Quelle que soit la couleur politique du parti dominant du prochain gouvernement tunisien, les défis à relever sont très importants, tant l’économie tunisienne a souffert, au cours de ces dernières années, pour ne pas dire depuis la révolution du Jasmin de 2011, précurseure des printemps arabes.
Aussi, la prochaine équipe gouvernementale sera appelée à gérer, sur le strict plan économique, au moins quatre dossiers prioritaires.
D’abord, il faut, et à tout prix, relancer la machine économique du pays, grippée depuis 2011, suite au départ brutal de défunt dictateur, Zine El Abidine Ben Ali. Celle-ci est en effet en berne, sous l’effet de plusieurs facteurs: outre une certaine instabilité politique, la Tunisie a connu une période d’insécurité, avec des actes terroristes, qui ont affecté certains secteurs stratégiques majeurs, et tout particulièrement le tourisme, après des attentats ciblant des touristes étrangers dans le musée du Bardot, au coeur de la capitale, et dans la station balnéaire de Sousse.
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Toutefois, entre-temps, la situation sécuritaire s’est grandement améliorée, et le tourisme a repris son trend haussier, rattrapant son niveau d’avant la révolution.
Cependant, le modèle tunisien, celui d'un tourisme de masse, reste à revoir en majeure partie, car il n’est pas vraiment générateur de devises pour le pays.
De plus, le pays doit aussi attirer davantage d’investisseurs étrangers, afin de relancer son économie, à un moment où les opérateurs locaux manquent de visibilité, du fait d’une situation économique et sociale tendue.
Ainsi, l'économie tunisienne a enregistré une croissance de l’ordre de 2,5% en 2018, contre 1,9% en 2017. Mais au premier trimestre de l’année en cours, la croissance du PIB a été de seulement 1,1%.
Ces niveaux de croissance ne peuvent pas créer de la valeur, encore moins des emplois. En conséquence, le chômage a connu une hausse significative au cours de ces dernières années, malgré des recrutements en masse dans le secteur public, afin de faire face à des tensions sociales post-révolution.
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Ainsi, le nombre de chômeurs enregistré à la fin du premier trimestre 2019 s'établit à 637.700 pour une population active totale estimée à 4,16 millions de personnes, soit un taux de chômage de 15,33%.
Le chômage touche particulièrement les jeunes, mais aussi les diplômés. Il s’agit là d’un défi majeur à relever pour le prochain gouvernement.
A ce titre, il faut souligner que les résultats de la présidentielle ont en effet clairement montré que les jeunes ont tourné le dos aux partis politiques classiques, et, de fait, leur choix s'est porté sur un candidat indépendant lors du scrutin présidentiel.
En plus de cette épineuse problématique du chômage, il faudra aussi améliorer le quotidien d'une population dont le pouvoir d'achat a été grevé aussi lourdement par le niveau de l'inflation, aggravé par la dépréciation du dinar tunisien vis-à-vis des devises étrangères (euro, dollar, etc.), ainsi que la déterioration des services sociaux de base, tels que la santé ou encore l'éducation.
L’autre défi à relever l'est vis-à-vis du principal bailleur de fonds du pays depuis quelques années, soit le Fonds monétaire international (FMI): il est relatif à la réduction du déficit budgétaire, plombé par la masse salariale.
En effet, sur un budget global de 47 milliards de dinars au titre de 2019, la masse salariale engrange à elle seule 19 milliards de dinars, soit 40,42% du budget, qui représente lui 40% du PIB. En conséquence, il ne reste pas grand-chose pour faire face aux investissements publics, au remboursement du service de la dette, lequel se retrouve de plus en plus conséquent, ainsi qu'aux transferts sociaux.
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En effet, la masse salariale tunisienne représente à elle seule 15,7% du PIB dans le budget 2020, alors qu'elle ne représentait que 10% avant la révolution du Jasmin. Le FMI souhaite que ce ratio soit ramené à un niveau de 12% à l’horizon 2020. Ce pari sera, sans conteste, difficile à tenir dans le cours et moyen terme par le prochain gouvernement.
En conséquence, comme l’exige le FMI, il faudra "dégraisser le mammouth" de la fonction publique tunisienne, qui compte actuellement pas moins de 650.000 fonctionnaires: ce nombre représente 6% de la population totale du pays.
Seulement voilà: il sera difficile, pour le prochain gouvernement, de débuter son mandat avec un tel sacrifice. Mais détient-il une réelle marge de manœuvre, sachant que la Tunisie vit, et ce, depuis quelques années, sous la perfusion du FMI et des bailleurs de fonds étrangers?
Une situation qui a contraint le gouvernement de l’actuel Premier ministre Youssef Chahed à suspendre le recrutement d’environ 20.000 personnes dans la fonction publique en 2018, et à inciter pas moins de 50.000 fonctionnaires au départ volontaire.
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D’ailleurs, cet endettement extérieur est aussi l’autre défi majeur que devra gérer le prochain gouvernement.
Le pays s’est fortement endetté au cours de ces dernières années pour financer le déficit budgétaire. La dette extérieure s'est aggravée de lus de 70% depuis fin 2016. Et le taux d’endettement du pays dépasse les 90%.
Conséquence, le service de la dette commence à peser lourdement sur le budget de l’Etat. En effet, selon les données de la Banque Centrale de Tunisie (BCT), le service de la dette s’est établi à hauteur de 6,5 milliards de dinars tunisiens (environ 2,27 milliards de dollars) en août 2019, contre 4,5 milliards de dinars à la même période de l’année dernière.
Ce montant représente, à lui seul, 16% du budget total de l’Etat au titre de l’exercice 2019. La situation devrait se corser davantage, à cause des remboursements des emprunts extérieurs qui ont été obtenus au cours de ces dernières années auprès des institutions financières (FMI, Banque Mondiale, BAD, etc.) ainsi que des institutions financières privées dans le cadre des emprunts obligataires.
A elles deux, la masse salariale et le service de la dette pèsent pour près de 75% du budget total de l’Etat, pour l’exercice 2019. Une situation pour le moins insoutenable, pour une équipe qui s'est donnée pour but de relancer une économie exsangue.
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Enfin, ce sera au prochain gouvernement qu'échoira cette lourde tâche de prendre les décisions définitives relatives à l’Accord de libre-échange complet et approfondi (ALECA) entre la Tunisie et l’Union européenne.
Cet accord est pourtant décrié par les opérateurs économiques tunisiens, qui craignent la mort de plusieurs pans de l’économie du pays, mais auquel tient l’Union européenne, principal partenaire économique du pays (le poids de l'UE représente près de 60% du commerce bilatéral et 70% des Investissements directs étrangers -IDE).
En outre, l'Union européenne est aussi un bailleur de fonds important pour la Tunisie, avec une assistance macrofinancière de l’ordre de 800 millions d’euros par an.
Toutefois, selon les chercheurs de l’ÖFSE -Organisation autrichienne de recherche, de conseil et d’information sur les questions de développement mondial, de politique de développement et de coopération au développement-, un scénario de libéralisation totale dans le cadre de l’ALECA entraînerait une perte de revenu d’environ 0,5 à 1,5% du PIB à la Tunisie.
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En clair, le prochain gouvernement, qui devrait revenir aux islamiques d’Ennahda, et qui a des marges de manoeuvre bien faibles, à cause d’un Parlement constitué d'une mosaïque de partis, a plus que du pain sur la planche.
Mais l'équipe gouvernementale très prochainement aux commandes pourra toutefois compter sur le soutien des bailleurs de fonds du pays, à l’amélioration des conditions sécuritaires, au retour des investisseurs étrangers, mais aussi à la bonne tenue de certains secteurs clés de l’économie tunisienne, tels que le tourisme, l'agriculture ou encore l'industrie.