Algérie-France: la levée du bannissement des harkis, proposition de discorde du rapport Stora

Les harkis manifestant en France.

Les harkis manifestant en France.. DR

Le 24/01/2021 à 12h40, mis à jour le 24/01/2021 à 12h41

Après la remise du rapport Stora à Emmanuel Macron, l’Algérie s’est figée dans son mutisme. Outre l’absence de «repentance» et d’«excuses», la recommandation du rapport sur l’épineux dossier des harkis risque davantage d’éloigner les deux parties.

Benjamin Stora a remis le mercredi 20 janvier son rapport sur la question mémorielle franco-algérienne au président français Emmanuel Macron. En Algérie, c’est le mutisme total des autorités depuis la remise de ce rapport, censé aplanir les tensions qui ont toujours marqué les relations entre les deux pays depuis la «Guerre d’Algérie».

A Alger, c’est le mutisme total depuis la publication du rapport. Les autorités algériennes n’ont pas fait de commentaires sur le rapport. Seuls quelques médias et associations des anciens combattants ont réagi en dénonçant l’absence de «repentance» et d'«excuses» parmi les recommandations de Stora.

Mais au delà, la question qui risque davantage de réduire les efforts de réconciliation entre les deux Etats est celle épineuse des harkis, supplétifs algériens de l’armée françaises qui ont combattu du côté français pendant la guerre d’indépendance. Les harkis, évacués lors de l’indépendance de l’Algérie avec l’armée française, demandent depuis des années leur retour dans leur pays natal.

En effet, dans son rapport Stora demande à ce que l’Algérie facilite le retour en Algérie des familles harkies et leur permettre de circuler librement entre les deux pays.

Or, s’il y a une question autour de laquelle les dirigeants Algériens ont une certaine unanimité est celle relative à la question des harkis. Le gouvernement algérien met en avant les réactions des anciens combattants de la guerre d’Algérie et les descendants des martyrs victimes des harkis pour refuser tout compromis sur cette question. Cela d’autant plus, pour les dirigeants Algériens, les harkis sont partis librement, même si en réalité, ils n’avaient pas d’autres choix à cette époque.

D'ailleurs, Alger avait exclu le dossier des harkis des discussions sur la mémoire de la colonisation et de la Guerre d'Algérie.

Au-delà, en Algérie, on craint aussi qu’une fois cette étape de retour accordée, que les harkis et leurs descendants n’en fassent plus en demandant notamment la restitution de leurs biens confisqués après leur départ avec les colons français.

Pour toutes ses raisons, cette recommandation ne va pas connaître de suite en Algérie, et ce, d’autant que tous les régimes qui se sont succédés au sommet de l’Etat essayent toujours de jouer sur cette corde sensible au patriotisme des Algériens pour ne pas ouvrir ce dossier des harkis. 

D’ailleurs, le conseiller auprès du président de la République Abdelmadjid Tebboune, chargé des archives et de la mémoire nationale, Abdelmadjid Chikhi, a dès le début des discussions souligné que la question des Harkis est «hors de discussion».

En effet, du côté de l’Algérie, ce dossier est définitivement clos depuis longtemps et il n’est pas question d’y revenir. «Il revient aux Français de se réconcilier avec leur histoire, pour nous, il n’est pas possible d’oublier ce qui s’est passé pendant l’époque coloniale ou de se tenir indifférents vis-à-vis des génocides commis à l’encontre des Algériens, et nul ne peut nous le demander», a expliqué Tebboune. 

Conscient de la position ferme algérienne sur cette question, les harkis ont jugé le rapport Stora «minimaliste» et relevant «de la poudre aux yeux». Pour Mohamed Badi, membre du Comité national de liaison des harkis, «ce qui compte vraiment, c’st que la France reconnaisse définitivement le mal qu’elle a fait. En cachant cette partie de Histoire, elle fausse l’Histoire».

Pour sa part, l’éminent diplomate et ancien ministre de la Communication et de la culture Abdelaziz Rahabi, a souligné que «le rapport Stora ne prend pas en compte la principale demande historique des Algériens, la reconnaissance par la France des crimes commis par la colonisation».

Toutefois, poursuit-il, «chacun doit assumer son passé et il appartient aux deux Etats de mettre en place les conditions d’une relation apaisée et tournée vers l’avenir».

Par Karim Zeidane
Le 24/01/2021 à 12h40, mis à jour le 24/01/2021 à 12h41