Le procès en appel pour corruption des anciennes personnalités du régime de l’ancien président Abdelaziz Bouteflika a pris une tournure inattendue le samedi 9 janvier lorsque l’ancien Premier ministre Ahmed Ouyahia, quatre fois chef du gouvernement algérien, a finalement brisé le silence sur une partie de la fortune qui a été retrouvée sur ses comptes bancaires.
Interrogé sur l’origine de ces avoirs, évalués à 700 millions de dinars algériens, soit environ 4,3 millions d’euros, et placés dans des comptes bancaires, Ahmed Ouyahia a expliqué que ces fonds provenaient de la vente «au marché noir de lingots d’or qu’il recevait en cadeau, en sa qualité de Premier ministre, de la part de dirigeants des pays du Golfe».
Ahmed Ouyahia, qui a été quatre fois Premier ministre, entre 1995 et 2019, est jugé avec d’autres caciques de l’ancien régime pour corruption, népotisme et favoritisme, dans l’octroi de concessions pour des unités de montage automobile, ainsi que du financement occulte de la campagne pour un cinquième mandat de l’ancien président Abdelaziz Bouteflika.
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«J’ai vendu au marché noir 60 lingots et pièces d’or remis et cadeaux à la présidence par les princes de quatre pays du Golfe et j’ai pu en tirer sur le marché parallèle pour 350 millions de dinars», a souligné, sans sourciller, l’ancien Premier ministre.
Il s’agit de lingots d’or qui auraient été offerts comme cadeaux à la présidence de la République par des émirs des pays du Golfe en visite en Algérie. On comprend alors pourquoi le marché parallèle est si développé en Algérie, quand même les plus hautes personnalités de l’Etat y ont recours.
Cette réponse inattendue a suscité stupeur et consternation chez les juges et les Algériens, qui sont tombés des nues en découvrant comment ces personnalités gouvernaient le pays.
Et pour expliquer pourquoi il s’était tu sur l’origine de ces fonds, Ahmed Ouyahia a expliqué qu’il a préféré gardé le silence afin de «ne pas porter atteinte aux relations» entre l’Algérie et les généreux émirs des pays du Golfe.
Toutefois, il a expliqué que des dizaines d’émirs des pays du Golfe se rendaient souvent dans le sud algérien et faisaient des cadeaux aux officiels.
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Cette révélation donne une idée claire sur le mode de gouvernance employé par ces caciques du pouvoir, qui se sont partagé les postes politiques durant plusieurs décennies pour saigner l’Algérie, en contrepartie de cadeaux venant de riches émirs du Golfe, mais pas seulement.
Autre délit, une fois ces ventes effectuées, Ouyahia n’a pas déclaré les revenus au fisc. Et là aussi, la réponse de l’ex-Premier ministre est déconcertante. Ahmed Ouyahia affirme qu’il n’a pas pu déclarer ces avoirs au fisc, parce qu’«il était en soins depuis 2017».
Ainsi, cet aveu en lui-même devrait pousser à ouvrir de novelles enquêtes sur ces cadeaux reçus dans le cadre des visites d’Etat. Généralement, ces cadeaux sont très encadrés et souvent reversés à l’Etat.
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Selon Algérie Part, «l’épouse du défunt président Houari Boumédiène a versé tous les dons qui ont été reis à l’ancien chef de l’Etat dans le cadre de ses très nombreuses rencontres, que ce soit en Algérie ou à l’étranger, au patrimoine national, et sont exposés dans un musée au sanctuaire des Martyrs à Alger».
Toutefois, ce cas est unique. Tous les autres responsables algériens qui se sont succédés au pouvoir ont confondu ces cadeaux à l'Etat algérien avec leur patrimoine personnel.
Condamné en première instance à 15 ans de prison ferme, Ahmed Ouyahia risque désormais lourd avec ces nouvelles révélations, qui attestent de la manière dont l’Algérie est gouvernée.