Algérie. Covid-19: après l'utopique "immunité collective", la douloureuse piqûre de rappel

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Le 28/04/2021 à 17h15, mis à jour le 28/04/2021 à 17h20

Il y a quelques jours, autorités et spécialistes annonçaient l’immunité au Covid-19 acquise par les Algériens. Le rebond des cas, depuis quelques jours, pousse les mêmes à tirer la sonnette d’alarme. Quant au président Tebboune, il insiste sur "la nécessité de fournir des statistiques précises".

La situation épidémiologique, marquée par une augmentation des contaminations au Covid-19, suscite l’inquiétude des autorités algériennes au plus haut niveau.

Pourtant, il y a quelques semaines, les contagions étaient tombées sous la barre des 100 cas quotidiens en Algérie et certains professionnels de santé, comme les autorités, avaient rapidement crié victoire sur le Covid-19 en multipliant les annonces sur "l’immunité collective" acquise par les Algériens et ce, sans recourir aux vaccins, sachant que moins de 200.000 personnes ont reçu les doses des différents vaccins à aujourd’hui. Les autorités avaient alors décidé d’alléger le confinement dans plusieurs régions, poussant par la même occasion les citoyens à baisser la garde face à ce coronavirus, certains d’être désormais immunisés.

Ces annonces avaient suscité l’étonnement de certains professionnels de santé algériens qui avaient douté de cette "immunité collective", justifiant la chute des cas par l’absence de tests Covid-19. Ils avaient d'ailleurs alerté sur les conséquences de ces annonces d’immunité sur les comportements des citoyens au moment où les nouvelles souches se multipliaient.

Et ils avaient raison. Depuis quelques jours, les contagions sont reparties à la hausse et l’inquiétude grandit, poussant même le président Abdelmadjid Tebboune à réagir et à donner de nouvelles instructions aux membres du gouvernement lors d’une réunion d’évaluation de la situation épidémiologique en Algérie.

Ainsi, réuni le 27 avril avec le Premier ministre Abdelaziz Djerad et plusieurs ministres du gouvernement, le président a décidé de nouvelles mesures pour faire face à la recrudescence des cas de Covid-19. Il a insisté sur "la nécessité de fournir les statistiques précises de la situation de chaque wilaya, quartier par quartier, et village par village", et a aussi insisté sur l’importance de "prendre les décisions basées sur les chiffres précis, et d’engager une enquête épidémiologique immédiate en ce qui concerne les formes de mutations du virus en Algérie".

Avec cette annonce, le président met le doigt sur une plaie qui fausse la lutte contre la pandémie en Algérie, à savoir le bidouillage des chiffres sur les contaminations et l’absence de tests pour avoir une idée claire sur les contagions au Covid-19. Preuve en est, après avoir arrêté de fournir ses statistiques sur les tests réalisés à l'OMS, l'Algérie refuse également de livrer ses statistiques sur le nombre de personnes vaccinées quotidiennement. 

Sur ce volet vaccination, Tebboune a décidé "d’accélérer le rythme de la vaccination au niveau national et de procéder immédiatement et avec un maximum de rapidité à la mise en œuvre de projets de fabrication du vaccin Spoutnik V". Les autorités tablent sur un démarrage de la production en septembre prochain. Il faudra entre temps mettre à niveau l’outil de production du Groupe Saidal qui devrait produire en exclusivité le vaccin russe en Algérie.

Seulement, l’Algérie ne peut accélérer le rythme de vaccination faute de vaccins. Après avoir annoncé le déblocage de plusieurs milliards de dinars algériens pour l’acquisition de vaccins anti-Covid-19 en janvier dernier, le pays a reçu, en tout environ 1,6 million de doses de différents laboratoires, ce qui permet, tout au plus, de vacciner 800.000 personnes. L’Algérie a réceptionné durant le mois d’avril 364.000 doses du mécanisme Covax. Le pays avait aussi reçu auparavant un don de 200 millions de doses de la Chine, en plus de 50.000 doses d'AstraZeneca et 50.000 de Spoutnik V. Tout dernièrement, le gouvernement a annoncé la réception de 920.000 vaccins Spoutnik V. Toutefois, selon de nombreuses données, le pays reste très en retard en matière de vaccination.

Malgré ces réceptions, la vaccination se fait au compte goutte en Algérie, du fait des problèmes logistiques, du nombre de doses encore faible pour vacciner une majeure partie de la population, des problèmes de communication et du faible enthousiasme de la population à se faire vacciner. Or, selon le Pr Djamel Eddine Nibouche, chef de service de cardiologie au CHU Nafisa Hamoud, "pour qu’une vaccination soit efficace, elle doit se faire à grande échelle et à grande vitesse si nous voulons éradiquer l’épidémie".

Malgré tout, l’Algérie n’a que peu vacciné, par rapport à de nombreux pays africains. Une situation qui a irrité les élus algériens. Début avril, les sénateurs avaient interpelé le ministre sur le fait que certains pays africains avaient plus vacciné que l’Algérie. A court d’arguments, Abderrahmane Benbouzid avait souligné, pour se justifier, que les pays africains présentaient des chiffres erronés sur la vaccination et les cas infectés par le coronavirus du Covid-19, avant de marteler "on ne peut pas comparé l’Algérie avec d’autres pays africains"! 

En attendant, et face à la recrudescence des contagions à cause de nouvelles souches, faisant craindre une troisième vague de contagion au Covid-19, le durcissement des mesures de confinement sanitaire est une option évoquée lors de la dernière réunion d’évaluation de la situation épidémiologique en Algérie.

Par Karim Zeidane
Le 28/04/2021 à 17h15, mis à jour le 28/04/2021 à 17h20