Algérie: étouffé financièrement, le gouvernement veut mettre fin aux subventions, mais...

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Le 15/09/2021 à 15h02, mis à jour le 15/09/2021 à 15h18

L'Algérie veut mettre fin aux subventions des produits de première nécessité qui pèsent autour de 14 milliards de dollars par an. Au pied du mur à cause de la crise financière, le gouvernement n’a pas le choix. Toutefois, à cause du mode de gouvernance, le ciblage sera difficile à mettre en place.

En 2021, ce sont 17 milliards de dollars, soit 1.960 milliards de dinars, qui ont été alloués aux transferts sociaux, dont une bonne partie sous forme d’aides à la protection du pouvoir d’achat en rendant accessibles les produits de premières nécessité (farine, sucre, huile, lait…), le gaz et l’électricité, les loyers des logements sociaux, les allocations chômage, les aides au profit des enfants des familles pauvres, péréquation des prix du transport dans les régions du Sud… D’habitude, cette enveloppe varie de 12 à 14 milliards de dollars par an, soit 10% du PIB du pays. En 2019, elle ont atteint 2.400 milliards de dinars, soit environ 18 milliards de dollars.

Toutefois, le président Tebboune, en mal de reconnaissance, a souhaité fortement augmenter ces transferts sociaux en 2021 afin de calmer la contestation.

Seulement, ceux-ci, dont particulièrement les subventions, pèsent de plus en plus lourd sur le budget de l’Etat, surtout dans le contexte actuel marqué par un déficit budgétaire abyssal et des recettes tirées des hydrocarbures qui ne sont plus aussi importantes que durant les années fastes.

Conséquence, afin de réduire durablement le déficit budgétaire, le gouvernement du Premier ministre et ex-ministre des Finances, Aymen Benabderrahmane, souhaite, dans le cadre d’une politique visant à réduire progressivement les transferts sociaux, éliminer les subventions des produits de première nécessité et les remplacer par des aides directes allouées aux seules personnes nécessiteuses. «Il n’est pas normal que les catégories aisées acquièrent les produits subventionnés au même prix que les citoyens à faible revenu», avait soutenu en janvier dernier l’actuel Premier ministre, argentier du pays à l’époque.

Plus récemment, face à la complexité du dossier, le président Abdelmadjid Tebboune avait annoncé en juin dernier, qu’une réflexion nationale sur la réforme des subventions étatiques serait entamée après les élections législatives en soulignant que les syndicats, les élus, le conseil national économique social et environnemental (CNESE) et d’autres acteurs seraient appelés à débattre de la question. 

Reste que se passer des subventions n’est pas une politique aisée à prendre en Algérie où les populations ont été habituées par les régimes à vivre avec des prix bas. Plusieurs tentatives de révision de la politique des subventions ont échoué. Dans les années 1990, le gouvernement avait même commencé à appliquer le ciblage des subventions, en accordant des allocations aux familles à faibles revenus. Toutefois, la hausse du cours du baril a poussé les autorités de l’époque à abandonner le projet et à opter à nouveau pour les transferts sociaux pour acheter plus facilement la paix sociale des Algériens à qui on fait miroiter l’abondance et les capacités du gouvernement à répondre à leurs besoins élémentaires.

Au début des années 2000, il a également été question de réviser la politique des subventions en adoptant le ciblage pour aider directement les familles pauvres. Et une fois encore, l’envolé des cours et les élections présidentielles avaient poussé Bouteflika, qui briguait un second mandat, à plus de transferts sociaux.

Depuis, la question est remise au goût du jour à chaque fois que les cours du baril baissent et que les recettes des hydrocarbures chutent. Sachant que la fiscalité pétrolière représente entre 55 et 60% des recettes budgétaires du pays, leur baisse creuse le déficit budgétaire. C’est ainsi que depuis la crise financière liée à la chute du cours du baril de pétrole depuis 2014, la réforme de la politique des subventions est devenue le cheval de bataille des dirigeants.

Seulement, entre les intentions et les actes, il y a un pas que les dirigeants algériens, en mal de reconnaissance populaire, ont du mal à franchir, surtout dans le contexte actuel marqué par la contestation populaire du régime, la crise économique qui touche presque tous les pans de l’économie algérienne, aggravée depuis par la crise sanitaire du Covid-19, et une crise financière liée à la chute des recettes des hydrocarbures et qui se traduit par une décrue continue des réserves de change.

Seulement, face au déficit budgétaire abyssal qui avoisinerait les 20% du PIB en 2020, les autorités n’ont pas beaucoup de marge de manœuvre. En effet, l'Algérie a totalement épuisé le Fonds de régulation des revenus (FFR), qui était sensé épauler le budget de l’Etat en temps de crise et ce, dès 2017. Et le pays refuse de recourir à l’endettement extérieur à cause des dogmes dépassés et fait face à une baisse inquiétante des réserves en devises qui sont passées de 194 milliards de dollars en 2014 à moins de 30 milliards de dollars à fin 2020.

Jusqu’à présent, toutes les tentatives pour passer au ciblage ont échoué. D‘abord, le choix du montant devant remplacer les subventions ne sera pas facile à déterminer. Il s’agit d’un calcul complexe qui doit prendre en considération de nombreux paramètres (salaire minimum pour bénéficier de l’aide, prix qui seront pratiqués après l’abandon de la subvention pour les denrées de première nécessité, produits concernés par les aides…). Ensuite, il faut déterminer les personnes ciblées par ces aides directes (personnes à faibles revenus, exerçant dans l’informel, handicapés…).

Pour ces deux facteurs, il faut des systèmes d’information de qualité, des bases de données fiables et une administration efficace. Autant de paramètres qui font défaut actuellement à cause d’une gouvernance où le tripatouillage des données est devenue une règle à tous les niveaux.

Par ailleurs, il faudra mettre en place une institution en charge de tout le processus de gestion du ciblage.

Enfin, l’abandon des subventions va se traduire par de fortes hausses des prix des produits subventionnés. Outre le fait que les citoyens vont supporter la partie de la subvention, les prix de ces produits vont en plus dépendre de l’évolution des cours mondiaux sur le marché international. Ce sera le cas pour les huiles, le sucre, la farine… pour lesquels la vérité des prix deviendra une réalité, ou presque. 

Le ciblage à la place des subventions devrait coûter beaucoup moins à l’Etat s’il est bien mené. Seulement, sa mise en place ne sera pas facile surtout à cause d’un régime qui a fait de la corruption un mode de gouvernance à tous les niveaux de l’administration. En outre, dans un contexte de contestation populaire qui reste encore tenace, il est fort probable que l’intention du gouvernement ne se concrétise d’ici une année. La population étant habituée aux subventions, une hausse brutale des prix pourrait être mal perçue. Ce d’autant que le problème fondamental est l’impopularité des régimes algériens qui se sont succédé à la tête du pays. Non démocratiques, minés par une gouvernance reposant sur la corruption, le népotisme, la dilapidation des deniers publics…, les décisions prises par les dirigeants ont du mal à être acceptées par la population.

Par Karim Zeidane
Le 15/09/2021 à 15h02, mis à jour le 15/09/2021 à 15h18