Algérie-France: de nouvelles tensions diplomatiques palpables

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Le 22/09/2018 à 20h11, mis à jour le 22/09/2018 à 20h29

Entre l’Algérie et la France, ça n’a jamais été le grand amour. Et les faits et gestes de part et d’autres ces derniers jours risquent fort de détériorer des relations politiques qui n’ont jamais été au beau fixe.

Quelques jours après que le président français a demandé le pardon à la veuve de Maurice Audin, reconnaissant de facto la torture et l’implication de la puissance coloniale dans les actes de torture durant la guerre d’indépendance, un acte constituant une avancée notable dans le règlement de certains dossiers sensibles entre les deux pays, c’est à nouveau la tension diplomatique qui est palpable.

Si rien ne laisse fuiter des signes de détérioration des relations diplomatiques entre les deux pays, il faut reconnaitre que les points de discorde entre les deux se sont multipliés au cours de ces derniers mois avant de connaître une nouvelle étape avec la sortie, vendredi dernier, de l’ancien ambassadeur de France en Algérie, et, surtout, le non moins ancien patron de la Direction générale de la sûreté extérieure française.

D’abord, au niveau du dossier de l’indépendance de l’Algérie, la question des Harkis est toujours un point sensible entre les deux pays. 

Les harkis demandent leur retour dans leur pays natal et sont appuyés par les autorités françaises. Le président français, Emmanuel Macron, avait demandait en décembre dernier, à ce qu’Alger aplanisse sa position sur ce dossier épineux. Seulement, sur ce point, le Secrétaire général du FLN, Djamel ould Abbès, a été clair, en août dernier. «Les harkis ont choisi la France. Leur dossier est définitivement plié. Il n’y aura pas de retour en arrière», ajoutant que «les harkis vivent en France en tant que tels et l’Algérie n’a nullement besoin d’eux». 

La décision du président français de décorer des harkis de la légion d’honneur et l’annonce prochaine de la Journée internationale d’hommage aux harkis est très mal vue par Alger qui considère ces supplétifs de l’armée française comme des traitres.

Par ailleurs, Alger a décidé depuis mercredi 19 septembre de procéder au retrait des surveillances policières attribuées aux représentations diplomatiques (ambassade, résidence de l’ambassadeur et consulats) françaises en Algérie. Pour Alger il s’agit d’une simple question de réciprocité après le retrait des policiers en charge de la protection de l’ambassade d’Algérie en France.

A cette question, s’ajoute celle liée aux restrictions de visas imposées aux algériens. En effet, même si les autorités françaises ne l’admettent pas, le nombre de refus de visas important, souvent non motivé, irrite les citoyens et les autorités algériennes.

Si l’ambassadeur de France à Alger avait nié toute restriction, il avait tout de même reconnu qu’il y a des contrôles plus stricts à cause du changement du paysage migratoire européen. Seulement, en France, de nombreuses voix se sont élevées pour demander des durcissements dans les conditions d’octroi de visas aux algériens.

Ainsi, le Directeur central de la police française des frontières, Fernand Gontier, avait plaidé en mai dernier pour un tel durcissement devant le Sénat en arguant que nombre d’immigrés de nationalité algérienne vivent en France. Dans son rapport, il a expliqué que «l’Algérie nous préoccupe (…) beaucoup: sa jeunesse est en désespérance et quitte le territoire. La France reste très attractive». Il a justifié sa demande par le fait que «beaucoup d’algériens arrivent avec des visas mais ne repartent plus».

Enfin, la dernière sortie de Bernard Bajolet, ancien Premier secrétaire à l’ambassade de France en Algérie, avant de prendre les rênes de celle-ci, pour atterrir par la suite à la Direction générale de la sûreté extérieur (DGSE), ne va pas arranger la situation. Il a tenu des propos à l’encontre du président Bouteflika et de la nomenclature algérienne qui ont choqué du côté d’Alger. L’ancien premier espion français a souligné que «la nomenclature algérienne issue ou héritière de la guerre d’Algérie, a toujours besoin de se légitimer en exploitant les sentiments à l’égard de l’ancienne colonie », ajoutant que le «le président Bouteflika est maintenu en vie artificiellement.

Et rien ne changera dans cette période de transition». Pire, il a mis au même pied d’égalité les deux pays au niveau de la mémoire en soulignant que «si ouverture il y a, il faudra aussi qu’elle soit réciproque avec, entre autres, l’ouverture des archives du FLN».

A Alger, cette sortie a été mal accueillie mais on préfère temporiser tant la situation intérieur, avec les multiples limogeages de généraux, est explosive et qu’il vaut mieux dans ces conditions éviter des tensions avec un partenaire important.

Toutefois, le silence des diplomates risque d’être mis à rude épreuve dans les jours et semaines à venir, tant la tension est palpable.

Par Karim Zeidane
Le 22/09/2018 à 20h11, mis à jour le 22/09/2018 à 20h29