Face à la crise, le gouvernement algérien navigue à vue. Il essaie de colmater les brèches pour faire face au déficit budgétaire en recourant à la planche à billets et face au déficit du compte courant, il multiplie les restrictions aux importations. Quant aux réformes devant conduire à une dynamique de l’économie algérienne, on les repousse aux calendes grecques tout en espérant qu’une hypothétique forte hausse du cours du baril vienne embellir la situation.
D'ici là, les dirigeants algériens affichent un optimisme à toute épreuve que vient temporiser, sinon balayer, le Fonds monétaire international (FMI) dans son dernier rapport relatif à l’Algérie.
Celui-ci remet en cause toutes les projections établies par les autorités algériennes. Et cela concerne tous les indicateurs économiques.
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D’abord, au niveau de la croissance, le FMI explique que celle-ci, après une molle progression de 1,6% en 2017 devrait se redresser en 2018 avec une progression de près de 3%, sous l’effet de la planche à billets. Toutefois, l’effet de cette perfusion via le financement non conventionnel sera de courte durée.
La croissance va fortement ralentir à partir de 2020, prédit le FMI, avec des conséquences néfastes se traduisant par une forte poussée du taux de chômage et une persistance des déficits jumeaux (déficit budgétaire et déficit du compte courant). Cette situation va être accélérée par la politique de «coupes sombres» que compte entreprendre le gouvernement algérien pour faire face à la crise financière. Seulement, pour le FMI, cette politique va accentuer le ralentissement économique à partir de 2019.
Pire, elle va «accroître encore les tensions sur les réserves de change. En raison du peu de flexibilité de l’offre intérieure, tout au moins à court terme, les injections de liquidités alimenteront la demande d’importations».
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Du coup, selon le rapport du FMI publié le lundi 16 juillet, les réserves de change du pays vont poursuivre leur dégringolade pour ne permettre que 5 mois d’importation en 2022 et s’établir à seulement 12 milliards de dollars en 2023 pour n’assurer que 3 mois d’importation de biens et services, sachant que les avoirs extérieurs en devises s’établissent actuellement autour de 90 milliards de dollars alors qu’ils frôlaient la barre des 200 milliards de dollars en 2013, juste avant le début de la crise économique que traverse l’Algérie dans le sillage de la chute du baril de pétrole.
Conséquence, le gouvernement sera obligé de poursuivre le financement de l’économie algérienne par la planche à billets au-delà des 5 ans prévus. Selon le FMI, le financement monétaire pourrait représenter l’équivalent de 2% du PIB de 2017 à la fin de l’année en cours. L’économie algérienne deviendrait ainsi quasi dépendante de ce mode de financement. Or, la hausse de la liquidité qui en résulte, combinée aux effets des restrictions à l’importation sur les prix des biens produits localement ou importés en quantités limitées, va entraîner une hausse généralisée des prix des biens. Le FMI table sur un taux d’inflation de 7,4% en 2018e et 7,6% en 2019. Au-delà, le taux d’inflation devrait continuer à grimper. Une situation qui risque d’entraîner des tensions sociales et des revendications salariales.
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D’après le FMI, «les attentes en matière de salaire et de prix pourraient s’ajuster rapidement et se renforcer mutuellement. Les autorités pourraient alors se trouver obligées de recourir au financement monétaire au cours des années suivantes, ce qui risquerait d’entraîner l’économie dans une spirale inflationniste».
Une inquiétude que les autorités algériennes commencent à sentir, comme en attestent les mesures prises par la Banque d’Algérie visant à éponger une partie des liquidités injectées via les mécanismes du relèvement du taux de la réserve obligatoire de 4% à 8% et qui procède à des opérations d’absorption de liquidités via les dépôts bancaires à 7 jours.
Face à ces sombres perspectives, le FMI souligne qu’il est encore possible d’inverser la situation en adoptant une série de reformes structurelles et en diversifiant les sources de financement avec un recours à l’endettement extérieur.
Toutefois, face aux élections présidentielles prévues en 2019, il est fort probable que le statut soit maintenu d’ici là. La politique du gouvernement devant se limiter à éviter tout mécontentement populaire, même au prix d’hypothéquer une reprise durable de la croissance économique du pays.