Algérie: après la banane à 800 dinars le kg, la crevette crève le plafond à 8.000 dinars le kg

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Le 15/04/2022 à 14h34, mis à jour le 15/04/2022 à 14h36

Après les pénuries d’huile, de semoule, de lait…, c’est au tour des prix des poissons et crustacés d’exploser en atteignant des niveaux incompréhensibles. Le kilo de crevettes a atteint les 8.000 dinars, soit 53,33 dollars, alors que le salaire minimum n'est que de 20.000 dinars.

Après les hausses des prix des fruits et légumes, avec notamment la banane dont le prix a atteint les 800 dinars (5,33 dollars) le kilo, ce sont les poissons et autres crustacés qui prennent le relais avec des prix défiant tout entendement.

Si pour la banane le prix est expliqué par un manque d’offre résultant du gel des licences d’importation pendant de longs mois, les poissons et crustacées eux ne sont pas importés, mais pêchés localement. Pourtant, leurs prix ont explosé ces derniers jours. Ainsi, à Alger, la sardine a vu son prix s’approcher de la barre des 1.000 dinars, en se vendant à 900 dinars le kilo, soit 6 dollars, alors qu’il faut débourser 2.600 dinars pour le merlan et 4.700 dinars pour l’espadon, selon les données recueillies par TSA.

Quant aux crustacés, ils sont tout simplement inaccessibles. Ainsi, à Alger, le kilogramme de crevettes est vendu à 5.000 dinars, soit 33,33 dollars. A Oran, il atteint même 8.000 dinars le kilo, soit 53,33 dollars. Un vendeur affiche une seule crevette à 400 dinars! C’est dire que les poissons et crustacés sont devenus inabordables pour le commun des mortels algériens. Et pour mieux s’en rendre compte, il faut souligner qu’avec un salaire minimum de 20.000 dinars par mois (133,33 dollars), un salarié ne pourra s’acheter qu’à peine 2,5 kilos de crevettes à Oran avec son salaire.

Pourtant, ces produits pêchés localement ne sont pas impactés par les hausses des cours d’intrants ou de fuel. Cette flambée des prix des poissons et crustacés est expliquée par la cascade d’intermédiaires qui se placent entre le pêcheur et le vendeur en détail dans les étals des marchés.

Conséquence, de nombreux produits sont devenus des produits de luxe pour le consommateur algérien alors qu’ils étaient des produits de consommation courante.

Une chose est sûre, cette inflation érode le pouvoir d’achat des Algériens. Le taux d’inflation, qui avait atteint un record de 9,2% en octobre 2021, selon les données de la Banque d’Algérie, est pulvérisé. L’économiste algérien, Mahfoud Kaoubi, dans un entretien à El Watan, explique que, «considérant la forte augmentation des prix des produits et des services sur les marchés mondiaux, plus particulièrement après le déclenchement de la crise russo-ukrainienne, ce taux devrait se situer entre 13 et 14%. Nous sommes actuellement à un taux d’inflation à deux chiffres».

Cette inflation est le résultat de nombreux facteurs. D’abord, il y a l’effet de la crise ukrainienne qui impacte le cours du baril de pétrole et donc du fret maritime pour les produits importés et de nombreux produits agricoles et alimentaire (blé, farine, semoule, huile…). Il y a aussi l’effet de la dépréciation continue du dinar par rapport aux devises étrangères (dollar et euro notamment) entraînant un renchérissement du coût de la facture des biens importés en monnaie locale.

Seulement, l’inflation en Algérie ne s’explique pas seulement par la conjoncture qui prévaut sur le marché mondial. De nombreux produits locaux affichent des prix exceptionnellement élevés. C’est le cas de la pomme de terre dont le prix oscillait normalement entre 50 et 60 dinars et qui se négocient actuellement au-dessus des 120 dinars, soit plus du double.

Ainsi, la faiblesse de la production locale des produits alimentaires combinée à une politique visant à limiter les importations de nombreux produits créent un déséquilibre entre l’offre et la demande, propice à la hausse des prix. Et cette faiblesse de l’offre entretien le phénomène de spéculation préjudiciable aux consommateurs. C’est le cas de la banane, importée au compte-goutte, qui fait l’objet d’une spéculation effrénée.

Enfin, ces hausses s’expliquent aussi par la mauvaise organisation des circuits de distribution par les autorités avec à la clé une cascade d’intermédiaires entre les producteurs et les consommateurs finaux.

A cause de tous ces facteurs, qui relèvent grandement de la mauvaise gouvernance de l’Etat, ce sont les citoyens qui trinquent en voyant leur pouvoir d’achat s’éroder continuellement. En conséquence, les syndicats appellent à une augmentation sensible des salaires afin d’atténuer cette perte de pouvoir d’achat.

Pour le moment, le seul remède annoncé par les autorités est celui de la révision de la grille indiciaire dans le but de revaloriser les salaires des fonctionnaires. Mais, cette augmentation de 50 points indiciaires, considérée comme une solution à même d’atténuer la perte du pouvoir d’achat, n’a pas un réel impact sur les plus bas salaires. Ainsi, pour ceux qui bénéficient d’un salaire minimum de 20.000 dinars, l’impact de cette augmentation est de seulement 2.250 dinars, soit 15 dollars. Ainsi, déçus de cette augmentation, les syndicats des fonctionnaires ont annoncé des mouvements de protestation suite à cette augmentation dérisoire face à l’inflation galopante.

Il faut souligner qu'à cause de la détérioration du pouvoir d’achat, selon l’Association de protection du consommateur El Aman, le salaire minimum capable de garantir une vie décente à une famille en Algérie de 5 membres devrait tout simplement se situer à 100.000 dinars, soit 5 fois le salaire minimum actuel. Sachant que le salaire minimum est de 20.000 dinars (133,33 dollars) et que le salaire moyen national en Algérie est de 43.000 dinars (soit 287 dollars), on comprend bien la situation que traverse les citoyens algériens face à la détérioration de leur pouvoir d’achat.

Par Karim Zeidane
Le 15/04/2022 à 14h34, mis à jour le 15/04/2022 à 14h36