Espionnage pour Israël: l'Algérie persiste dans sa déraison contre les migrants subsahariens

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Le 24/04/2018 à 14h06, mis à jour le 24/04/2018 à 14h09

Le tribunal criminel de Ghardaïa a confirmé les peines prononcées contre une cellule de clandestins subsahariens accusés d’espionnage au profit d’Israël. Le Libano-Libérien accusé d’être le cerveau de la cellule est condamné à mort. Les accusations laissent perplexes de nombreux observateurs.

La Cour d’appel de Ghardaïa vient de confirmer les peines prononcées en février dernier contre une cellule de présumés espions subsahariens agissant au profit de l’Etat d’Israël.

Le tribunal criminel de Ghardaïa a ainsi confirmé le lundi 23 avril courant la condamnation à mort et les peines de 10 ans de prison ferme à l’encontre des sept membres de la cellule accusés d’espionnage.

L’accusé principal (A.D.F), de nationalité libérienne et d’origine libanaise a été condamné à la peine capitale pour « espionnage au profit d’une puissance étrangère (Israël) et constitution d’une bande criminelle dans le cadre d’un projet collectif visant à porter gravement attente à l’Algérie», selon l’agence officielle algérienne APS.

Les six autres accusés, 3 Maliens, 2 Guinéens et un Ghanéen, ont écopé de 10 ans de prison ferme chacun. En plus, les condamnés doivent également verser une amende d’un million de dinars au Trésor public.

Ainsi, la Cour d’appel a-t-elle confirmé les condamnations du 14 février dernier de la Cour criminelle de Ghardaïa. Les condamnés sont accusés de constitution et d'organisation d’une bande criminelle portant atteinte à la sécurité nationale, impression, possession et diffusion de documents subversifs faisant apologie du terrorisme et appelant à l’atteinte à la sécurité de l’Etat, entrée et séjour illégal sur le territoire algérien et usurpation d’identité pour deux d’entre eux.

Tous les mis en cause ont rejeté catégoriquement ces accusations d’espionnage au profit d’Israël, se présentant comme des migrants souhaitant rejoindre l'Europe via l'Algérie.

Reste que ce procès laisse de nombreuses zones d’ombres. Au départ, l’accusation parlait d’une cellule composée d’Ethiopiens, de Libyens, de Nigérians et de Kenyans. Or, les sept condamnés sont de nationalités libérienne, malienne, guinéenne et ghanéenne. Par ailleurs, les services de sécurité algérienne avaient souligné dans leur accusation la saisie d’«un lot de matériel et des moyens de communication très sophistiqués utilisés par les espions». Toutefois, ce matériel n’a pas été produit devant les juges. 

Toute l’accusation porte sur un registre portant l'inscription «Israël» et comportant des chiffres se rapportant à des collectes d’argent.

Lors de leur arrestation, le principal accusé n’avait avec lui que 400 euros et 14.000 dinars algériens (moins de 100 euros). Le Libano-Libérien a nié durant le procès être le propriétaire du registre soulignant l’avoir vu une seule fois entre les mains d’un Malien, Moussa Diarra, surnommé Génon Duke, qui a réussi curieusement à s’évaporer et qui est considéré comme le personnage clé de ce groupe qui ressemble plus à une cellule de passeurs et de migrants clandestins qu’à des apprentis espions au profit de l’Etat hébreu.

Ensuite, que feraient des espions d’Israël à Ghardaïa qui est loin d’être une zone stratégique? Pourquoi un espion d’Israël se promènerait-il avec un registre sur lequel est mentionné le nom «Israël»? Pourquoi le personnage clé, le Malien Génon Duke, au centre de cet imbroglio, a-t-il échappé aux mailles des redoutables services de renseignement algériens à Ghardaïa?

Autant de questions qui remettent en cause le bien-fondé de l’accusation d’espionnage. Les mis en cause ont tout l'air de migrants subsahariens souhaitant rejoindre l’«eldorado» européen et qui sont tombés aux mains des services aux ordres des dirigeants, tel le Premier ministre qui a accusé les intéressés d’être à l’origine de «crimes, de trafic de drogue et de plusieurs autres fléaux».

Par Karim Zeidane
Le 24/04/2018 à 14h06, mis à jour le 24/04/2018 à 14h09