La politique des interdictions tous azimut des importations a fini par toucher celui du lait en poudre. Ainsi, le 9 septembre dernier, les autorités algériennes ont décidé de geler les dérogations sanitaires relatives aux importations du lait en poudre.
Seulement, cette mesure, prise dans le seul but de réduire la facture des importations a été mal évaluée par les autorités qui ont uniquement les yeux rivés sur le niveau des réserves de change du pays et donc sur toute importation dont la facture tend à réduire celles-ci.
Or, l’Algérie n’en produisant pas suffisamment, elle importe de grandes quantités de lait pour satisfaire sa demande. Ainsi, en 2018, le pays était le troisième importateur mondial de produits laitiers derrière la Chine et le Mexique. Et les produits laitiers pèsent plus de 16% de la facture des importations alimentaires. En 2018, elle a importé 270.000 tonnes de poudres de lait entier et 166.000 tonnes de poudre de lait écrémé pour répondre à la demande locale.
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En 2019, malgré la volonté des autorités de réduire la facture des importations, le pays a importé 232.000 tonnes de lait entier en poudre et environ 167.000 tonnes de poudres de lait écrémé pour une facture estimée à 1,25 milliard de dollars.
Selon les professionnels du secteur laitier, l’Algérien est un gros consommateur de lait avec une moyenne de 167 litres/an, contre une moyenne mondiale de 87 litres/an. C’est la consommation par habitant la plus forte du continent africain. Ainsi, le pays consomme globalement 6 milliards de litre-équivalent lait/an alors que la production locale peine à atteindre 2 milliards de litres, soit un déficit de plus de 4 milliards de litres de lait. Ainsi, le pays importe annuellement plus de 3 milliards de litres sous forme de poudre de lait, le reste sous forme de produits laitiers et poudres infantiles.
Du coup, sans les importations de lait en poudre, de nombreuses unités industrielles seront tout simplement à l’arrêt, faute de matière première pour produire du lait frais.
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Partant, les professionnels du secteur regroupés au sein de la Confédération des industriels et des producteurs algériens (CIPA) ont tiré la sonnette d’alarme appelant les autorités à lever rapidement le gel des dérogations sanitaires relatives à l’importation du lait en poudre. Cette crainte est justifiée sachant que ce lait en poudre est la matière première des unités industrielles du pays du fait que la production des vaches laitières du pays est très insuffisante.
En effet, selon les estimations des professionnels regroupés au sein de la CIPA, en 2021, la production de la filière lait algérienne s’est élevé à plus de 3,4 milliards de litres dont seulement 900 millions de litres de vache produits localement. En clair, les industriels sont totalement dépendants des importations de lait en poudre pour continuer à fonctionner.
Les autorités aussi, malgré leurs soucis de réduire la facture des importations, sont conscients que le pays est loin d’être autosuffisant en lait. D’ailleurs, les producteurs de lait estiment qu’elles devraient d’abord soutenir la production du lait local en contribuant au développement de la filière des vaches laitières avant d’envisager d’interdire les importations.
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Et pour réduire cette dépendance laitière, les professionnels estiment que l’Algérie, qui compte actuellement 400.000 vaches laitières, doit importer au moins 1,4 million de vaches laitières pour atteindre l’autosuffisance en lait.
Et en plus de l’importation des vaches laitières, ils estiment aussi qu’il faut en parallèle développer toute la filière d’alimentation en bétail afin de ne pas dépendre des importations d’aliments pour ce cheptel. De même, il faut former des techniciens sur l’insémination artificielle et l’encadrement de la filière laitière de l’amont à l’aval pour espérer réduire la dépendance et donc la facture laitière du pays.
Bref, la politique d’interdiction d’importation qui touche de nombreux secteurs d’activités n’est pas envisageable pour le lait qui est un produit largement consommé en Algérie. Du coup, les autorités sont obligées de revoir le gel des importations pour éviter l'arrêt des unités industrielles et des pénuries comme ce fut le cas en début d’année lorsqu’il a fallu rationnaliser la vente de lait en sachet en raison d’une unité pour un ménage de 6 personnes.