«Si les intérêts de l’Algérie l’exigent, la règle 51/49% sera revue, après tout, elle n'est pas inscrite dans le coran», avait déclaré en février 2019, le dernier ministre de l’Industrie de l’ère Bouteflika, Youcef Yousfi. Le parallélisme grossier du ministre en disait long sur l’échec de cette règle entrée en vigueur en 2009 et qui oblige depuis tout investisseur qui s’implante en Algérie à accorder une participation majoritaire (au moins 51% du capital) à l’Etat algérien ou à des partenaires publics ou privés algériens. En clair, quel que soit le projet initié par un investisseur étranger, celui-ci ne peut détenir plus de 49% du capital.
Depuis, cette règle a été érigée en dogme par les pouvoirs publics algériens assis il est vrai sur une manne financière exceptionnelle que leur offraient les exportations des hydrocarbures. Grâce aux cours élevés du baril de pétrole, ils ne voyaient pas la nécessité d’attirer les investisseurs étrangers afin de diversifier leur économie basée actuellement presque quasiment sur la rente pétrolière qui leur assure 95% des recettes d’exportation et 60% des recettes budgétaires.
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Seulement, la crise économique et financière est passée par là avec la chute des cours depuis 2014 avant que le Covid-19 ne vienne donner l’estocade. Du coup, après les tergiversations des anciens gouvernements quant à la réforme de cette fameuse règle, l’actuel régime fait tomber des dogmes auxquels ont été attachés les caciques qui dirigent le pays depuis quelques décennies.
Outre le recours à l’endettement extérieur qui est désormais accepté, sous certaines conditions et auprès de certains bailleurs peu regardants sur la contrepartie de réformes structurelles à mettre en place, le gouvernement vient aussi de franchir une étape importante en ce qui concerne l’ouverture de l’économie algérienne aux investisseurs étrangers.
Ainsi, dans le cadre de la Loi de finances complémentaire (LFC) 2020, il a décidé de supprimer la règle de répartition du capital social 51/49%. Une règle décriée par les partenaires économiques de l’Algérie, dont l’Union européenne, la France, les Etats-Unis, la Turquie, mais aussi par le patronat algérien.
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Elle a fait rater à l’Algérie de nombreux investissements directs étrangers dans des secteurs capitalistiques et constitue l’un des points faibles de l’Algérie dans le classement Doing business.
Ainsi, une fois que cette suppression sera adoptée par les parlementaires algériens, c’est un important frein à l’investissement direct étranger qui sera levé.
Il s’agit d’une avancée notable qui améliore l’attractivité de l’économie algérienne. L’arrivée du capital étranger non soumis à la contrainte d’être minoritaire dans un projet peut booster plusieurs secteurs vitaux qui n’arrivent pas à décoller, dont les banques, les compagnies d’assurance, les secteurs automobiles, les activités industrielles, l’électronique, etc.
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Autant de secteurs que l’Algérie souhaite développer, mais que les investisseurs étrangers rechignent à investir à cause de nombreuses contraintes et notamment de cette règle qui limite leur marge de manoeuvre au niveau de la gestion des entreprises dont ils ne détiennent pas la majorité du capital.
Désormais, l'Algérie pourra plus facilement attirer de grands constructeurs automobile qui ne seront pas sous le diktat d'oligarques proches du régime.
Seul bémol, cette suppression ne concerne pas tous les secteurs d’activité. Les autorités algériennes maintiennent la règle 51/49% pour les activités d’achat et de revente des produits et pour les secteurs jugés revêtir un caractère stratégique.
Et selon le document de la Loi de finances complémentaire (LFC), les secteurs revêtant un caractère stratégique sont ceux liés à l’exploitation des mines, de toutes les ressources souterraines ou superficielles, relevant de l’activité extractive, à l’exception des carrières et agrégats.
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Ils concernent aussi toutes les activités situées en amont du secteur de l’énergie, celles régies par la loi sur les hydrocarbures et le réseau de distribution et d’acheminement de l’énergie électrique par câble et hydrocarbures gazeux ou liquides, par conduite aérienne ou souterraine.
De même, l’industrie militaire, les activités de transport ferroviaire, les ports, les aéroports et l’industrie pharmaceutique demeurent soumis à la règle de 51/49%.
Bref, les exceptions sont nombreuses. Pire, le secteur des hydrocarbures qui est très capitalistique risque de continuer d’être handicapé par cette fameuse règle qui a éloigné certains majors du secteur de l’Algérie malgré les potentialités du pays.
Ainsi, sur la période 2020-2025, le secteur a besoin de 50 milliards de dollars pour faire face aux activités liées à la recherche et à l'exploration. Un montant colossal que l'Etat algérien aura du mal à couvrir face à la chute des cours du baril de pétrole et à l'épuisement des réserves en devises du pays.
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In fine, cette suppression partielle de la règle 51/49% est une avancée notable en termes d’amélioration de l’attractivité de l’économie algérienne aux investissements directs étrangers (IDE). Toutefois, afin qu’elle puisse jouer un rôle positif et attirer davantage d’investisseurs, c’est tout l’environnement des affaires du pays qu’il faudrait revoir. En effet, les investisseurs étrangers ont besoin de clarté en matière de droit sur la propriété, de rapatriement de leurs dividendes, etc.