Algérie. 5e mandat: les coulisses d’une guerre sans merci entre les politiques et l’armée

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Le 22/11/2018 à 16h38, mis à jour le 22/11/2018 à 16h40

Revue de presseLa lutte en coulisse pour la présidentielle algérienne de 2019 est sans merci. Elle implique les hommes politiques, les hauts gradés de l’armée et les hommes d’affaires. Tous les coups sont permis. Et à l’approche de l’échéance, une seule certitude, peu survivront à cette présidentielle.

5e mandat, ou pas, pour le président Abdelaziz Bouteflika? La présidentielle algérienne de 2019 s’annonce complexe. Face à un président cloué sur sa chaise roulante, et en l’absence d’un successeur faisant l’unanimité, c’est une scène d’affrontements claniques, sans pitié et sans merci, qu’offre actuellement la nomenklatura algérienne. Ainsi, les coups bas, les manoeuvres et les arrestations rythment cette lutte pour la succession à l’inamovible président.

Comme le souligne Al Watan, «le remue-ménage de ces derniers mois au sommet de l’Etat en laisse perplexe plus d’un. Les changements en série à la tête d’institutions civiles et militaires et dernièrement à la tête du FLN soulèvent des questionnements et attisent les incertitudes des Algériens, totalement perdus dans le flou politique actuel».

Pourtant, ces luttes ne sont pas neuves. Tout a commencé, ou presque, avec l’annonce d’un 5e mandat au profit du président Abdelaziz Bouteflika, au pouvoir depuis 19 ans.

Rapidement, certaines méfiances et de sourds désaccords ont été constatés dans la nomenklatura, où de nombreux prétendants à la magistrature suprême, qui étaient tapis dans l’ombre, espéraient pouvoir remplacer un chef, qui n’est plus que l’ombre de lui-même depuis belle lurette.

Rapidement, à la faveur de l’affaire des 701 kg de cocaïne, l’épée s’est abattue sur celui qui avait, le premier, osé lorgner le fauteuil présidentiel, le puissant chef de la police, Abdelghani Hamel.

Pourtant, ce dernier était considéré comme le favori du clan Bouteflika. C’est peut-être là l’une des raisons de sa mise à l’écart par les militaires qui souhaitent garder la mainmise sur le pouvoir et préparer l’après-Bouteflika, âgé de 81 ans. 

ce limogeage, le premier, a signé le début d’une purge qui a décapité le corps sécuritaro-militaire du pays: les chefs de sûreté, de la gendarmerie, des différents corps d’armée et des chefs des régions militaires ont été brutakement limogés et certains généraux-majors ont même été conduits comme des malpropres en prison. Du jamais vu dans aucun pays. 

Dans cette guerre des clans au sein de l’armée, s’il y a eu des vaincus, on a du mal à connaitre les vainqueurs de cette institution sécuritaro-militaire, pourtant déjà fragilisée.

Pour les observateurs de la scène politique algérienne, ce n’est pas la première fois que cette guerre des clans se répercute sur l’armée et les sécuritaires. Ainsi, en 2004, les manœuvres politiques avaient fini par opposer l’armée du chef d’Etat-major Mohamed Lamari au puissant DRS (services secrets) du général Toufik. La victoire de Bouteflika avait d'ailleurs été synonyme de la fin du général Lamari.

Rebelote lors de la présidentielle de 2014, avec l’affrontement entre le chef d’état-major de l’armée, Ahmed Gaïd Salah, et ce même général Toufik du DRS. Cette fois-là, la victoire de Bouteflika avait été synonyme d’un désaveu du patron du DRS, devenu trop puissant aux yeux de Bouteflika et de la classe politique dirigeants. Toufik avait été poussé à la retraite et la DRS, démantelée.

Cette fois-ci, à quelques mois d’une nouvelle présidentielle, la guerre règne à nouveau entre le pouvoir politique, désormais symbolisé par un Bouteflika très malade et dont on ne sait réellement qui tire les ficèles, et l’appareil militaro-sécuritaire.

Mais cette fois-ci, la situation est devenue très complexe. L’importance accrue acquise par l’armée, au sein du jeu politique, est mise à nu et fait de nombreuses victimes, brutalement limogées, et ce, avant même que le scrutin ne soit lancé, alors même que l’état de santé du président, dont les capacités sont désormais réduites, questionne les Algériens. 

Il faut dire que l’enjeu, pour certains, ce n’est plus Bouteflika, mais sa succession. Et ceux qui ont pensé rapidement être les hommes à même de mener cette succession ont été les premières victimes de la vague de limogeages, comme ce fut le cas de Abdelghani Hamel.

Qui bénéficie de ce chamboulement? Pour Al Watan, «il est difficile de dire qui tire vraiment les ficelles. Le pouvoir est plutôt partagé entre plusieurs entités, sous une forme plutôt horizontale. Ces entités peuvent être représentées par, à la fois, la Présidence, l’institution militaire et le milieu des affaires».

Une chose est sûre, cette purge est dirigée par les militaires eux-mêmes, même si elle en a emporté nombre d’entre eux. Et pour beaucoup, c’est le général Gaïd Salah, vainqueur du général Toufik en 2014, qui avait résisté à sa mise en retraite d’office, qui en est le principal bénéficiaire. Il a ainsi pu renforcer sa position, en nommant ses hommes de confiance à des postes-clés, dont ceux des principales régions militaires.

Aucun doute: il faudra compter sur luiavec Gaïd Salah pour la succession au président Bouteflika, au moment où certains essaient de positionner le Premier ministre Ahmed Ouyahia... 

Par Karim Zeidane
Le 22/11/2018 à 16h38, mis à jour le 22/11/2018 à 16h40