5% en 2023), la Guinée (6,1 en 2022 et 5,9% en 2023), le Cap Vert (5,2% en 2022 et 6,1% en 2023), la Tanzanie (5,4% en 2022 et 5,9% en 2023), l’Egypte (5,5% en 2022 et 5,5% en 2023),…

Reste qu’il ne s’agit pour le moment que de prévisions qui peuvent être contrariées par un certain nombre de facteurs dont : la survenance d’un nouveau variant du Covid-19, la détérioration des conditions de sécurité, les chocs climatiques, les fortes fluctuations des prix internationaux des produits de base non pétroliers et pétroliers,…

Par Moussa Diop
Le 16/01/2022 à 14h35, mis à jour le 16/01/2022 à 20h19