Approvisionnement en gaz de l’Espagne: l’Algérie perd sa position de leader au profit des Etats-Unis

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Le 13/03/2022 à 15h48, mis à jour le 13/03/2022 à 15h56

L’Algérie a été évincée en tant que fournisseur leader de gaz à l’Espagne au profit des Etats-Unis, durant les deux premiers mois de l’année. La fermeture du gazoduc Maghreb-Europe a poussé l'Espagne à compter davantage sur les fournisseurs américains de gaz naturel liquéfié, jugés plus fiables.

L’Algérie a beau annoncer être capable de remplir toutes ses obligations contractuelles à l’égard de ses clients espagnols en fournissant 10,5 milliards de mètres cubes de gaz via le gazoduc Medgaz, mais la réalité est tout autre. La fermeture du gazoduc Maghreb-Europe a négativement impacté les livraisons de l’Algérie à son second principal client, après l’Italie, en gaz.

Méfiants vis-à-vis de la capacité du fournisseur algérien à assurer à leur pays un approvisionnement régulier en gaz, les clients espagnols ont rapidement cherché à sécuriser leurs importations en gaz, surtout que la tension couvait entre la Russie et l’Europe suite à la décision de la première à baisser ses exportations de gaz vers le vieux continent. Des craintes finalement avérées. En effet, selon les données des médias espagnols, l’Algérie a perdu son rang de premier fournisseur de gaz à l’Espagne durant les deux premiers mois de l’année en cours.

Ainsi, selon les statistiques officielles de la société Enagàs, l’opérateur du système gazier espagnol, dans son bulletin statistique de février 2022, l’Espagne a importé l’équivalent de 37.902 GWh de gaz naturel, soit un volume en hausse de 9,03%par rapport à la même période de l’année dernière. Et durant les deux premiers mois de l’année, le volume global importé par le pays s’élève à l’équivalent de 75.721 GWh.

Concernant le volume de 37.902 GWh importé en février dernier, 12.472 GWh ont été importés des Etats-Unis, soit une part de marché de 32,9%, très largement devant l’Algérie avec 8.801 GWh, pour une part de marché de 23,2%. Une situation inquiétante quand on sait que l’Espagne est presque un marché captif pour l’Algérie qui domine ce marché depuis plus de 30 ans. Outre la menace américaine sur ce marché, d’autres acteurs font une belle incursion sur le marché ibérique. C’est le cas du Nigeria qui a talonné de très près l’Algérie en livrant 8.014 GWh à l’Espagne en février, soit une part de marché de 21,1%, mais aussi d’autres acteurs dont la Guinée Equatoriale et le Venezuela avec lequel l’Espagne a renoué d’anciens contrats.

Cette tendance baissière des parts de marché de l’Algérie a été constatée bien avant le début de cette année. Déjà en décembre dernier, les données de la société Enagàs montraient clairement que les importations du GNL via les méthaniers étaient de plus en plus importantes que celles venant des gazoducs, en représentant près de 70% des importations totales en gaz du pays, contre 52,4% pour le même mois de l’année précédente.

Mieux, avant la fermeture du gazoduc Maghreb-Europe en octobre 2021, les importations en gaz en provenance des Etats-Unis n’ont représenté que 16% en septembre 2021, alors que celles provenant de l’Algérie, et dont la majorité avait transité via le gazoduc passant par le Maroc, représentait 46% du total des importations espagnoles.

Or, selon Enagàs, puisque la totalité des importations en gaz venant de l’Algérie l’a été via le gazoduc Medgaz, cela signifie que l’impact de la fermeture du gazoduc GME est indéniable et laisse planer le doute sur la capacité réelle du gazoduc Medgaz.

Cette baisse de la part de marché du gaz algérien pèse sur les clients espagnols qui sont obligés de supporter des coûts supplémentaires élevés sachant que les importations de gaz sous forme de GNL coûtent beaucoup plus cher que celles du gazoduc à cause des coûts de transport via les méthaniers, devenus plus chers aujourd’hui à cause de la crise en Ukraine et des tensions en matière d’approvisionnement en gaz des pays européens qui ont augmenté le fret méthanier et des coûts liés à la gazéification du GNL.

Ainsi, l’Espagne s’inquiète sur la sécurité de ses besoins en gaz dans un contexte de forte demande en électricité. La situation est d’autant plus difficile pour l’Espagne qu’elle a déjà fortement vu son approvisionnement en gaz provenant de la Russie chuter à seulement 5,7% en février dernier, en baisse de 17,9%.

Pour autant, les autorités algériennes continuent d’affirmer être qu’elles sont en mesure de répondre à leurs obligations contractuelles avec la partie espagnole. Mieux, elles ont même prétendu être en mesure de compenser la baisse des approvisionnements russes à l’Europe avant de faire marche arrière.

Par Karim Zeidane
Le 13/03/2022 à 15h48, mis à jour le 13/03/2022 à 15h56