Zlecaf: l'Algérie veut créer des "Zones économiques spéciales" à ses frontières au sud

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Le 08/10/2019 à 12h26, mis à jour le 09/10/2019 à 12h13

L’Algérie souhaite profiter de la mise en place de la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf). Pour cela, le pays compte installer des «Zones économiques» à sa frontière au sud, pour mieux s’intégrer au reste du continent. Toutefois, le pari est loin d'être gagné...

Les pays africains se préparent à la grande Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) qui devrait stimuler les échanges économiques et les déplacements sur le continent.

C’est également le cas de l’Algérie, qui souhaite profiter de la mise en place de la Zlecaf pour diversifier son économie et s’assurer d’une meilleure intégration économique avec le reste de l'Afrique. 

Pour y arriver, le ministre algérien du Commerce, Saïd Djellab, a annoncé, en marge de «La Conférence nationale sur la vulgarisation de la Zone de libre-échange continentale africaine», qui s’est tenue le 7 octobre 2019 à Alger, sous le thème: «L’Algérie acteur dynamique de l’intégration africaine», que "dans le but de mettre en valeur la diversification du tissu national, le gouvernement algérien prévoit la mise en place de zones économiques spéciales (ZES) dans les espaces frontaliers du grand Sud algérien pour faire de ces régions un point d’intégration économique africaine".

L’Algérie partage sa longue frontière sud avec la Mauritanie, le Mali et le Niger: autant de pays et donc de points sur une carte du continent, sur lesquels il est aisé d'imaginer où les "ZES", annoncées par le ministre algérien, seront implantées.

Le ministre a en outre tenu à insister sur le "rôle moteur" que devront jouer les "Conseils d’hommes d’affaires algériens" dans la stimulation des échanges commerciaux entre l’Algérie et le reste du continent africain à travers sa frontière sud. 

Toutefois très conscient de l’ampleur de la tâche qui attend son pays, Djellab a appelé à la mise en place d’une "stratégie nationale spécifique" pour l’implication de l’Algérie dans la Zlecaf. 

Il reste en effet à savoir si ces ZES sont effectivement faisables, et ce que l’Algérie compte exporter à partir de celles-ci. Situées à des distances très éloignées d’Alger, la réalisation de ces ZES et leur approvisionnement sera un casse-tête difficile à résoudre d'un strict point de vue logistique.

Par exemple, pour le cas du Mali, la distance la plus courte entre Alger et la frontière malienne est de 2.144 km à vol d’oiseau et le trajet le plus court est de 2.997,43 km. Il faut, de plus, parcourir plus de 4.200 km entre Alger et Bamako via Timiaouine.

Autre exemple, que l'expérience a déjà permis de constater: l’approvisionnement de la Mauritanie à partir d’Alger constitue un obstacle majeur à l’intensification des échanges entre l’Algérie et la Mauritanie, via Tindouf.

Il faut, de fait, au moins 7 jours pour relier les capitales des deux pays avec, à la clé, une facture en carburant très élevée, même si celui-ci est subventionné en Algérie, grevant la compétitivité des produits «Made in Algeria».

Ensuite, il faudrait diversifier l’offre exportable algérienne. En effet, actuellement, presque 97% des recettes d’exportations du pays sont tirées des hydrocarbures (pétrole, gaz, ammoniac, électricité, etc.) et leurs dérivés.

En effet, certains produits, dont l'industrie est naissante en Algérie, et qui avaient commencé à s’exporter dans d'autres pays d'Afrique comme l’électro-ménager, sont actuellement dans une situation difficile à cause des nouvelles règles d’importations d’intrants (kits SKD/CKD) mis en place par le gouvernement en place. Ces règles d'importation ont fragilisé tout un pan de l'économie algérienne.

De plus, à cette situation, s’ajoute la qualité des produits exportés par le pays, très contestables d'un strict point de vue qualitatif.

A ce titre, l’expérience entamée par l’Algérie avec la Mauritanie s'avère loin d’être concluante. L’Algérie avait, en effet, affiché son ambition de devenir le premier fournisseur de la Mauritanie en Afrique, et Alger était, ce faisant, désireux de détrôner son voisin, le Maroc.

Pour cela, une foire d'exposition de produits algériens avait été organisée à Nouakchott en octobre 2018, avec la présence de pas moins de 170 entreprises algériennes, issues de différents secteur d’activité: électroménager (réfrigérateurs, cuisinières, congélateurs, etc.), électronique (écrans de télévision, appareils téléphoniques, etc.), mécanique, agricole, travaux publics, matériaux de construction, produits plastiques (tuyaux, ustensiles, etc.), produits d’hygiène (couches pour bébé, savons, etc.), produits issus des hydrocarbures (comme les lubrifiants), ou encore des services.

Seuls certains opérateurs dans le domaine de l’électroménager parviennent aujourd'hui à tirer leur épingle du jeu, les produits algériens étant soumis à la forte concurrence d’autres produits issus de divers pays, dont le Maroc, la Turquie, l'Espagne ou encore la Chine.

Pour finir, avant de se lancer dans la mise en place de ces fameuses ZES souhaitées par le ministre algérien du commerce, il faudrait au préalable assurer la sécurité dans une région où évoluent des bandes terroristes et des narco-trafiquants. Une situation ne facilitera pas les échanges commerciaux aux frontières entre l'Algérie et le Mali ou le Niger, par exemple.

Par Karim Zeidane
Le 08/10/2019 à 12h26, mis à jour le 09/10/2019 à 12h13