Algérie: Carnegie Middle East Center craint un effondrement économique imminent

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Le 08/08/2019 à 13h06, mis à jour le 08/08/2019 à 13h31

L’impasse politique risque de conduire l’Algérie à une crise imminente. La prédiction est de Carnegie Middle East Center, un groupe de réflexion et un centre de recherche traitant des politiques publiques au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Le think tank en appelle donc à des réformes urgentes.

L’échec d'un consensus sur le "dialogue national" que le gouvernement algérien souhaitait mettre en place fait craindre la poursuite de l’impasse politique en Algérie depuis le départ du président Abdelaziz Bouteflika.

Cette perspective risque d’avoir des répercussions socio-économiques graves et imminentes.

La situation, grave, a poussé certains centres de recherches à examiner les conséquences d’une telle situation sur l’économie algérienne.

C’est le cas de Carnegie Middle East Center, un groupe de réflexion et un centre de recherche créé en 2006 à Beyrouth (Liban) par Carnegie Endowment for International Peace, think tank basé à Washington.

Et les prédictions de ce centre de recherche traitant des politiques publiques au niveau de la région Moyen-Orient & Afrique du Nord sont inquiétantes.

Ses chercheurs jugent en effet que cette situation d’impasse et de blocage est alarmante, «compte tenu de la crise économique imminente qui ajoutera une couche de complexité à une situation déjà compliquée».

En effet, selon leurs projections, les revendications politiques du mouvement de protestation vont bientôt s’étendre à l’économie.

Une situation déjà prévisible avec les mouvements d’humeur des salariés de nombreuses entreprises privées appartenant à des oligarques désomais placés sous les verrous, et l'arrêt de projets engagés à cause du durcissement des règles de financement du secteur bancaire.

En conséquence, «les futurs dirigeants vont devoir faire face à de sérieux défis financiers dans un pays qui est dépendant de l’énergie depuis des décennies, avec un système économique qui semble de plus en plus intenable en raison de son incapacité à introduire la diversification», souligne le centre de recherche.

En effet, l’économie algérienne est fortement dépendante des hydrocarbures dont les recettes varient en fonction du cours du baril de pétrole et sont donc très volatiles.

Ainsi, après avoir représenté 65,4% des recettes de l’Etat en 2013 lorsque le cours du baril avait atteint une moyenne de 110,80 dollars, celles-ci sont tombées à 33,6% en 2016 lorsque le prix du baril est tombé à 36,6 dollars avant de remonter à hauteur de 40% en 2018 avec un cours de baril moyen de 71,50 dollars.

Cette situation a déséquilibré les finances algériennes, avec, à la clé, l’épuisement de son fonds souverain et une crise financière aiguë qui a poussé le gouvernement algérien à recourir à la «planche à billets».

La situation devrait ainsi se corser davantage cette année. Et pour cause, selon Carnegie, «pour équilibrer son budget 2019, le pays a besoin d’un baril à 116 dollars».

Or, celui-ci a chuté actuellement sous la barre des 60 dollars. Les recettes en devises du pays s’amenuisent en conséquence, sachant que celles-ci reposent à hauteur de plus de 95% sur les hydrocarbures et ses dérivés.

La situation économique du pays se détériore donc inexorablement, avec des taux de croissance faibles et une inflation qui réduit le pouvoir d’achat des citoyens. 

Et comme l’Algérie importe 70% de ce qu’elle consomme, cette situation pourrait avoir des répercussions économiques et sociales graves.

«Les crises de la dette algérienne de 1986 et 1994 ont montré la nature des difficultés auxquelles les dirigeants seront confrontés. A l’époque, le financement des importations de produits de première nécessité par 21 millions d’Algériens constituait un défi presque insurmontable. Que se passera-t-il en 2021, avec une population de 44 millions d’Algériens?», se demandent les auteurs de cette note de recherche émise au Liban. 

Face à cette inquiétante perspective économique, les analystes de Carnegie Center estiment qu'il est nécessaire de parvenir à un règlement de la crise politique actuelle et à la mise en œuvre d’un programme d’urgence pour atténuer la crise économique avant de prendre des mesures structurelles.

Celles-ci seraient alors à même de donner une nouvelle orientation à l’économie algérienne, ainsi qu'une nouvelle orientation vers un réel système démocratique.

A ce titre, estiment-ils, une attention particulière doit être accordée à la jeunesse algérienne, fer de lance du mouvement de protestation et qui est fortement touchée par le chômage.

Par Karim Zeidane
Le 08/08/2019 à 13h06, mis à jour le 08/08/2019 à 13h31