Algérie: flambée des prix et pénuries de semoule et d’huile à la veille du ramadan, malgré les promesses du gouvernement

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Le 24/03/2022 à 13h56, mis à jour le 24/03/2022 à 14h03

A quelques jours du début du ramadan, la semoule et l’huile ont disparu des étals de nombreux commerces. A Alger, de longues files d’attente se forment devant les points de vente. Malgré les assurances des autorités, le ramadan de cette année rime déjà avec pénuries et une inflation sans précédent.

A quelques jours du début du mois de ramadan, les autorités algériennes ont multiplié les sorties pour annoncer que toutes les mesures ont été prises pour éviter les pénuries et les hausses des prix habituelles durant ce mois sacré et de grande consommation.

Des déclarations venues pour tenter de rassurer les ménages algériens habitués à des situations de pénuries de produits de première nécessité et des hausses intempestives des prix durant ce mois. Et ce, d’autant plus que la conjoncture internationale est loin d’être favorable cette année à cause de la crise en Ukraine et de son impact sur les produits agricoles, notamment le blé et l’huile dont les deux protagonistes de cette crise -Russie et Ukraine- sont de grands exportateurs.

Conséquence, les pénuries des produits alimentaires se multiplient en Algérie. Les rayons de nombreux commerces sont dépourvus de produits alimentaires de première nécessité, notamment la semoule et l’huile, deux produits indispensables, surtout durant le mois de ramadan.

Après celles constatées dans plusieurs régions, actuellement, c’est au tour d’Alger de subir de nouvelles pénuries de semoule et d’huile. Ainsi, de longs files d’Algériens se forment tous les matins, dans le quartier du Sacré-Cœur, au niveau d’un point de vente d’une entreprise publique, pour se procurer ces deux denrées. Il faut se lever très tôt, faire la queue, y rester plusieurs heures et pouvoir tenir sa place lors des bousculades pour espérer pouvoir repartir avec un bidon d’huile et de la semoule. «La semoule et l’huile de table se vendent sous le manteau, ou alors il faut faire le pied de grue durant plusieurs heures devant les commerces en attendant une hypothétique livraison», témoigne un vendeur de pain traditionnel sur le site d'information TSA, expliquant qu’un bidon de 4 litres d’huile Fleurial affichait 1.600 dinars, soit 10,67 dollars.

Pourtant, les autorités n’ont cessé d’annoncer que la semoule existe sur le marché en quantité suffisante, alors que les pénuries étaient annoncées depuis des semaines dans plusieurs régions du pays dont à Béjaïa, Tizi-Ouzou… Une situation qui avait entraîné une flambée du prix du sac de semoule de 25 kilos qui était passé de 1.000 dinars à 1.500 dinars, malgré le fait que ce produit soit subventionné et que son tarif soit règlementé.

Même constat pour l'huile. Début janvier dernier, le Premier ministre, Aïmene Benabderrahmane, avançait que les besoins nationaux en huile s’élevaient à 1.600 tonnes/jour, tandis que la production avait atteint plus de 2.000 tonnes/jour et que le pays disposait d’une capacité supplémentaire dépassant les 400 tonnes/jour. Ce qui signifie que l’Algérie dispose d’une capacité de production excédentaire de 800 tonnes/jour. Comment expliquer alors les pénuries chroniques de l’huile de table en Algérie? Les autorités accusent les spéculateurs. Seulement, la spéculation ne peut entraîner réellement des pénuries que lorsque la production est insuffisante. Une réalité que les autorités algériennes ne veulent pas reconnaître.

Ce sont les prix de tous les produits alimentaires qui prennent l’ascenseur à quelques jours du début du mois de ramadan. C’est le cas pour les viandes, les huiles non subventionnées, les légumes et fruits… Ainsi, le prix du kilo de la banane a atteint 550 dinars, soit 3,67 dollars, dans certains marchés. Idem pour les pommes de terre, les tomates et les haricots verts dont les prix du kilo se négocient respectivement à 120 dinars, 130 dinars et 380 dinars. Pour la pomme de terre dont le prix atteint dans certains marchés les 150 dinars, contre 50 à 70 dinars le kilo en temps normal, les autorités avaient pris la décision d’en importer 100.000 tonnes dont 30.000 en urgence pour faire face à la forte demande de ce féculent au début du mois de ramadan.

D’ailleurs, selon les chiffres de l’Office national des statistiques, après avoir connu une hausse de 8,5% en décembre 2021, par rapport au même mois de l’année précédente, les prix à la consommation ont grimpé de 9% au mois de janvier dernier, par rapport à la même période de l’année précédente. Ces hausses sont intervenues bien avant la flambée mondiale des prix des produits agricoles et alimentaires dans le sillage de la crise en Ukraine.

Pourtant, les autorités n’ont cessé au cours de ces dernières semaines de rassurer quant à l’approvisionnement en quantité suffisante du marché. Ainsi, le ministre de l’Agriculture et du Développement rural a annoncé au lendemain d’une acquisition de 600.000 à 700.000 tonnes de blé que «l’Algérie dispose d’un stock de céréales suffisant jusqu’à la fin de l’année en cours». Hélas, beaucoup d’observateurs n’avaient accordé aucun crédit à ces assurances, à juste raison d’ailleurs.

Les mesures prises par le chef de l’Etat, Abdelmadjid Tebboune, au lendemain des déclarations du ministre, en interdisant les exportations de nombreux produits alimentaires dont le sucre, l’huile, la farine, la semoule… sonnait un peu comme une alerte quant à la réalité sur les disponibilités de produits alimentaires de première nécessité en quantités suffisantes. Une décision prise alors que les autorités n’ont cessé de soutenir que l’Algérie disposait d’une production excédentaire pour de nombreux produits dont l’huile. Et en prenant une telle décision, l’Algérie a également prouvé qu’il n’est pas un exportateur fiable.

Et l’achat de l’Algérie dernièrement d’une quantité importante de blé à un prix record montrait clairement que le pays se dirigeait vers une pénurie que les autorités voulaient maquiller. Or, quelques jours à peine avant le ramadan, les pénuries de semoules sont annoncées dans presque toutes les régions du pays.

En conséquence, c’est l’inquiétude chez les ménages algériens qui se demandent comment ils vont faire face aux dépenses alimentaires du mois de ramadan suite à ces flambées de prix dans un contexte de détérioration continue de leur pouvoir d’achat.

En tout cas, les promesses des autorités en ce qui concerne la disponibilité des denrées alimentaires à des prix fixes se sont envolées avant même le début du mois de ramadan. Et la situation risque de se corser davantage dans les jours et semaines à venir dans un contexte de pénurie de produits agricoles et de tensions sur les prix au niveau mondial, de la dépréciation continue du dinar algérien face au dollar qui renchérit le coût des importations des produits alimentaires et des effets d’une gouvernance tatillonne qui subit et qui n’anticipe jamais pour éviter les crises

Par Karim Zeidane
Le 24/03/2022 à 13h56, mis à jour le 24/03/2022 à 14h03