Algérie: l'annonce de l’exploitation du gaz de schiste réveille les tensions à In Salah

DR

Le 04/10/2017 à 15h06, mis à jour le 04/10/2017 à 15h07

Ahmed Ouyahia a autorisé la Sonatrach à exploiter le gaz de schiste. L'annonce a entraîné une réaction immédiate du Comité anti-gaz de schiste d'In Salah farouchement opposé à cette décision au vu de ses conséquences environnementales catastrophiques. De nouvelles tensions sociales en perspective.

Le gouvernement écossais a annoncé le mardi 3 octobre 2017 qu’il allait interdire la technique de facturation hydraulique pour exploiter le gaz et le pétrole de schiste. Cette décision a été prise pour respecter l’environnement et l’opposition des riverais à cette pratique. En Algérie, à l’opposé, le Premier ministre Ahmed Ouyahia vient d'annoncer solennellement l’exploitation du gaz de schiste.

Si en Ecosse le respect de l’environnement et des populations prime, en Algérie, le gouvernement n’a d’yeux que pour les recettes de pétrole et de gaz nécessaires à l'achat d'une paix sociale suite à l’épuisement de son Fonds de régulation des recettes (FRR) et de la chute de ses avoirs en devises qui ont fondu de moitié en moins de 3 ans.

Ainsi, face à la crise financière, tous les moyens sont bons pour renflouer les caisses de l’Etat. Ainsi, après l’exportation des «gaz associés» (gaz réinjectée pour accroître la production de pétrole), le recours à la planche à billets pour faire face au déficit de trésorerie et au financement du budget, le Premier ministre Ouyahia a demandé au groupe pétrolier public Sonatrac de reprendre l’exploration du gaz de schiste suspendue après des manifestations des populations riveraines et des défenseurs de l’environnement.

Cette fois-ci, le gouvernement algérien semble décidé à aller jusqu’au bout dans sa décision d’exploiter le gaz de schiste. Ainsi, lors de sa visite à la raffinerie d’Arzew, le 1er octobre courant, Ouyahia a déclaré qu’il était temps que Sonatrach exploite toutes ses énergies au services de l’entreprise et du pays. Plus explicite, il a ajouté: «il ne s’agit pas là d’une démarche aventurière, mais d’une option visant à garantir l’avenir en matière énergétique».

Pourtant, l’ancien gouvernement d’Abdelamalek Sellal avait abandonné ce projet sous la pression des populations d’In Salah. Le Premier ministre Ouyahia, lui, n’en a cure. Il veut réussir par tous les moyens, sans se soucier des conséquences des mesures prises: inflation, destruction de l’environnement, etc.

Cette décision a bien entendue été très mal accueillie par les habitants des régions concernées, notamment ceux d’In Salah, située à 1.500 km d’Alger au sud du pays, farouchement opposés à l’exploitation du gaz de schiste du fait des impacts environnementaux qui lui sont liés.

En 2015, les protestations des riverains d’In Salah avaient duré plusieurs semaines. Et le «Groupe des 22», comité citoyen à la pointe de la protestation de 2015 a repris du service suite à l’annonce du Premier ministre. «Le Premier ministre et son gouvernement doivent savoir que les citoyens d’In Salah campent toujours sur leurs positions concernant l’exploitation et même l’exploration du gaz de schiste dans la région. Ils sont prêts, si besoin est, à tout entreprendre pour faire barrage à cette option que le gouvernement ne semble pas vouloir lâcher», a averti un des membres du Comité, selon liberte-algerie.com.

Et face à la volonté du gouvernement de convaincre les citoyens algériens de la nécessité d’exploitation du gaz de schiste, un autre membre du Comité souligne être convaincus que «les inconvénients du gaz de schiste dépassent de loin les avantages avancés par Ouyahia».

Face à l’insistance de Ouyahia, les citoyens d’In Salah n’écartent pas l'option de recourir à la rue au cas où le gouvernement algérien ne renoncerait pas à l’option du schiste et qu’«il assume désormais ses responsabilités».

En attendant, les réseaux sociaux de la région ont pris la relève de la contestation avec des slogans "le gouvernement doit oublier In Salah pour l’exploration du gaz de schiste", "non au gaz de schiste", etc. Partant, la situation risque de s’envenimer dans les jours à venir.

Seulement, acculée, Alger se moque de la santé de la population vivant dans cette région et des impacts écologiques considérables. L’essentiel pour Alger, ce sont les rentrées de devises à même de compenser la chute des recettes d’exportations causée par la baisse du cours du baril de pétrole auquel est indexé le cour du gaz.

L’exploitation du gaz de schiste pourrait compenser la chute des recettes des hydrocarbures, principales sources des ressources budgétaires du pays et qui avaient atteint 65 milliards de dollars au moment de la flambée des cours du baril de pétrole avant d’entamer une chute inexorable à partir de 2014. Elles ne devraient pas dépasser la barre de 31 milliards de dollars au titre de cette année.

En outre, avec l’exploitation du gaz de schiste, Alger, qui affirme détenir les 3e réserves mondiales de gaz de schiste, espère aussi faire face au déclin de la production de ses principaux gisements pétroliers et gaziers qui pourrait affecter ses recettes en devises dans les années à venir.

Seulement, l’exploitation du gaz de schiste est loin de faire l’unanimité dans le monde. Et pour cause, le procédé de facturation hydraulique cause d’énormes dégâts environnementaux. Cette méthode décriée, et qui fait des ravages dans certaines contrées américaines, consiste à créer des fissures dans le sol et à y infiltrer de grandes quantités d’eau mélangée à des produits chimiques afin de permettre l’extraction du gaz capturé dans la roche. Un procédé très critiqué à plusieurs titres.

D’abord, ce procédé nécessite une consommation d’eau très importante. Or, il n’est pas besoin d’être un spécialiste pour savoir que l’eau est une denrée rare au niveau des régions sahariennes où il pleut peu les pluies et où les eaux proviennent presque exclusivement des nappes souterraines.

Ensuite, l’injection de l’eau mélangée à les produits chimiques à l’intérieur des roches via les fissures artificielles créées contamine le sous-sol, polluant les nappes phréatiques et les sols. Du coup, les conséquences sont terribles pour les populations vivant dans ces régions sahariennes.

Par Karim Zeidane
Le 04/10/2017 à 15h06, mis à jour le 04/10/2017 à 15h07