Centrafrique: l'impossible solution diplomatique

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Le 14/07/2018 à 08h18, mis à jour le 14/07/2018 à 08h37

Depuis le début de la crise en 2012, pas moins de 7 accords de paix ont été signés entre les acteurs en présence, sans qu'aucun ne parvienne à un retour au calme.

Alors qu'ils sont déployés en Centrafrique depuis 2013, les soldats marocains, ainsi que la mission des Nations Unies pour le Centrafrique, attendent en vain une paix qui peine à venir. En effet, les forces en présence sur le terrain ne se faisant pas confiance, aucune solution politique n'est pour l'heure correctement respectée. Et pourtant, ce ne sont pas les initiatives qui manquent dans ce sens. 

D'aucuns se posent la question de savoir si la diplomatie arrivera un jour à ramener la paix dans ce pays? Religieuses, internationales ou sous-régionales, ces médiations avaient un même but: inciter la quinzaine de groupes armés, qui combattent pour le contrôle des ressources, à déposer les armes.

Mais, six ans après le début d'un conflit meurtrier qui a déplacé plus d'un quart des 4,5 millions d'habitants, aucune n'a abouti: les combats continuent et l'Etat ne contrôle toujours qu'une maigre partie du territoire. Jeudi, la Russie, à l'offensive diplomatique à Bangui depuis quelques mois, a bien tenté à son tour d'organiser une rencontre entre les groupes armés et le gouvernement, chez son allié soudanais.

Mais, selon la présidence centrafricaine, elle n'a finalement pas eu lieu car "le chef de l'Etat estime qu'il n'y a pas lieu d'engager d'autres processus tant que celui de l'Union Africaine (UA) est toujours en cours". Un projet d'accord avait pourtant été rédigé. Le nouveau conseiller russe à la présidence centrafricaine, Valery Zakharov, devait en être un des signataires.

Cette tentative a "agacé" les autres partenaires de la Centrafrique, selon un observateur à Bangui, une autre médiation étant menée depuis juillet 2017 par un panel de l'UA.

Efforts réduits "à néant"

Soutenu par l'ONU et les principaux partenaires de la RCA, celui-ci a rencontré les groupes armés, ainsi que les deux anciens présidents, Michel Djotodia au Bénin et François Bozizé, jeudi en Ouganda. Mais cette médiation est confrontée à un obstacle majeur: tous les groupes armés ou presque réclament une amnistie totale ou partielle avant de discuter de la fin des hostilités.

Plusieurs chefs de groupes armés sont cités dans des rapports d'enquête de l'ONU, d'autres sont sous la menace d'un mandat d'arrêt et une Cour pénale spéciale (CPS) a été mise en place à Bangui, pour juger les crimes commis depuis 2003.

"Le sentiment répandu parmi les partenaires internationaux que l'intiative de l'UA visait avant tout à accorder l'amnistie aux chefs des groupes armés, a suscité beaucoup de controverses", s'inquiétait en 2017 le panel d'experts de l'ONU sur la crise centrafricaine. Présentée au départ par des diplomates comme "la médiation de la dernière chance", cette feuille de route de l'UA pourrait prendre du plomb dans l'aile avec l'initiative russe.

"Les Russes, en montant une médiation parallèle, réduisent à néant les efforts pour harmoniser les médiations internationales autour de la crise centrafricaine", estime Thierry Vircoulon, spécialiste de la Centrafrique à l'Institut français des relations internationales (IFRI). La rencontre avortée de Khartoum "peut créer davantage de division et avoir des conséquences à long terme", corrobore Nathalia Dukhan, chercheuse à l'ONG Enough Project.

Il y a eu "de nombreuses initiatives (de médiation) pour peu de progrès", notait encore le panel d'experts de l'ONU pour la Centrafrique dans son rapport bi-annuel en juillet 2017.

"Processus cumulatifs"

Dernière en date, avant la feuille de route de l'UA et l'initiative russe de Khartoum, un accord de paix signé en juin 2017 à Rome sous le parrainage de la communauté catholique Sant'Egidio. A peine 24 heures après la signature, une centaine de personnes étaient tuées à Bria (centre) dans des combats.

Les principaux facteurs de l'échec de chacune de ces médiations résident dans leur incapacité à trancher des questions primordiales telles que les conditions du désarmement des groupes armés, l'amnistie des ex-miliciens et de leurs chefs, et la capacité pour les signataires d'accord de briguer un mandat politique.

Pour l'heure, seules les médiations locales semblent, bon gré mal gré, fonctionner en Centrafrique. Elles sont notamment menées par les dignitaires religieux, comme à Bangassou (sud-est) où l'Eglise catholique agit en autorité morale aux côtés des Casques bleus de la Minusca (10.000 militaires depuis 2014). Ces mêmes Casques bleus qui négocient ici et là des trêves locales et ponctuelles.

En 2017 dans une note, l'IFRI appelait à ce que les médiations soient des "processus cumulatifs", estimant qu'"aucune médiation particulière ne va mettre fin au conflit et rétablir la paix". Pour un diplomate en poste à Bangui, la raison des échecs des médiations est plus simple: "Certains veulent que le chaos continue pour asseoir leur prédation (...), plus ça dure, mieux c'est!"

Par Le360 Afrique (avec AFP)
Le 14/07/2018 à 08h18, mis à jour le 14/07/2018 à 08h37