C’est un secret de polichinelle. Si la Sonatrach (Société nationale pour la recherche, la production, le transport, la transformation, et la commercialisation des hydrocarbures) est malade, c'est à cause de sa boulimie et surtout de la mauvaise gestion dont elle fait l’objet depuis des années.
Seulement, quand l'annonce vient du patron de l’entreprise et de son ministre de tutelle, elle prend toute son importance.
Jusque-là cachées par la bonne orientation des cours de l’or noir, les difficultés de la plus grande entreprise du continent africain ont été mises à nu par la chute brutale de celle-ci en 2014. Or, les bénéfices de ce géant sont derrière environ 98% des recettes d’exportations de l’Algérie. Autrement dit, c’est d’elle que dépendent les recettes en devises et les recettes budgétaires (impôts et taxes) du pays. C’est dire que quand la Sonatrach éternue, c’est toute l’économie algérienne qui est grippée. Et c’est le cas actuellement.
Les maux du géant son nombreux. Outre la chute de ses revenus entre 2014 et 2016 et le niveau bas des cours du baril de pétrole, la situation du géant du pétrole algérien est aggravée par la baisse de sa production sous l’effet du déclin de ses gisements pétroliers et gaziers. Ensuite, du fait de la crise, Sonatrach a vu ses recettes pétrolières passer de 61,8 milliards de dollars en 2014 à 33,2 milliards en 2016 et n’a pas pu réaliser les investissements programmés pour accroître sa production. L’entreprise avait annoncé un investissement de 73 milliards de dollars sur la période 2016-2020.
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Et vu le niveau actuel des cours du baril et les projections du FMI, qui table sur un baril autour de 50 dollars pour de nombreuses années encore, la situation de la Sonatrach risque aussi de s’aggraver. Situation qui a poussé le Président directeur général de Sonatrach, Abdelmoumen Ould Kaddour, à reconnaître que «la situation de l’entreprise n’est pas très bonne». Pire, ajoute t-il, la conjoncture actuelle est telle que la Sonatrach «trouve du mal à honorer ses engagements et ses contrats». Pourtant, il y a quelques mois, l’entreprise avait démenti toute incapacité à honorer ses engagements envers ses clients.
Face à cette situation, il urge pour l’entreprise d'augmenter ses capacités de production et de commercialisation afin d’éviter de perdre des parts de marché à l’international et d'aggraver ses difficultés.
Face à cette situation, l’actuel patron du mastodonte a souligné la nécessité de «conduire le changement de l’entreprise», soulignant que «la compagnie a longtemps fonctionné de manière bureaucratique et administrative et il est temps aujourd’hui qu’elle reprenne son fonctionnement économique». En clair, il est temps que la Sonatrach adopte les bonnes pratiques en matière de gestion et de bonne gouvernance. Pour le patron du groupe, «il faut revoir l’organisation de la Sonatrach pour la rendre plus efficace de façon à ce qu’elle puisse répondre aux problèmes de l’heure».
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Toutefois, cela ne va pas être suffisant. Et du coup, il faut aussi faire face au déclin des gisements en cours d’exploitation, dont la production stagne depuis plus d’une décennie, même si une légère hausse s'est fait jour en 2016. Partant, l’exploitation du gaz de schiste est recommandée. Le Premier ministre Ouyahia avait même donné le ton. Seulement, sur ce point, reconnaît le PDG de la Sonatrach, «le processus nécessitera beaucoup de temps». Or, pour l’Etat algérien, il faut trouver rapidement des alternatives.
C’est dans ce cadre que semble s’inscrire l’amendement de la loi sur les hydrocarbure pour encourager l’arrivée de nouveaux investisseurs étrangers qui pourraient contribuer à maintenir, à défaut d’augmenter, la production algérienne de gaz et de pétrole. «Sans porter atteinte à aucune question de souveraineté, une relecture de cette loi est aujourd’hui nécessaire pour améliorer notre attractivité dans le domaine de la prospection et de l’exploitation des hydrocarbures, de façon à renouveler nos réserves, diversifier le tissu des industries pétrochimiques de transformation et créer de bonnes conditions pour la valorisation locale et optimale de nos ressources», a expliqué Mustapha Guitouni, ministre de l’Énergie. Reste que cette loi est très contraignante pour les investisseurs étrangers.
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Pour faire face à cette situation, le gouvernement compte apurer les créances détenues par le groupe sur le Trésor grâce en activant la planche à billets. Sauf que si celle-ci permet de faire face aux financements internes, avec tous les effets négatifs qu'elle induit (inflation), la Sonatrach a aussi besoin de devises pour acheter des équipements à l’étranger, à un moment où les recettes en devises poursuivent leur trend baissier. D’où la nécessité impérieuse pour l'entreprise de renforcer ses partenariats avec les géants mondiaux du secteur des hydrocarbures.
Pour se restructurer, Sonatrach a besoin du soutien d’un grand groupe. Selon la presse algérienne, quatre grands acteurs sont en lice pour l'accompagner : Boston Consulting group, Deloitte, PwC et EyE.
Mais la restructuration risque d’être douloureuse. En effet, le mastodonte algérien compte 150 filiales, 120 000 collaborateurs et 450 comptes bancaire…
L’effectif pléthorique et le nombre colossal de filiales à fermer provoqueront des licenciements massifs. Dans le contexte actuel, il est peu probable que le gouvernement qui prépare des élections présidentielles incertaines puisse prendre de telles initiatives. La réorganisation de la Sonatrach pourrait prendre encore du temps.