Algérie. Indignations après l'arrestation du commandant "moujahid" Bouregaa: une "folie autoritaire"

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Le 01/07/2019 à 15h48, mis à jour le 02/07/2019 à 16h44

C'est l'indignation générale en Algérie, après l'arrestation extra-judiciaire pour la détention provisoire de Lakhdar Bouergâa qui a commis un crime de lèse-majesté en critiquant Ahmed Gaïd Salah. Avocats et société civile se mobilisent.

Quelle mouche a piqué Ahmed Gaïd Salah pour faire arrêter son frère d'armes de la guerre d'indépendance? C'est la question que beaucoup se posent enore en Algérie après le placement en détention provisoire de Lakhdar Bouregâa suite à de virulentes critiques adressées au généralissime homme fort du pays. Il accuse ce dernier de vouloir choisir le futur chef de l'Etat, maintenant ainsi une tradition établie depuis l'indépendance qui veut que ce soit l'armée qui désigne tous les présidents de la République algérienne populaire et démocratique. 

"Le pouvoir a déjà le nom du futur président et cherche un moyen pour le légitimer", a-t-il dit en substance pour expliquer le refus de son parti, le Front des forces socialistes (FFS) de prendre part à la conférence nationale du 6 juillet. Ce cadre de dialogue est à l'initiative de 7 partis politiques d'opposition et de la Ligue algérienne de défense des droits de l'Homme (LADDH). 

C'est, en tout cas, ce franc parler qui lui a valu d'être arrêté chez lui par les agents des services secrets algériens qui sont sous l'autorité directe d'Ahmed Gaïd Salah. Dimanche, une forme légale a été donnée à cette arrestation extra-judiciaire. L'un des avocats du collectif parle même de "folie autoritaire"

Si le général de corps d'armée et vice-ministre de la Défense semble n'avoir cure du statut de moudjahid et de commandant de la guerre d'indépendance de Bouregâa, l'opinion publique algérienne ne cache pas son indignation. 

Hier dimanche, devant le tribunal d'Akbou, "plusieurs centaines de citoyens ont pris part au rassemblement de solidarité avec les détenus d'opinion", affirme le site d'information Liberté Algérie. "Pas moins d’une quinzaine de présidents d’assemblées populaires communales, des élus à l’APW de Béjaïa, des cadres et des militants des partis de la mouvance démocratique, notamment du RCD et du FFS, des animateurs de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’Homme (LADDH) ont répondu favorablement à cet appel pour exiger “la libération immédiate et inconditionnelle” de tous les détenus d’opinion, tout particulièrement les manifestants arrêtés lors des dernières marches à Alger", poursuit Liberté Algérie. 

Pour sa part, le Collectif des avocats pour la dignité et le changement, constitué de robes noires défenseurs des droits de l'homme, "exige la libération immédiate et inconditionnelle du moudjahid et de tous les autres détenus d’opinion". 

Dans le journal El Watan de ce lundi, on fait état d'une vague d'indignation. Un internaute a préféré poster un passage des mémoires de Lakhdar Bouregaa. "Je refusai de me plier ... J'ai été arrêté, mis au secret, affreusement torturé,.. Et maintenant, on me propose une suprême humiliation, celle de demander au responsable de tous mes malheurs d'avoir pitié de moi", écrivait-il pour rappeler ce qu'il avait vécu avec les régimes successifs auxquels il s'est opposé. L'histoire semble donc se répéter, avec dans le rôle du persécuteur, Ahmed Gaïd Salah. 

"La position de Lakhdar Bouragâa a toujours été constante et assumée depuis l'indépendance et ce n'est pas aujourd'hui qu'on va commencer a l'influencer. Il a été emprisonné pour ça par Ben Bella, Boumediène et Chadli. Je vous invite à lire son livre", écrit cet autre internaute, Izem Samir, sur Twitter. 

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 01/07/2019 à 15h48, mis à jour le 02/07/2019 à 16h44