Algérie: paniquée par ses failles en cybersécurité, l'armée mène une course contre la montre perdue d'avance

Beaucoup de pays africains affichent un sérieux retard en matière de cybercriminalité.

Beaucoup de pays africains affichent un sérieux retard en matière de cybercriminalité.. DR

Le 10/06/2020 à 17h19, mis à jour le 10/06/2020 à 17h22

Revue de pressePaniquée par son énorme retard en matière de cybersécurité, l’Armée nationale populaire s’est enfin lancée dans un projet destiné à contrer d’éventuelles cyberattaques pouvant venir tant de l’intérieur que de l’extérieur du pays. Problème: ce projet pour rattraper son retard prend l’eau.

D'après le site Comparitech, l'Algérie est le pays qui est le plus vulnérable aux cyberattaques dans le monde. En effet, après avoir scruté dans 76 pays, des facteurs de cybersécurité comme l’infection aux malwares, les attaques du système financier, la protection face aux cyberattaques ou encore la législation en matière de cybersécurité, c'est l'Algérie qui arrive dernière de la classe.

C'est l'une des raisons ayant poussé l'armée à vouloir rattraper ce retard. Malheureusement, rien ne semble aller comme prévu depuis qu'un premier projet de lutte contre les cyberattaques a été lancé, voici trois longues années.

Il s'agit, selon la lettre d'information confidentielle Africa Intelligence, de construire le premier centre de cyberdéfense pour assurer la sécurité de ses systèmes. Le projet qui doit être érigé à El Biar, qui sert de première région militaire à l'armée, est confié à un cabinet d'architecte, en l'occurrence Icar Chaouch.

Sauf que pour l'heure rien n'est encore sorti du sol et l'étude ne serait même pas bouclée. C’en est au point où le prestataire a été mis en demeure le 14 mai. L'armée du général Chengriha lui reproche, entre autres griefs, un "non-respect du planning contractuel" et des "retards considérables enregistrés sur le rendu de l'étude".

Ce projet qui a été lancé dès 2017, "à la suite de la vaste cyberattaque via le logiciel malveillant nommé WannaCry" est supposé être un élément clé de la stratégie de cyberdéfense nationale algérienne. C'est le signe que le pays a pris conscience bien tardivement de sa vulnérabilité en matière de cybersécurité.

Wannacry avait suffisamment fait peur à Ahmed Gaïd Salah et à ses généraux pour qu'ils annoncent une série de décisions qui malheureusement n'ont été suivies que de peu d'effets. En faisaient partie, outre ce projet de construction d'un centre, l'organisation d'un séminaire annuel devant rassembler des experts internationaux en cyber sécurité, mais aussi la surveillance des réseaux sociaux.

Ce dernier point préoccupe l'armée algérienne au plus haut point, puisque ce sont les réseaux sociaux qui ont servi de caisse de résonnance au Hirak et ont contribué finalement à faire chuter Abdelaziz Bouteflika en avril 2019. Ils ont rendu la tâche extrêmement difficile au régime pour faire face à la révolution qui était en cours.

N'ayant réussi ni à mettre en place une plateforme capable de prévenir les troubles ni à construire un centre de lutte contre la cybercriminalité, l'Armée algérienne est visiblement retournée à ce qu'elle sait faire le mieux, notamment la répression et l'instrumentalisation de la Justice. Ainsi, aujourd'hui l'accent est mis sur l'adoption d'une nouvelle loi réprimant le crime "d'atteinte à la sécurité de l'Etat et à l'unité nationale".

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 10/06/2020 à 17h19, mis à jour le 10/06/2020 à 17h22