Algérie. Pénurie d'eau et manque de liquidités: le régime crie au "complot"

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Le 03/08/2020 à 13h44

Le Premier ministre algérien, Abdelaziz Djerad, a accusé ses compatriotes ayant retiré massivement leur argent des banques, faute de confiance dans le système financier, d'avoir comploté contre l'Etat au point de rendre impossible le paiement des retraites.

Délire collectif au sommet de l'Etat algérien à propos des graves incidents qui ont rendu impossible la vie des citoyens. Après la déclaration du ministre des Ressources en eau et celle du président Abdelmadjid Tebboune, c'est au tour du Premier ministre Abdelaziz Djerad de tirer des conclusions avant même que l'enquête annoncée par le chef de l'Etat algérien ne soit ouverte.

Il s'agit en fait de la pénurie d'eau et coupures d'électricité touchant la capitale, du manque de liquidité ayant rendu impossible le paiement des pensions de retraites dans les bureaux d'Algérie Poste, mais également de graves incendies de forêt ayant ravagé des centaines d'hectares depuis quelques jours. 

Hier dimanche 2 août, il a ainsi affirmé que les phénomènes liés au manque de liquidité au niveau des bureaux de la Poste, aux feux de forêts et aux perturbations de l'alimentation en eau potable (AEP), ainsi que les coupures d'électricité enregistrées dans plusieurs régions du pays étaient des "actes prémédités" visant à "créer la fitna et l'instabilité" dans le pays, selon une dépêche de l'Agence de presse officielle algérienne.

"Il est étrange, voire du hasard, que ces trois opérations, enregistrées le même mois, touchent à la stabilité et créent des problèmes dans la relation entre le citoyen et les autorités publiques".

Le Premier ministre algérien n'a pas hésité à accuser ses concitoyens ayant effectué des retraits de leur argent des bureaux de la Poste d'avoir comploté contre l'Etat. Car selon lui, les 40 milliards de dinars, soit 310 millions de dollars à peine, qui ont été retirés sur une période d'un mois par les citoyens ne relèvent pas de l'ordinaire. Il semble oublier qu'un tel montant est insignifiant au vu du montant global des pensions et allocations payées par la Caisses nationale des retraites qui est annuellement d'environ 1340 milliards de dinars, soit près de 112 milliards mensuellement. Or, traditionnellement, c'est par la Poste que les pensions sont payées du fait de l'étendue de son réseau.

De plus, pour acheter la paix sociale, le gouvernement algérien avait procédé à une énième revalorisation qui est entrée en vigueur en juin dernier et qui a fait passer la couverture financière des retraites de "108 à 112 milliards de dinars", selon les propos mêmes de l'ex-ministre du Travail limogé le mercredi 29 juillet dernier, Acheuk Youcef Chawki. Or, le gouvernement algérien a prévu d'effectuer les versements correspondants de manière rétroactive, dans un contexte de crise financière sans précédent. C'est pourquoi il y a eu le krach financier. 

Cette évidence n'a pas empêché le Premier ministre algérien, Abdelaziz Djerad, de s'étonner que certains citoyens "retirent de l'argent quotidiennement et pendant plusieurs jours". Et même de tirer une conclusion on ne peut plus hâtive en affirmant qu'"après examen, il s'est avéré qu'il s'agit d'un complot afin de créer des problèmes durant les jours précédant l'Aid el Adha". Toujours selon lui, "des indices montrent qu'il s'agit d'actes malveillants visant à semer la confusion parmi les citoyens".

De toute évidence, les autorités algériennes ont décidé d'accuser les pauvres citoyens d'être responsables de leur propre turpitude de gouvernants incapables de prédire le pire. Car, il est évident qu'en l'absence de confiance dans le système financier, les détenteurs de comptes bancaires ou de comptes chèques postaux se ruent sur les guichets pour retirer massivement leur argent. 

Les problèmes de liquidités bancaires de l'Algérie sont largement documentés au cours des quatre à cinq derniers mois, prédisant le pire. Il fallait donc s'attendre au manque de confiance des Algériens

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 03/08/2020 à 13h44