Perspectives politiques 2019: Sénégal, Nigeria et Afrique du Sud, des élections à suivre

Muhammadu Buhari (Nigeria), Macky Sall (Sénégal), Cyrill Ramaphosa (Afrique du Sud)

Muhammadu Buhari (Nigeria), Macky Sall (Sénégal), Cyrill Ramaphosa (Afrique du Sud)

Le 31/12/2018 à 14h35, mis à jour le 01/01/2019 à 16h14

2019 sera rythmée, au plan politique, par de nombreuses élections présidentielles en Afrique subsaharienne. Ce sera le cas notamment au Nigeria, en Afrique du Sud, au Sénégal, à l’île Maurice... Muhammadu Buhari du Nigeria et Macky Sall du Sénégal devront batailler fort. Les enjeux.

Après une année 2018 riche en élections présidentielles (Egypte, Mali, RDC, Zimbabwe, etc.), 2019 sera aussi une année palpitante avec de nombreux rendez-vous électoraux, aussi bien au Maghreb qu’en Afrique subsaharienne.

Dans cette partie du continent, plusieurs joutes électorales sont au programme: Sénégal, Nigeria, Afrique du Sud, Maurice, Mozambique, Comores, Malawi, etc. Les élections présidentielles au Sénégal, au Nigéria et en Afrique du Sud seront très suivies.

Sénégal: le 24 février, Macky Sall contre l’opposition

Le premier tour de l’élection présidentielle sénégalaise est prévu le 24 février 2019. Si, sur la ligne de départ, ils étaient 87 candidats à annoncer leur intention de briguer la présidentielle de février prochain, les ardeurs de nombreux candidats ont été refroidis par la mise en place d’une mesure de parrainage qui oblige chaque candidat à la magistrature suprême à recueillir un minimum de 53.457 signatures pour pouvoir concourir, soit 0,8% à 1% du corps électoral, dont un quota de 2.000 signatures dans chacune des 7 régions sur les 14 que compte le pays.

Ce tamis a contribué à réduire les ardeurs de nombreux postulants et à en éliminer tant d’autres. Seuls les partis politiques structurés ont pu réussir le pari. Ainsi, sur les 85 représentants de candidats ayant récupéré les fiches de collecte de signatures, au final, on devrait se retrouver, au plus, avec une dizaine de candidats.

Avec ce système, d’ores et déjà qualifié d’ «anti-démocratique», le régime de Macky Sall et sa coalition sont accusés de vouloir éliminer certains candidats par cette politique de parrainage.

Outre la mesure du parrainage, cette élection est aussi marquée par la possible élimination de la candidature de Karim Wade, candidat déclaré du Parti démocratique sénégalais (PDS) d’Abdoulaye Wade après sa condamnation à 6 ans de prison en 2015 pour «enrichissement illicite». Il a vu sa demande d’inscription sur les listes électorales rejetée le 2 juillet dernier, ce qui, de facto, devrait l’empêcher de se présenter.

Pour l’ancien maire de Dakar, Khalifa Sall condamné à 5 ans de prison pour détournements de fonds public, l’espoir de participer à l’élection présidentielle reste intacte, étant donné que sa condamnation n’est pas encore définitive. L’homme est très populaire à Dakar, dont il a été le maire, avant d’être destitué par le président Macky Sall suite à sa condamnation.

Hormis ces deux candidatures, pour le moment, plusieurs poids lourds de l’opposition ont pu valider leur candidature: c’est le cas de l’expérimenté des joutes électorales (et ancien Premier ministre de Wade) Idrissa Seck (Parti Rewmi), de Madické Niang, l’un des poids lourd du PDS qui a déposé sa candidature sans l’aval du parti et surtout de maître Wade, ainsi que d’Ousmane Sonko des Patriotes du Sénégal pour le travail, l'éthique et la fraternité (Pastef). Ce jeune loup de la politique sénégalaise souhaite changer la manière de gouverner au Sénégal. Devenu très populaire, il propose «une vraie alternative» aux partis qui gouvernent le Sénégal depuis l’indépendance.

A ces partis politiques, s’ajoutent le PUR, le Parti de l’unité et du rassemblement, d’obédience religieuse, qui a créé la surprise lors des dernières élections législatives en se classant au 4e rang au niveau du Parlement.

Le dépôt des candidatures à la présidentielle s’est clôturé le 26 décembre 2018 à minuit. Au final, une vingtaine de dossier qui ont été déposés. Le Conseil constitutionnel doit désormais vérifier et publier la liste des candidats au plus tard le 21 janvier 2019, soit 35 jours avant le 1er tour de la présidentielle prévue le 24 février prochain.

Le président sortant, Macky Sall, de l’Alliance pour la République (APR) après avoir remporté le référendum et les législatives, se dit confiant de remporter l’élection présidentielle dès le premier tour. Il a le soutien de plusieurs partis politiques regroupés dans le cadre de la coalition Bennoo Bokk Yaakar (BBY) dont le Parti socialiste de Tanor Dieng, de l’Alliance des forces du progrès (AFP) de Moustapha Niass et surtout des nombreux transfuges du PDS.

Le président redoute fortement un second tour, qui risquerait de se transformer en un référendum «pour» ou «contre» Macky Sall, et qui pourrait lui être fatal, comme ce fut le cas pour son prédécesseur Abdoulaye Wade en 2012.

Il faut noter que le Sénégal a une longue tradition d’élections présidentielles. Celle du 24 février prochain sera la 11e depuis l’indépendance du pays en 1960. Le prochain président qui sera élu sera titulaire d’un mandat de 5 ans, renouvelable une seule fois, contre 7 ans précédemment.

Nigeria: Buhari face à ses échecs, Boko Haram et la lutte contre corruption

En dépit d’un bilan mitigé et surtout d’une santé chancelante, le président Muhammadu Buhari s’est porté candidat pour un second mandat de 4 ans.

Ainsi, pour cette élection présidentielle nigériane prévue pour février 2019, Muhammadu Buhari, le candidat du All Progressives Congress (APC), âgé de 75 ans, ne part pas comme étant le grand favori. Il semble avoir déçu l’opinion publique nigériane sur deux facteurs fondamentaux qui avaient pourtant grandement contribué à sa victoire en 2015 face à Goodluck Jonathan: l’éradication de Boko Haram et la corruption. En 4 ans de lutte acharnée, l’organisation terroriste est pourtant toujours active et semble même connaître une nouvelle dynamique comme en attestent ses victoires face à l’armée au cours de ces derniers mois.

Quant à la corruption, si elle a un peu diminué, elle demeure importante et ceux qui ont été accusés de l’avoir favorisée n’ont pas été inquiétés. En plus, de ces deux maux du Nigeria qui persistent, sur le plan économique, le président n’a pas eu de résultats escomptés.

La croissance de l’économie nigériane est faible, à cause notamment du cours du baril de pétrole, bas depuis 2015. Conséquence, Buhari n’a pas pu réduire le chômage, qui tend même à croître, augmentant le nombre de mécontents au sein de la population nigériane.

Par ailleurs, face à la chute des recettes budgétaires, le pays s’est fortement endetté, avec un taux d’endettement qui s’établit actuellement à hauteur de 51% du PIB.

Du coup, le président Buhari pourrait perdre beaucoup de soutiens. D’ailleurs, de nombreux barons de son parti ont déjà fait défection, pour rejoindre l’opposition.

Et comme challenger, il affrontera pas moins de quatre autres candidats, dont tout particulièrement un richissime ancien vice-président, Atiku Abubacar. Celui-ci a claqué la porte de l’APC de Buhari en décembre 2017 pour rejoindre le Parti démocratique populaire (PDP), principal parti de l’opposition de l’ancien président Goodluck Jonathan.

Atiku Abubacar a réussi à remporter les primaires de cet important parti, devenant ainsi un candidat sérieux à la magistrature nigériane. Richissime homme d’affaires, musulman (tout comme Buhari), et vieux loup de la politique nigériane, Atiku constitue une véritable menace pour l’actuel président. Cet ancien vice-président d’Olesegun Obasanjo (de 1976 à 1979 puis de 1999 à 2007), a déjà tenté à quatre reprises d’accéder à la magistrature suprême nigériane sans succès. Cette fois-ci pourrait bien être la bonne. 

En plus de ces deux poids lourds, lors de cette élection, il faudra aussi compter aussi sur Oniageli Ezekwesili, la seule femme à participer à cette présidentielle. Co-fondatrice de Transparency international, une organisation dédiée à la lutte contre la corruption, cette ancienne ministre d’Obasanjo et vice-présidente de la division Afrique de la Banque mondiale de mai 2007 à mai 2012, souhaite créer la surprise en devenant la première femme à diriger la première puissance économique africaine et le pays le plus peuplé du continent.

Une chose est sûre, quel que soit le vainqueur, c’est là un énorme chantier économique, social et sécuritaire qui l’attendra. En effet, la première puissance économique et démographique du continent est économiquement malade et impuissante face à Boko Haram.

Ces élections constituent un enjeu, du fait du poids du Nigeria au sein de l’Afrique et de la région ouest-africaine. En effet, beaucoup de décisions importantes semblent être suspendues à cause de la présidentielle. Ainsi, le président Buhari, à cause des craintes de réactions de certains lobbies, notamment ceux du patronat et des syndicats des travailleurs, n’a pas signé l’accord portant sur la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA), les Accords de partenariat économique (APE) avec l’Union européenne signés par les 14 autres membres de la CEDEAO, etc.

Afrique du Sud: Ramaphosa devrait rempiler (sauf grosse surprise)

Les élections générales sud-africaines sont prévues en mai 2019. Sauf grosse surprise, le candidat de l’ANC –African national congress-devrait conserver son poste de Président du pays Arc-en-ciel.

Toutefois, ces élections s’annoncent comme étant des plus serrées pour l’ANC depuis son arrivée au pouvoir en 1994 lors du premier scrutin démocratique du pays. En effet, le règne et le départ forcé de Jacob Zuma ont laissé des traces.

Cyril Ramaphosa est actuellement affaibli par le mandat calamiteux de l’ancien président Jacob Zuma. Le parti historique de Mandela devra nécessairement redorer son blason pour reconquérir des électeurs, déçus par les nombreux scandales de corruption qui ont ébranlé le pays et par une crise économique sans précédent au cours de ces dernières décennies avec , comme corollaire, un taux de chômage de plus 27%.

Toutefois, l’ANC devrait sortir gagnant, notamment grâce à son réservoir d’électeurs dans les régions et le monde rural, où le parti demeure encore solide.

Le candidat de l’ANC fera face à deux challengers. D’abord, le candidat de l’Alliance Démocratique, Mmusi Maimane, premier dirigeant noir du parti, qui a fait une bonne percée durant les élections municipales en prenant les mairies de nombreuses grandes villes du pays, et qui espère conti

nuer à tirer profit du mécontentement populaire vis-à-vis de la classe dirigeante, de la corruption et de la crise économique.

L’Alliance Démocratique compte capitaliser sur le mécontentement des classes moyennes urbaines à l’égard de l’ANC, et grignoter encore un peu plus sur l’électorat noir durement touché par le chômage. Le parti libéral peut aussi compter sur le bilan de ses équipes dans la gestion des grandes villes qu’il dirige: Port Elizabeth, Johannesburg, Pretoria, etc.

Il mettra aussi l’accent sur le vaste système de corruption au sein de l’ANC sous Jacob Zuma, qui a mis à genoux l’économie sud-africaine pour espérer ébranler le parti au pouvoir.

Toutefois, ce parti libéral a peu de chance d’arriver au pouvoir, du fait qu’il reste cantonné jusqu’à présent aux minorités blanche, métisse et indienne.

A côté de l’Alliance Démocratique, il faudra aussi compter sur le populiste Julius Malema de l’Economic Freedom Fighter (EFF) –Combattants pour la liberté économique-, un parti de la gauche radicale. Ce parti a été «faiseur de roi» dans de nombreuses grandes villes lors des dernières élections municipales sud-africaines, en soutenant l’Alliance Démocratique contre l’ANC. Toutefois, ce choix a uniquement été dicté par l’animosité des dirigeants de ce parti radical contre Zuma. Dorénavant, Julius Malema se rapproche davantage de l’ANC, dont il approuve les réformes annoncées, notamment la réforme agraire.

Il faut enfin souligner, fait notable, que l’Afrique du Sud est une république parlementaire. Le futur président sera donc choisi par l’Assemblée nationale issue des élections générales.

Par Moussa Diop
Le 31/12/2018 à 14h35, mis à jour le 01/01/2019 à 16h14