Alors que l'affaire de la disparition de la présidente du Congrès mondial amazigh, Kamira Naït Sid, est en train de prendre une tournure de plus en plus préoccupante, les autorités civiles et militaires algériennes gardent un silence de mort. Même après les graves accusations de Amar Naït Sid, frère de Kamira, qui pointe du doigt les responsables algériens, aucun officiel ne s'est exprimé. Pas même pour annoncer l'ouverture d'une enquête.
C'est sans doute ce qui a poussé le Congrès mondial amazigh à prendre les devants et à interpeller directement les "plus hautes autorités civiles et militaires", en l'occurrence le président Abdelmadjid Tebboune et le chef d'état-major, Saïd Chengriha.
Kamira Naït Sid a disparu depuis le mardi 24 août 2021, tout juste deux jours après qu'un haut fonctionnaire algérien a tenu des propos mensongers à son endroit sur la chaîne 3, la radio publique algérienne.
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«Comme vous le savez certainement, Kamira Naït Sid, co-présidente du Congrès mondial amazigh (CMA), qui habite à Tizi-Wezzu (Tizi Ouzou, Ndlr) en Kabylie, ne donne plus signe de vie depuis le 24 août 2021. Cette disparition, soudaine et inexpliquée, nous inquiète beaucoup, d’autant plus qu’elle survient deux jours après que M. Hassan Kacimi, haut fonctionnaire au ministère algérien de l’Intérieur a déclaré le 22 août 2021 à 8h15 sur les ondes de la radio publique algérienne, que ‘le Congrès mondial amazigh est passé sous la coupe du Mossad, des services secrets marocains et de certains pays étrangers’’, écrit le CMA dans sa correspondance.
Dans ses accusations jugées fallacieuses, Hassan Kacimi a ajouté que "le Congrès mondial amazigh a un plan d’action subversif déployé dans tout le Maghreb", toujours selon le message adressé à Tebboune et Chengriha.
Le CMA ajoute: "ces propos aussi mensongers qu’irresponsables, font partie de la campagne de dénigrement et de haine menée depuis plusieurs années contre les Amazighs en général et contre les Kabyles en particulier".
En réalité, dénonce le bureau du Congrès mondial amazigh, "Cette campagne de diffamation et de calomnie s’inscrit dans le cadre d’une stratégie visant à justifier une éventuelle répression par le régime algérien". "Lorsque l’on sait que vous considérez le Maroc et Israël comme les plus grands ennemis de l’Algérie, il en découle que toute personne ou organisation qui aurait un lien réel ou imaginaire avec ces deux Etats est considérée comme un ennemi de l’Algérie", affirme le message.
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"Pour le CMA, vos services propagent la fausse information de ses liens supposés avec les Etats ennemis, ce qui a pour effet de diaboliser notre organisation, d’exciter la haine des Algériens envers les Amazighs et les Kabyles particulièrement et, pour finir, cela justifie la répression brutale et aveugle. C’est une tactique machiavélique, mais qui ne dupe plus personne", accuse à son tour le CMA. Cette organisation qui a un statut d'ONG met clairement Tebboune et Chengriha devant leurs responsabilités, tout en leur disant indirectement que le plan ourdi pas leurs services était cousu de fil blanc.
Sans être formel à ce stade, le CMA fait comprendre aux autorités algériennes qu'il y a fortes suspicions sur le fait qu'elles sont dernière cette disparition soudaine et inquiétante.
"Pour l’heure, le Congrès mondial amazigh n’accuse personne, mais nous vous demandons instamment de déclarer publiquement si ce sont vos services qui ont enlevé et qui détiennent Kamira Naït Sid ou pas. Si cela n’est pas le cas, quels moyens l’Etat met-il en œuvre pour la retrouver le plus vite possible? Quoi qu’il arrive, votre responsabilité individuelle est engagée", assène le bureau du CMA à Abdelmadjid Tebboune et Saïd Chengriha.
Au-delà du cas de Kamira Naït Sid, le CMA souhaite qu'une enquête soit menée par "une commission indépendante, donc internationale, afin de faire toute la lumière sur la campagne de racisme et d’intolérance anti-Amazighs et anti-Kabyles ainsi que sur toutes les allégations fallacieuses propagées par les services gouvernementaux algériens dans le seul but de justifier la répression contre les Kabyles et de nuire à la Kabylie".