Dimanche dernier, le président directeur général (PDG) de la Sonatrach, Toufik Hakkar, porté par la flambée du cours du baril de pétrole, accordait un entretien au quotidien «Liberté-Algérie». Il y revient longuement sur la crise ukrainienne et la crainte qu’elle n’accentue les tensions sur le marché gazier européen et perturbe les approvisionnements en gaz du vieux continent, trop dépendant du gaz russe.
Surfant sur l’embellie des cours du gaz, Toufik Hakkar souligne ainsi que la «Sonatrach entretient des relations commerciales historiques avec des partenaires européens, notamment espagnols et italiens, qui considèrent la compagnie nationale des hydrocarbures comme un fournisseur fiable et un acteur important et stratégique sur le marché du gaz», avant d’ajouter que «l’entreprise dispose d’une capacité non-utilisée sur le gazoduc transméditerranéen, qui pourrait être utilisée pour augmenter les approvisionnements du marché européen».
En clair, face aux risques de baisse de l’approvisionnement du marché européen, l’Algérie se proposait d’augmenter ses livraisons de gaz à l’Europe en utilisant la capacité de 10 milliards de mètres cubes du gazoduc reliant l’Algérie à l’Italie via la Tunisie. En gros, l’Algérie se porte volontaire pour aider le vieux continent à réduire sa dépendance au gaz russe. Et pour atteindre cet objectif, le PDG de Sonatrach a fait cette confidence explosive au journal Liberté : «Nous prévoyons d'investir 8 milliards de dollars en 2022».
Le PDG de la Sonatrach n’avait pas totalement mesuré les conséquences de ses propos. Le lendemain de cette déclaration, le ministre italien des Affaires étrangères, Luigi Di Maio, s’est en effet rendu à Alger pour discuter de cette possibilité d’une livraison augmentée de gaz via le gazoduc Transmed, reliant les deux pays, afin de compenser une éventuelle baisse côté russe, sachant que 45% du gaz importé par la péninsule provient de la Russie.
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La sortie du PDG de Sonatrach surprend à plus d’un titre. D’abord, elle est en contradiction avec les déclarations des pays exportateurs de gaz (dont l’Algérie) réunis dernièrement à Doha, au Qatar, et qui avaient clairement affiché leur incapacité à augmenter rapidement leur approvisionnement à l’Europe.
Ensuite, politiquement, elle témoigne d’un opportunisme qui risque de mécontenter fortement Moscou, à la fois principal allié de la junte militaire algérienne et son premier fournisseur en armement.
Les dirigeants algériens se sont vite rendus compte que les propos du PDG de Sonatrach n’allaient certainement pas plaire à la Russie. Conséquence, ordre a été intimé à Toufik de faire rapidement un rétropédalage, en jetant la faute sur le journal, propriété du milliardaire Issad Rebrab, qui aurait attribué au PDG de Sonatrach des propos fictifs. C’est ainsi en catastrophe que Toufik Hakkar a été obligé de démentir le contenu de son entretien en accusant «Liberté-Algérie» d’avoir «manipulé et déformé» ses propos. Son démenti a été diffusé par l’agence officielle de propagande du régime APS.
Mieux, pour faire amende honorable auprès des Russes, le PDG est allé jusqu’à déposer plainte contre le quotidien.
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Une chose est sûre, ce rétropédalage est à la fois symptomatique du chaos qui règne au plus haut niveau de l’Etat et de l’alignement aveugle du régime militaire sur la Russie, sous la houlette de vieux généraux algériens qui tiennent le régime et s’enrichissent grâce aux commissions mirobolantes que génèrent les importants contrats d’armement russes.
D’ailleurs, cette crainte de déplaire au régime de Poutine s’illustre également par le fait que l’Algérie est le seul pays arabe, et probablement même l’un des rares pays au monde, à ne pas demander à ses étudiants de quitter l’Ukraine et à ne pas mettre en place un plan d’évacuation pour ses ressortissants, alors que le pays a enregistré dimanche la mort d’un de ses étudiants en Ukraine.