Algérie: après la Banque mondiale, le FMI annonce des perspectives économiques à moyen terme «incertaines et difficiles»

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Le 12/01/2022 à 12h40, mis à jour le 12/01/2022 à 13h44

Après la Banque mondiale, le FMI annonce des perspectives économiques «incertaines et difficiles» pour l’Algérie. Croissance faible, déficits jumeaux élevés et réserve de change en chute à seulement 12,3 milliards de dollars à l'horizon 2026, figurent parmi les projections de l'institution. Détails.

Si le ton diffère de celui du dernier rapport de la Banque mondiale qui a soulevé un tollé en Algérie, celui du Fonds monétaire international (FMI), réalisé en novembre dernier, à l’issue des consultations avec les autorités algériennes au titre du chapitre IV de ses statuts, ne diffère pas beaucoup en termes de perspectives.

Ainsi, le dernier rapport du FMI revient sur l’évolution globalement positive de la situation économique en Algérie, en 2021, dans le sillage de l’évolution favorable des cours du baril de pétrole dont l’économie algérienne est totalement dépendante, sachant que les hydrocarbures représentent à hauteur de 95% des recettes d’exportation et 55% des ressources du budget de l’Etat. En conséquence, la forte hausse du cours du baril -cours moyen de 66,6 dollars en 2021, contre 41,47 dollars en 2020-, a permis d’améliorer de nombreux indicateurs: croissance du PIB, balances budgétaires et compte courant, réserves de change,…

Le rapport souligne, tout de même que la pandémie du Covid-19 a «exacerbé les facteurs de vulnérabilité économique préexistants en Algérie, qui résultent d’une succession de chocs survenus depuis 2014».

De même, il explique que les balances du budget et des comptes extérieurs accusent des déficits depuis de nombreuses années, avec des impacts négatifs sur la dette intérieure et la baisse des réserves de changes. Comme le rapport de la Banque mondiale, celui du FMI fait aussi mention de la flambée des prix qui érode le pouvoir d’achat des ménages algériens. Une situation qui perdure en ce début d’année avec une flambée des prix et des pénuries, notamment qui touche l’huile de table, un produit de large consommation des ménages algériens.

Concernant les perspectives économiques aussi, les deux rapports se rejoignent même si les rédacteurs de la note du FMI utilisent un ton apaisé en soulignant que les perspectives économiques à moyen terme de l’Algérie seront «difficiles».

L’Algérie étant un pays rentier, dépendant totalement des hydrocarbures, les prévisions relatives à l’évolution des indicateurs macroéconomiques du pays dépendent exclusivement de l’évolution des cours du pétrole et du gaz dont le pays est exportateur et qui lui assurent la quasi-totalité de ses recettes d’exportations et des ressources de son budget. Seulement, après les hausses des cours en 2021, il est fort probable que les prix n’évoluent pas favorablement dans le moyen terme. Ainsi, selon les prévisions du FMI, les perspectives des cours du pétrole ne sont pas très favorables. Selon celles-ci, le cours moyen du baril du pétrole algérien devrait baisser de 66,6 dollars en 2021 à 58 dollars en 2026, avec un impact négatif sur l’évolution des principaux indicateurs macro-économiques du pays.

D’abord, en ce qui concerne la croissance du PIB, «les services du FMI prévoient que la croissance devrait se tasser et la production stagner à moyen terme, sous l’effet à la fois d’une baisse de la production d’hydrocarbures à cause de contraintes de capacités et de la transition mondiale vers les énergies vertes». Ainsi, après une contraction du PIB de -4,9% en 2020, l’Algérie a renoué avec la croissance avec un PIB en hausse de 3,2% en 2021, grâce au redressement des cours des hydrocarbures et de l’assouplissement des mesures de confinement adoptées pour faire face au Covid-19, tout en n’effaçant pas la chute de l’année précédente. Et, en 2022, le FMI projette une croissance modérée de seulement 2,4%.

Ainsi, «l’économie algérienne devrait se rétablir en 2021 et 2022, mais les perspectives demeurent incertaines et difficiles. La croissance réelle devrait atteindre 3,2% en 2021, et le redressement des exportations devrait permettre une forte réduction du déficit du compte des transactions courantes de la balance des paiements. Cependant, des risques pèsent sur ces perspectives. Les principaux risques tiennent à l’évolution des cours du pétrole, à la pandémie et au contexte social et géopolitique», lit-on dans le rapport de l’institution.

Ensuite, concernant les déficits jumeaux (budget et opérations courantes), le FMI prévoit le maintien du déficit budgétaire à un niveau stable de -11,8% du PIB en 2022, soit le même niveau qu’en 2021. «Les autorités envisagent un train de réformes budgétaires, mais les déficits budgétaires devraient rester élevés à moyen terme et occasionner d’importants besoins de financement», avancent les rédacteurs de la note.

Conséquence, le financement de ce déficit va accroitre l’endettement public qui devrait se situer à 65,4% du PIB en 2022, contre 59,2% en 2021, 50,7% en 2020, et 45,8% en 2019.

Pour ce qui est du solde des opérations courantes, si celui-ci s’est amélioré en 2021 en ressortant déficitaire à -8,2 milliards de dollars, contre -18,7 milliards en 2020, le FMI projette un nouveau creusement du déficit du solde courant à partir de 2022 et se creuser davantage à partir de 2024, sous l’effet particulièrement de la baisse des exportations des hydrocarbures à partir de 2023 pour ressortir à 28,9 milliards de dollars en 2026, contre 32,6 milliards de dollars en 2021.

Pour ce qui est du solde de la balance commerciale, là aussi, le FMI a démenti les autorités algériennes sur le prétendu excédent commercial dégagé en 2021. Il avance que les exportations totales algériennes se sont établies à 37,1 milliards de dollars en 2021 alors que les importations ont atteint 46,3 milliards de dollars (38,2 milliards en biens et 8,1 milliards en services). Autrement dit, le déficit commercial s’établit à -9,2 milliards de dollars. A noter que, selon les chiffres du FMI, même au niveau des biens, l’Algérie affiche un déficit de 1,1 milliard de dollars. Et alors que le niveau des importations devrait se maintenir dans le moyen terme, les exportations, sous l’effet de la baisse des recettes des exportations des hydrocarbures sous l’effet de la baisse du prix du baril et de la production, sachant que le secteur pétrolier est sur une tendance de déclin.

Enfin, concernant les réserves de change, selon le FMI, elles se sont établies à 43,6 milliards de dollars (au terme de 11 mois d’importation), grâce à la hausse des cours du baril combinée à une politique drastique de limitation des importations qui est, en partie, à l’origine de certaines pénuries. Et selon les prévisions du FMI, les réserves en devises du pays devront reprendre leur trend baissier pour s’établir à 12,3 milliards de dollars en 2026, ne permettant de couvrir que 3 mois d’importations.

Enfin, l’inflation, sous l’effet combiné de la dépréciation du dinar face aux devises étrangères (dollar et euro notamment) et de la hausse des produits agricoles sur le marché international, «devrait continuer à progresser» pour s’établir à 7,7% en 2022, selon les prévision du FMI, sachant que la hausse des prix avait atteint 6,5% en 2021.

Partant, le FMI recommande la diversification de l’économie algérienne «de façon à réduire sa dépendance aux hydrocarbures» et de «corriger les déséquilibres macroéconomiques tels que les déficits budgétaires élevés» en mettant «en œuvre un rééquilibrage budgétaire progressif soutenu par un resserrement monétaire et une plus grande flexibilité du taux de change». De même, l’institution recommande «de faire avancer les réformes de la gouvernance et des marchés pour construire un modèle de croissance plus diversifié et plus inclusif». Pour cela, «il est également essentiel de diversifier l’économie hors hydrocarbures, d’améliorer le climat des affaires et de favoriser l’investissement du secteur privé et la création d’emploi».

Par Karim Zeidane
Le 12/01/2022 à 12h40, mis à jour le 12/01/2022 à 13h44