Afrique centrale. Salaire minimum: où se situe le Cameroun par rapport aux autres pays?

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Le 07/04/2019 à 15h04, mis à jour le 07/04/2019 à 15h07

Considéré comme la locomotive économique de la sous-région, le pays se classe pourtant derrière des pays comme le Gabon et le Tchad. Cependant, selon les experts, la base de calcul au Cameroun est beaucoup plus large que dans ces pays.

Le salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG) est passé de 28.216 francs CFA en 2008, à 36.270 francs CFA en 2014 suite à un accord entre les syndicats des travailleurs, le patronat et le gouvernement.

Le SMIG a donc connu une substantielle augmentation de 8.054 francs CFA, mais malgré cela, le Cameroun détient le seuil de salaire mensuel minimum le plus bas d’Afrique centrale.

Le pays arrive ainsi derrière la Guinée équatoriale (128 000 francs CFA), le Gabon (80.000 francs), le Congo (90.000 francs CFA) ou encore le Tchad (60.000 francs CFA).

Le Cameroun se classe tout juste devant la République Centrafricaine (36.000 francs CFA).

Une «incongruité» que certains ont du mal à comprendre, surtout qu'il est considéré comme étant la locomotive économique de la sous-région.

Les experts avancent comme arguments ceux d'une conjoncture économique difficile, d'un volume plus important de travailleurs et le besoin de réduire le coût de production, et donc de permettre ainsi aux entreprises de pouvoir recruter plus de travailleurs, ce qui pourrait justifier cette situation.

«Beaucoup de pays s’attellent juste à prendre les niveaux moyens de salaire les plus élevés et les additionnent aux niveaux moyens de rémunération les plus bas. Mais le risque avec cette manière de faire, qui est le cas au Gabon ou au Tchad, c'est qu'on a un SMIG certes élevé, mais qui est en distorsion avec la réalité économique», explique Idriss Linge, expert en économie.

«Au Cameroun, on a surtout pris le soin de mesurer le niveau de revenu minimum moyen dont on a effectivement besoin pour vivre, et la base de calcul (population active) est beaucoup plus large que dans ces deux pays.

Ainsi, on peut avoir des moyennes assez basses et lorsqu'on les ajuste à la conjoncture économique, on comprendra qu'un retraité de Nguelemendouka (une commune de la région de l’Est, Ndlr) qui vit avec 50.000 francs CFA n'a pas de problème. Ce qui n'est pas le cas dans des pays comme le Gabon ou le Tchad où, plus on va en zone rurale, plus le niveau de vie est encore plus élevé», poursuit l’expert.

Niveau de développement

Lors des négociations pour la revalorisation du SMIG en 2014, les syndicats avaient suggéré que le salaire mensuel minimum soit fixé à 150.000 francs CFA, avant de revoir le montant à la baisse à 62.000 francs CFA.

Mais le patronat est resté campé sur sa proposition de 35.000 francs CFA, soit 1.000 francs CFA de moins que les 36.270 francs CFA finalement entérinés d’accord parties.

La revalorisation du SMIG a été au cœur de la campagne électorale pour la présidentielle du 7 octobre dernier.

Le Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) de Maurice Kamto proposait de porter le SMIG à 55.000 francs CFA.

Cette «augmentation pouvant être revue à la hausse à moyen terme, en fonction de l’accroissement de la richesse nationale», argumentait le MRC.

Le Social Democratic Front (SDF, parti historique de l’opposition) promettait quant à lui de faire passer le SMIG de 36.270 à 160.000 francs CFA si son candidat, Joshua Osih, était élu président de la République. Une proposition jugée irréaliste par le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC, au pouvoir).

«Le SMIG ne se fixe pas en l’air [mais] en fonction de notre niveau de développement, de la capacité des entreprises et du milieu économique ambiant», avait réagi le secrétaire général adjoint du Comité central du RDPC, Grégoire Owona, par ailleurs ministre du Travail et de la Sécurité sociale.

«Je vais régulièrement dans des entreprises. Je peux vous garantir qu’aucune entreprise aujourd’hui digne de ce nom ne paie ça. Elles paient plus», explique ce membre du gouvernement, pour lequel 36.270 francs CFA est un seuil «minimum».

Créé afin de réglementer la rémunération des salariés, le SMIG est le salaire horaire légal minimum que doit percevoir tout travailleur âgé d'au moins 18 ans, lui assurant ainsi un pouvoir d'achat acceptable et garanti, profitant surtout aux personnes bénéficiant de bas revenus.

Au Cameroun cependant, certains ne bénéficient pas de ce salaire minimum pourtant garanti par la loi.

A ce propos, le gouvernement a décidé de lutter tout particulièrement contre les employeurs qui font travailler des personnes à domicile, «c'est à dire les hauts cadres qui ont chez eux un "boy", un cuisinier qu’ils paient 25.000 francs CFA au prétexte que l’employé mange et loge chez eux», explique le ministre. Toute la question est de savoir aussi si ces travailleurs à domicile sont déclarés et bénéficient de droits sociaux. Mais c'est là une autre problématique.

Par Tricia Bell (Yaounde, correspondance)
Le 07/04/2019 à 15h04, mis à jour le 07/04/2019 à 15h07