Algérie. Le fiasco de la campagne de vaccination dénoncé par les professionnels de santé

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Le 25/03/2021 à 16h12, mis à jour le 25/03/2021 à 16h32

La campagne de vaccination contre le Covid-19 en Algérie est un véritable fiasco, surtout comparée à celle du voisin de l'ouest, le Maroc. Les professionnels de santé, en première ligne de la lutte contre le Covid-19, dénoncent la cacophonie et le manque de transparence des autorités.

Combien de personnes ont été vaccinées en Algérie depuis le lancement de la campagne de vaccination contre le Covid-19? Les professionnels de santé, en première ligne de la lutte contre le Covid-19 en Algérie, eux-même ne le savent pas, se contentant de citer les sources de Our World In Data, organisme qui recense toutes les campagnes de vaccination dans le monde.

Et sur ce site dédié, l’Algérie qui a entamé sa campagne de vaccination le 29 janvier dernier ne compte que 75.000 doses administrées et ne communique plus depuis le 19 février dernier. Une situation qui n’est pas sans rappeler celle des tests. Le pays avait en effet cessé d’envoyer ses chiffres à l’OMS, pour que ne soit pas découvert le fait que l'Algérie faisait peu, voire pas, de tests Covid-19 et que, par conséquent, les données des contagions étaient très sous-estimées. 

Une chose est toutefois sure, l’Algérie n’a pas vacciné grand monde, faute de vaccins. Et sur ce point, heureusement, impossible de manipuler les données. L’Algérie n’a reçu en tout et pour tout que 300.000 doses dont 200.000 reçues d’un don de la Chine, 50.000 doses Spoutnik V achetées auprès de la Russie et 50.000 AstraZeneca-Oxford dont la provenance reste floue. En clair, dans le meilleur des cas, l’Algérie ne peut dépasser les 150.000 doses administrées.

A titre de comparaison, son voisin de l’ouest, le Maroc, a déjà administré 7,13 millions de doses: 4,284 millions ont reçu la première dose et 2,845 millions ont reçu les deux doses. Au-delà du Maroc qui est la référence continentale, l’Algérie est dépassée par des pays qui ont entamée leur campagne de vaccination en mars comme le Ghana (420.000 doses), le Rwanda (348.629 doses), l’Afrique du Sud (207.808 doses), le Sénégal (180.463 doses), Les Seychelles (94.472 doses),…

Les professionnels de santé algériens sont donc remontés contre les autorités auxquelles ils demandent plus de transparence et de visibilité et dénoncent les promesses sans lendemain.

La sortie du Dr Mohamed Yousfi, chef de service des maladies infectieuses à l’hôpital Boufarik, déplorant le retard de l’Algérie en matière de vaccination de masse de la population contre la pandémie du Covid-19, sonne comme un signal d’alarme d’un des responsables de la lutte contre le Covid-19. "Nous sommes très en retard", a t-il déclaré, sur les onde de la radio nationale, reprise par les médias algériens dont Algérie1. Il avance les chiffres de ourworldindata.org soulignant que le taux de vaccination est de 0,17% de la population algérienne, soit 75.000 doses administrées.

Même son de cloche chez le Pr Kamel Bouzid, chef de service d’oncologie du CHU Mustapha d’Alger qui déplore, dans une déclaration à TSA que les chiffres sur le Covid-19 communiqués quotidiennement ne font pas référence au nombre de personnes qui se sont faites vaccinées. "On connaît le nombre d’Anglais, de Français et de Marocains vaccinés, et nous, on ne le sait toujours pas", souligne t-il, sollicitant plus de transparence des autorités.

Seulement, et contrairement aux données "rassurantes" des autorités de ces derniers jours avec des contagions tombées subitement sous la barre des 100 cas quotidiens, les experts algériens s'inquiètent. Ainsi, pour le Dr Yousfi, l’Algérie doit passer à la vitesse supérieure pour anticiper une éventuelle vague de contamination à la faveur de l’apparition des variants britanniques et nigérians en Algérie, soulignant que «"es variants sont plus dangereux, plus contagieux et se répandent plus rapidement".

Seulement, ayant longtemps tergiversé sur la nécessité d’acquérir des vaccins, l’Algérie s’est réveillée tardivement et n’arrive pas à acquérir les doses voulues, malgré les effets d’annonce. Le dernier en date est celui d’une arrivée imminente de 700.000 doses du vaccin russe Spoutnik V il y a deux semaines. "Il y a quinze jours, on annonçait un lot de 70. 000 doses, mais qui ne sont jamais arrivées".

Idem pour les 800.000 doses attendues durant ce mois de mars du programme Covax, selon les autorités, et qui ne sont toujours pas disponibles. Et le retard risque de s’aggraver sachant que l’Inde vient d’interdire les exportations de vaccins préférant les réserver à sa population durement touchées par la pandémie du Covid-19.

Revenant sur les 300.000 doses reçues, le Dr Yousfi se demande "toutes les doses ont-elles toutes été utilisées? Je n’ai pas la réponse". Si les experts en charge de la lutte contre le Covid-19 ne connaissent pas le nombre de personnes vaccinées, ce n’est pas le commun des mortels algériens qui le saura, contrairement aux Marocains qui sont informés chaque soir du nombre de vaccins administrés dans la journée et les cumuls des doses administrées.

Les experts sanitaires en première ligne face à la pandémie du Covid-19 sont mécontents et appellent les politiques à plus de transparence pour pousser les Algériens à s’inscrire sur la plateforme dédiée à la vaccination contre le Covid-19.

En attendant, la campagne de vaccination algérienne est malheureusement un fiasco, de l'ampleur de ceux auxquels le pays est devenu habitué dans beaucoup de domaines. 

Par Karim Zeidane
Le 25/03/2021 à 16h12, mis à jour le 25/03/2021 à 16h32