Algérie: l’«année du décollage économique» de Tebboune débute avec de nouvelles hausses des prix et pénuries

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Le 01/01/2022 à 15h48, mis à jour le 01/01/2022 à 16h52

Le président Tebboune a décrété 2022 «Année du décollage économique». En attendant, la nouvelle année débute par des pénuries et des flambées des prix des produits alimentaires qui détériorent davantage le pouvoir d’achat des Algériens. Et pour Tebboune, c’est encore à cause de la «main étrangère».

Le président algérien Abdelmadjid Tebboune a adressé ses vœux aux Algériens à pour cette nouvelle année. L'occasion pour lui de dresser le bilan de ses deux années à la tête de l’Algérie et surtout de décréter que «2022 sera celle du décollage économique».

Il a souligné avoir «parachevé l’édifice institutionnel» de l’Algérie en 2021, à travers l’organisation des élections boycottées par les partis politiques et les forces vives algériennes, comme en atteste un taux de participation historiquement le plus faible de l’Algérie, et avoir mis en prison les voix discordantes du Hirak. On comprend alors le sens qui pourrait être donné au «décollage économique» qu’il a décrété...

Déjà en 2021, la diversification de l’économie algérienne a été mise en avant comme une réussite, avec des recettes d’exportation s’élevant à hauteur de 4,6 milliards de dollars, sans expliquer réellement au peuple qu’une grande partie des produits logés dans cette rubrique ne sont en fait que des dérivés des hydrocarbures dont l’ammoniac, les engrais minéraux et chiques azotés, les produits chimie inorganique… Le dernier rapport de la Banque mondiale est rapidement venu pour démontrer que l’évolution des indicateurs macroéconomiques de l’Algérie est rythmée par l’évolution du cours des hydrocarbures suscitant l’indignation des autorités.

En attendant ce décollage décrété, les Algériens continuent à faire face aux pénuries et aux hausses des prix. Ces derniers jours, c’est à nouveau l’huile, dont la première pénurie, il y a quelques mois, avait été à l’origine des bousculades dans les supermarchés et devant les épiceries qui avaien fait le buzz sur les réseaux sociaux, qui commence à manquer dans les rayons de commerce.

Et au lieu de trouver des solutions à cette pénurie récurrente, les autorités algériennes se cachent le visage en avançant qu’il s’agit d’une pénurie créée de toute pièce par les ennemis extérieurs du pays.

Ainsi, dans son message à la nation, le président Tebboune a expliqué que ces pénuries et ces hausses des prix de la fin de l’année ne sont que le fait de la «main extérieur», en indexant «des complots qui visent à déstabiliser le pays, y compris les tentatives de créer une pénurie de produit de première nécessité».

Une manière de se dédouaner alors que c’est uniquement sa politique d’interdiction tous azimuts des importations de produits finis, d’intrants et de biens d’équipements, dans le seul but de préserver les réserves de change du pays, alors que le pays ne produit pas grand-chose, qui sont à l’origine des pénuries et par ricochet de la flambée des tarifs de presque tous les produits.

Allant dans le même sens, le ministre du Commerce et de la Promotion des exportations, Kamel Rezig, lui aéjoute une autre raison à cette pénurie d’huile et aux hausses des prix. Si pour le ministre, la production nationale de l’huile de table couvre amplement la demande locale, certaines informations font état de la baisse de la production chez certains producteurs, en difficulté à cause de la forte hausse des prix des oléagineux sur le marché mondial.

Outre la pénurie, les prix ont encore flambé au cours des derniers jours du mois de décembre. La tomate a ainsi franchi la barre des 195 dinars (1,2 euros) le kilo, le citron est à 200 dinars (1,26 euros), les carottes à 120 dinars (0,75 euros), la pomme de terre remonte à 90 dinars (0,56 euros)… Et la liste des produits dont les prix ont augmenté est longue. Ainsi le prix du poulet atteint 460 dinars (2,90 euros) le kilo, contre une moyenne de 320-340 dinars/kilo auparavant.

Les prix des légumes secs sont devenus inaccessibles. Le kilo de lentilles, pois chiches et haricots blancs s’établit à respectivement 280 dinars, 320 dinars et 300 dinars.

Même le prix du pain, pourtant règlementé, a augmenté en ce début d'année poussant l’Association algérienne de protection de consommateur (apoce) à dénoncer la hausse des prix de pain ordinaire dans les boulangeries et appelle les autorités à intervenir afin de mettre fin à cette situation.

Pour le ministre du Commerce et de la Promotion des exportations, la faute incombe aux spéculateurs. Seulement, si les spéculateurs peuvent maintenir les prix à des niveaux élevés pendant longtemps, c’est qu’il n’y a pas suffisamment de produits en dépit des annonces de production record de la part des autorités. L’offre de nombreux produits est insuffisante face à la demande. Conséquence, ces hausses des prix ont laminé le pouvoir d’achat des ménages.

Face à cette situation, le ministre a annoncé que son département préparait un texte de loi visant à plafonner les marges bénéficiaires, en accusant certains commerçants de réaliser des marges bénéficiaires de 100%, voire 200% dans certains cas.

Une nouvelle décision qui vient après l’échec de la «guerre contre les spéculateurs» lancée lors des flambées des prix de l’année dernière et qui risque de ne pas avoir un impact significatif tant sur la flambée des prix que sur les pénuries.

Par Karim Zeidane
Le 01/01/2022 à 15h48, mis à jour le 01/01/2022 à 16h52