Alors que les pays africains espéraient que 2022, avec la décrue des contagions de Covid-19 et les réouvertures des frontières, allait être celle de la reprise économique et de la baisse des déficits budgétaires. Mais la conjoncture se complique davantage pour nombre d'entre eux, notamment pour ceux qui sont importateurs nets d'hydrocarbures et de produits agricoles (particulièrement le blé), dont les prix flambent dans le sillage de la crise Russie-Ukraine.
Si la guerre Russie-Ukraine se passe très loin du continent africain, ses conséquences s'y font déjà sentir. Et la situation risque de se corser davantage si le conflit s’inscrit dans la durée avec des répercussions néfastes sur le commerce de certains produits dont les deux pays sont parmi les plus exportateurs du monde.
Ainsi, suite à l’intervention russe, le baril de pétrole a franchi la barre des 100 dollars pour atteindre un pic des 105 dollars avant d’entamer une baisse pour se situer à 98,57 dollars ce samedi matin, 26 février 2022. Un niveau très élevé pour les pays importateurs africains qui vont voir leur facture énergétique exploser.
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Et l’une des conséquences de cette hausse est l’augmentation du prix des carburants à la pompe et ce, malgré les interventions des pouvoirs publics et que ces produits soient, dans de nombreux pays, déjà subventionnés. Ces induites se répercutent sur toute la chaîne de valeur et touche ainsi tant le transport des personnes que celui des marchandises.
Idem, pour le cours du gaz, corrélé à celui du pétrole, qui flambe aussi. Sur le marché européen, le jour de l’intervention russe, le 24 février, le cours du gaz a bondi de 50% à plus de 134,70 euros le mégawatt heure (MWh), au niveau du marché de référence en Europe, le TTF (Title Transfer Facility).
Ces hausses des hydrocarbures alimente davantage l’inflation déjà perceptible dans de nombreux pays africains avant même cette intervention.
En effet, à l’exception d’une douzaine de pays, le continent africain est globalement importateur net de pétrole et de gaz. C’est dire que la dépendance énergétique africaine est importante. Et même certains grands producteurs du continent restent dépendants des produits raffinés importés.
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Et en plus de la flambée des cours des hydrocarbures, les pays africains font face à la hausse des cours des produits agricoles dont ils sont globalement de plus en plus dépendants du fait des changements de mode de consommation.
Et à ce titre, c’est la hausse des cours du blé et de quelques oléagineux qui inquiètent en Afrique. Le tarif du blé a ainsi atteint, le jour de l’intervention russe, la barre des 340 euros la tonne, sur Euronext, pour une livraison en mars. Et même si les cours ont depuis baissé, sous l’effet des prises de bénéfices, ils restent élevés à hauteur de 310 dollars la tonne. A titre d’illustration, le cours moyen de la tonne de blé était de 200 euros en 2021.
Résultat, sur le continent, c’est déjà la crise et l’inquiétude. Et il y a de quoi. L’Afrique importe plus des deux tiers de sa consommation en blé. Et la Russie et l’Ukraine, respectivement 2e et 4e exportateurs mondiaux de blé avec près de 29% des exportations mondiales (17% pour la Russie et 12% pour l’Ukraine), sont les principaux fournisseurs du continent. La Tunisie, par exemple, importe 60% de son blé de ces deux pays. Et tous deux fournissent l’Egypte, premier importateur mondial de blé, à hauteur de 85%.
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Ainsi, tout le monde craint une baisse de l’offre mondiale, d'autant que les Etats-Unis et d’autres grands producteurs ne peuvent compenser à cause d’une année agricole difficile au niveau mondial. En plus, le conflit a interrompu le transport par bateau des marchandises au niveau de la mer Noire où plus de 100 bateaux sont actuellement bloqués dont beaucoup transportent blé, maïs, colza… Si la crise perdure, les prix des produits agricoles, qui étaient déjà élevés, le resteront voir augmenteront.
Conséquence au niveau du continent africain, dans presque tous les pays, il y a des tensions sur le prix du pain qui a augmenté dans de nombreux pays d’Afrique subsaharienne.
Outre les hausses des cours, les primes de risques liées au transport ont augmenté au niveau de la région, rehaussant le coût du fret.
Les importations coûtent donc plus cher et on craint les pénuries de blé et de farine un peu partout au niveau du continent. Les importateurs répercutent ces hausses sur le consommateur final et les prix s’emballent un peu partout en Afrique.
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La tension sur le blé touche particulièrement l’Egypte et les pays d’Afrique du Nord qui sont les plus grands consommateurs de la céréale au niveau du continent. L’Egypte, premier importateur de blé au monde et le deuxième client de la Russie avec 3,5 millions de tonnes achetés à mi-janvier. La Russie et l’Ukraine fournissaient plus de 85% des besoins du pays en blé. Le gouvernement égyptien a annoncé avoir sécurisé 9 mois de réserve pour nourrir sa population de 105 millions d’habitants.
Le niveau actuel du prix du blé est un véritable défi pour l’Egypte qui a annulé le 24 février un appel d’offres en raison du tarif très élevé proposé par les fournisseurs, à raison de 399 dollars la tonne.
Conséquence, après avoir réduit le poids de la galette subventionnée, le gouvernement égyptien réfléchit à augmenter son prix. Seulement, en 1977, Anouar al-Sadate l’avait fait entraînant des «émeutes du pain» avant qu’il ne fasse marche arrière.
Et c’est pour éviter ces «émeutes de pain», qui ont renversé tant de présidents et de gouvernement, le dernier en date étant Omar el-Béchir au Soudan, que les Etats interviennent pour éviter une spirale inflationniste aux conséquences désastreuses pour des populations qui commencent à peine à sortir des effets négatifs de la pandémie de Covid-19 durant ces deux dernières années.
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Ainsi, partout, les gouvernements annoncent des plans afin de soutenir le pouvoir d’achat des citoyens en atténuant l’impact des hausses des hydrocarbures et du blé. Ils essaient d’éviter que la crise alimentaire mondiale de 2008, qui avait provoqué des émeutes de la faim dans de nombreux pays, ne se reproduise.
Ainsi, au Sénégal, le président Macky Sall a annoncé, le 24 février, des mesures censées contenir la poussée inflationniste avec une baisse de 100 FCFA sur le litre d’huile, 25 FCFA sur le kg de riz et 25 FCFA sur celui du sucre. D’autres mesures sont prises pour encourager la production locale de riz.
Au Maroc, au titre de 2022, le gouvernement compte affecter 3,8 milliards de dirhams, soit 403 millions de dollars, à son programme de subventions de la farine nationale de blé tendre. Le montant est en hausse de 500 millions de dirhams par rapport à 2021 et près du triple du montant moyen consacré à cette subvention au cours de ces dernières années. Il faut souligner que cette hausse du cours du blé intervient durant une année agricole marquée par une sécheresse aiguë au Maroc, la pire depuis 1981.
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Et selon Mustapha Baitas, porte-parole du gouvernement et ministre chargé des Relations avec le Parlement, «il n’y a pas de craintes au sujet des réserves nationales en matière de blé tendre et d’autres produits de première nécessité, mais il existe une instabilité des prix au niveau mondial. Cette hausse des prix est amortie par une intervention de l’Etat», a-t-il déclaré le jeudi 24 février, expliquant que cette crise n’aura aucun impact sur l’approvisionnement du marché marocain en denrées nécessaires. «Nos réserves de blés tendre et dur ont été renforcées. Le Maroc a pris l’initiative, durant les mois de janvier et février, d’importer des quantités importantes de blé pour un montant de 774 millions de dirhams», a-t-il expliqué.
En Algérie, en dépit de l’impact positif de la hausse des cours du pétrole et du gaz, le pays, second importateur de blé du continent derrière l’Egypte, est touché par la flambée des cours du blé, des oléagineux (soja et tournesol), du lait… Afin d’atténuer des tensions inflationnistes, le Président a supprimé les nouvelles taxes touchant les produits alimentaires. Toutefois, ces mesures risquent d’être insuffisantes à la veille du ramadan du fait des risques de pénuries et des hausses des cours des produits comme le lait sur le marché international dont le pays est très dépendant. Depuis début janvier, les prix du lait en poudre ont augmenté de plus de 21,75%.
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Partout les Etats interviennent pour atténuer la spirale inflationniste. Conséquence de ces politiques interventionnistes, les déficits publics vont exploser en 2022 à cause de ces politiques visant à maintenir les pouvoirs d’achat de citoyens et éviter des explosions sociales.
A titre d’exemple, au Sénégal, les décisions prises par les autorités sont estimées à près de 50 milliards de FCFA, soit 76 millions d’euros.
Ces déficits qui se creusent seront financés globalement par le recours au marché international de la dette et en conséquence alourdiront les charges de dette des pays africains dans les années à venir. Les gouvernements ont-ils d'autres choix?