Tanzanie: le grand (et très décrié) barrage Stiegler’s Gorge sera construit par les égyptiens

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Le 23/10/2018 à 15h08, mis à jour le 23/10/2018 à 15h10

La Tanzanie vient d’entamer la construction d’un des plus grand barrages hydroélectriques en Afrique, doté d'une puissance de 2.100 MW. Stiegler’s Gorge sera construit par l'Egyptien Arab Contactors, mais la réalisation de cet important ouvrage hydraulique est controversée. Explications.

La Tanzanie va incessamment lancer la construction du barrage Stiegler's Gorge. Le lancement de cet important projet, pour ce qui sera l’un des plus importants barrages du continent africain, sera lancé en présence du président égyptien Abdel Fettah Al-Sissi, invité à la cérémonie de pose de la première pierre de cet important projet hydroélectrique.

La présence du raïs égyptien, invité par le président tanzanien John Magufuli, s’explique en partie par le fait que le barrage sera réalisé par la société égyptienne The Arab Contractors (Osman Ahmed Osman & Co).

Le barrage hydroélectrique Stiegler’s Gorge, d’une puissance de 2.100 MW, devrait produire 5.920 GWh/an, avec une longueur de réservoir estimée à 100 km, et va nécessiter l'investissement colossal de 3,6 milliiards de dollars. L’Etat tanzanien a alloué 307 millions de dollars du budget de l’Etat 2018-2019 à la construction de ce barrage qui devrait être opérationnel en 2021.

Une fois achevé, il va permettre à la Tanzanie de plus que doubler sa capacité de production électrique installée, qui tourne actuellement autour de 1.513 MW.

Une partie de la production sera exportée vers les pays d’Afrique de l’Est et permettra des rentrées en devises pour le pays.

Ce sera le second plus grand barrage d’Afrique oriental après celui de la Grande Renaissance d’Ethiopie d’une capacité de 6.450 MW.

La construction de ce barrage, sur les gorges Stieglers de la rivière Rufiji, est un vieux projet qui date des années 60 et qui figure désormais en bonne place dans le Plan directeur des infrastructures énergétiques de Tanzanie.

C’est en 2016 que le projet a été remis au goût du jour. Et en juillet 2017, le président tanzanien John Magufuli, surnommé le «Bulldozer» pour ses nombreuses constructions de routes et d’infrastructures, a confirmé la réalisation de ce barrage controversé.

Seulement, cet important barrage est loin de faire l’unanimité. Les ONG dénoncent les risques environnementaux liés à la construction d’une structure hydraulique. L’ONG WWF (organisation internationale de protection des animaux) craint des risques néfastes sur la réserve de gibier de Sélous dans le sud de la Tanzanie, un site classé au patrimoine mondial de l’Unesco. Le site en question est connu pour sa forte concentration en rhinocéros noirs, en hippopotames, en crocodiles et en éléphants. Selon les opposants au barrage, la retenue d’eau de 230 km en amont de l’embouchure de la rivière, va inonder 1.350 km2 de terres protégées.

De plus, ce réservoir du barrage pourrait entrainer des tarissements de lacs et la perte en fertilité des terres asséchées en aval et du rétrécissement du delta Rufuji qui se jette dans l’océan Indien... 

Enfin, les opposants aux barrages soulignent que sa construction aura des conséquences néfastes du point de vue économique en entraînant une baisse de la reproduction des poissons mais surtout en la destruction le tourisme local, alors que le secteur touristique pèse actuellement à hauteur de 20% du PIB de la Tanzanie. Pour pharaonique et ambitieux qu'il soit, ce projet de barrage, pourrait donc induire une catastrophe écologique doublée d'une crise économique sectorielle... Ces conséquences ont-elles été pesées? Rien n'est moins sûr. 

Par Moussa Diop
Le 23/10/2018 à 15h08, mis à jour le 23/10/2018 à 15h10