Habituées à sortir de leurs gonds chaque fois qu'un rapport montre leur incompétence dans un domaine précis, les autorités algériennes, préfèrent faire profil bas, depuis que Speedtest Global Index a publié son dernier classement concernant la vitesse de connexion à internet pour 177 pays dans le monde. Et pour cause, c'est la gestion catastrophique du secteur qui fait que sur les 46 pays africains, l'Algérie est positionnée à la 46e et dernière place. Et dans le monde, elle ne devance que le Yemen, Cuba et le Turkmenistan.
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Pas plus tard qu'en août 2020, le président Abdelmadjid Tebboune, courroucé par la piètre qualité des services de télécommunications du pays, avait limogé 3 hauts dirigeants, notamment les PDG du Groupe Télécom Algérie (GTA), d'Algérie Télécom et de Mobilis, filiale d'Algérie Télécom.
Il faut dire que le régime a pris tardivement conscience de la mauvaise gouvernance des télécommunications, ce qui l'a poussé à avoir une réaction épidermique, comme il sait si bien le faire. Ainsi, il a sorti son arme favorite de répression contre les ex-dirigeants présent durant le règne de Bouteflika, voire de chasse aux sorcières. Ainsi, des poursuites ont-elles menées contre les ex-ministres.
C'est le cas de l'un des plus emblématiques d'entre eux, en l'occurrence, Moussa Benhamadi, qui fut le PDG d'Algérie Télécoms (2008-2010), l'opérateur historique, avant de prendre les rennes du département des Télécoms (2010-2012).
Benhamadi, à qui la justice algérienne reprochait des faits de corruption liée à l'activité de Condor Electronics, le groupe familial dirigé par ses frères, est mort du Covid-19, alors qu'il était en détention à la prison d'El Harrach en juillet 2020. Certains estiment que son incarcération est intervenue quand le régime s'est rendu compte du retard flagrant qu'avait accusé le pays dans le domaine des télécommunications. Il fallait alors qu'il paye, d'une manière ou d'une autre.
En réalité, le régime algérien sait que les choses n'ont pas été faites dans les règles pour en arriver à ce désastre. C'est donc pour les mêmes raisons que Houda-Imane Feraoun, également ex-ministre est aujourd'hui en prison. Mais, sa gestion plus récente a permis d'identifier des faits plus précis la concernant. Ainsi, le 8 décembre dernier, elle aussi a été placée en détention provisoire pour diverses infractions, notamment la dilapidation des deniers publics et l'abus de fonction.
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Très concrètement, il s'agit d'infractions aux dispositions législatives et réglementaires, par l’octroi d’avantages indus à autrui lors de la passation de marchés publics. Ici, le marché octroyé à la société Mobilink est clairement visé, selon le site d'information du Soir d'Algérie. Car, "l’enquête diligentée a révélé de grosses anomalies dans l’application des clauses qui concernent la convention de raccordement des fameuses cabines téléphoniques Horia (propriétés de Mobilink), au réseau Algérie Télécom".
Toujours selon cette même source, "les enquêteurs estiment que le projet a causé de grands torts au groupe Algérie Télécom, contraint de verser près de 3 milliards de dinars (plus de 18,6 millions d'euros) de compensation à Mobilink pour clore le contentieux qui l’opposait aux frères Kouninef, les plus fidèles soutiens du président Bouteflika. Pour les enquêteurs, il s’agit d’un crime économique". De plus, malgré de nombreuses dénonciations de corruption et autres pratiques douteuses venant des cadres d'Algérie Télécoms, l'ex-ministre n'avait pas daigné lever le petit doigt.
Ainsi, selon cette même source, "au cours des investigations menées, plusieurs cadres et responsables travaillant sous les ordres de Houda-Imane Feraoun ont été auditionnés et ont fait état de pressions exercées par la ministre des Télécommunications durant la passation du contrat en faveur de Mobilink".
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Le nom de Houda-Imane Feraoun est également cité dans une affaire de corruption dont le principal protagoniste n'est autre que Lofti Nezzar, le fils du général Khaled Nezzar, celui-là même qui fut brièvement exilé avant d'être réhabilité par le régime.
Toujours dans e secteur, il y a également l'affaire de l'opérateur mobile Djezzy, filiale du groupe égyptien Orascom dont l'actionnaire majoritaire est le milliardaire Naguib Sawiris. En effet, du jour au lendemain, les autorités algériennes avaient décidé de nationaliser Djezzy qui appartenait pourtant à Sawiris. Ainsi, en 2015, elles ont confisqué 51% de cette société, après s'être opposées trois ans plutôt à la cession de Djezzy par Sawiris à des investisseurs étrangers.
Sawiris, faut-il le rappeler, pensait avoir fait une bonne affaire en investissant en Algérie. Il avait tellement confiance en ce pays d'Afrique du Nord, qu'il avait même dépensé une fortune pour mettre en place un câble sous-marin reliant l'Algérie à l'Europe.
Ainsi, à cause de cette affaire très mal gérée par les autorités algériennes pour faciliter aux investisseurs étrangers le développement des télécoms, le pays a pris un énorme retard. D'autant qu'Algérie Télécom, l'opérateur historique, n'a jamais réellement réussi la modernisation du secteur et qu'encore aujourd'hui tout dépend d'elle. Beaucoup d'experts pensent que le pays est au bord d'un black-out internet, parce que le modèle est arrivé à saturation. En effet, le réseau filaire en cuivre est suranné et le principal opérateur n'a pas réussi à basculer vers la fibre optique, faute de moyens financiers.
Depuis un an, sur le papier, Algérie Télécom veut connecter 320.000 ménages à la fibre optique. Mais dans la réalité, rien n'avance. "Il en faudra plus pour renforcer un réseau vulnérable, sous-équipé et faiblement interconnecté avec les pays voisins", tranche l'hebdomadaire Jeune Afrique, dans un article consacré aux difficultés algériennes dans les nouvelles technologies de l'information et de la communication. "Neuf mois après son inauguration en grande pompe, en présence de l’ex-ministre des Télécommunications, Houda-Imane Feraoun, le système Orval, un câble sous-marin à fibre optique reliant l’Algérie à l’Espagne à partir des stations d’atterrissement d’Oran, d’Alger et de Valence, n’est toujours pas opérationnel", souligne la même source.
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En fait, le mal est partout, puisqu'une autre infrastructure similaire à celle d'Orval est dans la même situation. Le système Medex qui vendait la promesse de relier le réseau de fibres optiques du pays à l'internet de l'Amérique du Nord et qui avait été réceptionné en février 2019, n'était toujours pas fonctionnel début 2021, soit deux ans après son inauguration virtuelle.
Finalement, trente ans après les début d'internet en Afrique du Nord, l'Algérie est connecté au reste du monde via un seul câble sous-marin, le fameux Sea-Me-We-4, qui fait la jonction Annaba à Marseille et qui supporte jusqu’à 80% du trafic national.
Il est clair que les difficultés de l'Algérie en matière de télécommunications dépassent largement le spectre politique et que des limogeages par-ci ou des poursuites judiciaires, par-là, ne permettront pas d'en venir à bout. En attendant, l'Algérie risque de traîner encore longtemps derrière, le Niger, le Malawi, l'Afghanistan ou la Papouasie Nouvelle Guinée.