Afflux de migrants: le chef du gouvernement espagnol à Alger

Pedro Sanchez, président du gouvernement espagnol.

Pedro Sanchez, président du gouvernement espagnol. . DR

Le 08/10/2020 à 15h15, mis à jour le 09/10/2020 à 11h48

Le président du gouvernement espagnol, Pedro Sanchez, a entamé mercredi une visite officielle en Algérie. Au menu, l'arrivée massive de migrants algériens vers l’Espagne et le dossier du gaz.

Le président du gouvernement espagnol, Pedro Sanchez, est arrivé le mercredi 7 octobre à Alger. Accueilli par le ministre des Affaires étrangères, Sabri Boukadoum, il doit rencontrer ce jeudi le président algérien Abdelmadjid Tebboune et le Premier ministre Abdelaziz Djerad.

Selon les médias espagnols, le déplacement de Pedro Sanchez a pour but principal de discuter de l’épineux dossier de l’émigration clandestine algérienne.

En effet, depuis quelques mois, les flux de migrants clandestins algériens vers l’Espagne connaissent une croissance exceptionnelle, signe de la profonde crise sociale qui touche le pays et du ras-le-bol d’une jeunesse désespérée.

Depuis le début de l’année, l’immigration irrégulière algérienne en Espagne a augmenté de 606%, dépassant de loin l'immigration marocaine. Ainsi, à la date du 6 septembre, 5.343 Algériens ont été appréhendés sur les côtes du sud de la péninsule ibérique.

Toutefois, ces données sont jugées largement sous-estimées du fait que les plus fortunés des migrants paient la traversée à bord de bateaux ultrarapides et atteignent rapidement les côtes espagnoles avant de disparaître dans la nature.

Pour preuve, selon la presse algérienne, entre le 15 et le 19 septembre, selon un bilan fourni par le ministère de la Défense, 485 migrants ont été interceptés, portant à 1.200 le nombre total de clandestins arrêtés en 10 jours. Et entre le 20 et le 25 septembre, 3 corps ont été repêchés et 755 migrants interceptés à bord de plusieurs embarcations.

Les interceptions ajoutées aux arrestations de migrants par les Espagnols illustrent la recrudescence des flux migratoires entre l’Algérie et l’Europe, particulièrement vers l’Espagne.

A ce titre, la visite du président du gouvernement espagnol a été précédée par celle du directeur général de la police espagnole qui a rencontré son homologue algérien. Au mois d’août, c’est le ministre espagnol de l’Intérieur, Fernando Grande-Marlaska, qui avait fait le déplacement à Alger. Ces deux déplacements étaient liés aux dossiers de l’immigration et du crime organisé.

Les deux parties discuteront également de questions économiques. A ce titre, le principal dossier sera celui de l’énergie. Les Espagnols souhaitent renégocier les tarifs du gaz algérien.

Et sur ce point, les Espagnols négocient en position de force. En effet, l’Algérie qui était le principal fournisseur de l'Espagne en gaz a perdu au début de cette année sa position de leader au profit des Etats-Unis. Et la concurrence est rude sur le marché du gaz espagnol avec l’entrée de nouveaux concurrents plus compétitifs que le fournisseur algérien.

A ce titre, et après avoir menacé de recourir à une procédure d’arbitrage international à l’encontre de la Sonatrach afin d’obtenir une révision à la baisse des prix de vente du gaz naturel algérien, la société espagnole Naturgy a finalement obtenu gain de cause.

La Sonatrach a signé deux avenants aux contrats de vente de gaz avec son partenaire espagnol, en marge de la visite du chef du gouvernement. «L’accord auquel sont parvenues Sonatrach et Naturgy traduit le caractère stratégique des relations de long terme et de confiance qui les lient et par lequel elles visent à consolider leurs positions sur le marché espagnol», souligne un communiqué de la compagnie nationale algérienne. Pour sa part, le PDG de Naturgy a souligné que «cet accord démontre la volonté de Sonatrach et Naturgy de poursuivre leur partenariat à long terme, entamé il y a les décennies. Cette alliance stratégique est essentielle pour l’approvisionnement en gaz compétitif et sûr du marché espagnol».

Cette signature scelle ainsi la fin du contentieux né de la volonté du groupe espagnol d’obtenir une révision à la baisse des prix de vente du gaz naturel dans le sillage de la chute des cours du baril de pétrole auquel le cours est fortement corrélé.

Au-delà de ces deux dossiers chauds, le gouvernement algérien souhaite profiter de cette visite pour attirer davantage d’investisseurs espagnols en Algérie afin de contribuer à la diversification de son économie. A ce titre, le ministre algérien des Affaires étrangères a donné le ton dès l’arrivée de Pedro Sanchez, en soulignant que «les entreprises espagnoles trouveront en Algérie les conditions idéales pour promouvoir leurs investissements futurs en Algérie et nous espérons que le prochain forum de Madrid sera à la hauteur de nos ambitions et de la coopération algéro-espagnole».

D’ailleurs, les deux chefs de gouvernement vont coprésider les travaux du forum algéro-espagnol en présence des délégations officielles des deux pays et d’une cinquantaine de chefs d’entreprise et de dirigeants d’organisations patronales.

Reste que l’Algérie qui souhaite diversifier son économie est handicapée par un environnement des affaires défavorable qui décourage nombre d’investisseurs étrangers à s’implanter dans le pays. Dans le dernier classement de Doing business, l’Algérie se place au 157e rang mondial et 31e rang africain. L’Algérie n’accueille qu’un peu plus de 200 entreprises espagnoles.

Par Moussa Diop
Le 08/10/2020 à 15h15, mis à jour le 09/10/2020 à 11h48