Le rapport de la Commission "Vérité, réconciliation et réparations" (TRRC), très attendu par les organisations de défense des droits de l'Homme, sera "soumis en juillet au président" Adama Barrow, a indiqué à l'AFP le secrétaire exécutif de la TRRC, Galleh Jallow.
Barrow a fait savoir de longue date qu'il attendrait les recommandations de la Commission pour éventuellement réclamer des poursuites contre son prédécesseur, qui a dirigé pendant 22 ans dans cette ancienne colonie britannique d'Afrique de l'Ouest un régime régulièrement accusé de tortures, d'exécutions extrajudiciaires et de viols.
Les commissaires ont assuré jeudi qu'ils n'étaient pas "contre Jammeh" mais "du côté de la vérité".
Le dernier témoin a été entendu jeudi toute la journée. "Cinq ou six questions" restant à évoquer, son audition reprendra vendredi matin, a indiqué la commission.
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Depuis janvier 2019, grâce à des audiences retransmises en direct à la télévision, les Gambiens ont pu entendre avec effarement les récits de plus de 370 témoins, hommes et femmes, anciens ministres, simples civils ou soldats, victimes et ex-membres des escadrons de la mort de du régime, les "Junglers" ("Broussards").
"Vous étiez l'un des plus proches de Jammeh, il vous appelait +fils+ et vous l'appeliez +père+", a lancé le commissaire en chef, Essa Faal, au dernier témoin, Saikou Jallow, 42 ans, interrogé par visioconférence.
Jallow, un militaire ayant servi d'assistant personnel à l'ex-président, a notamment dit que, selon ses informations, M. Jammeh était bien responsable de la mort de plusieurs de ses proches tombés en disgrâce, dont des membres de sa famille, comme l'avaient déjà affirmé d'autres témoins.
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Lors d'échanges par moments très tendus, il a toutefois ensuite refusé d'imputer à Yahya Jammeh la responsabilité d'autres meurtres, expliquant que l'ancien président lui avait dit à plusieurs reprises avoir été "trompé" par ses hommes.
Accusation d'assassinat, massacre et viol
Parvenu au pouvoir par un putsch sans effusion de sang en 1994, Yahya Jammeh s'était fait largement élire et réélire sans interruption jusqu'à sa défaite en décembre 2016 face à Adama Barrow. Après six semaines d'une crise à rebondissements provoquée par son refus de céder le pouvoir, il a finalement dû quitter le pays à la suite d'une intervention militaire ouest-africaine et d'une ultime médiation guinéo-mauritanienne.
La Commission pourra recommander des poursuites mais n'a pas le pouvoir de prononcer de condamnations.
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Une ex-reine de beauté, Fatou Jallow, a, lors de son audition en novembre 2019, accusé Jammeh de l'avoir violée pour l'humilier et se venger du rejet de sa demande de mariage.
Un militaire a aussi raconté comment, sur ordre selon lui du président Jammeh, il a participé en 2004 à l'assassinat de celui qui était considéré comme le doyen des journalistes gambiens, Deyda Hydara, qui était le correspondant à Banjul de l'AFP et de Reporters sans frontières (RSF).
Un Ghanéen, Martin Kyere, a fait le récit du massacre d'une cinquantaine de migrants ouest-africains pris pour des mercenaires, une tuerie dont il est le seul survivant. Yahya Jammeh a toujours démenti être impliqué dans ces assassinats.
D'autres témoins ont détaillé les exécutions extrajudiciaires commises par les "Junglers", ou encore les pratiques mystiques de Yahya Jammeh consistant à faire avaler à ses "patients" des breuvages censés guérir du sida et qui ont été fatales à plusieurs d'entre eux.
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Les auditions "ont mis en évidence la nécessité d'ouvrir une enquête pénale sur les agissements de Jammeh", a estimé jeudi Human Rights Watch (HRW) dans un communiqué.
"La manière dont le gouvernement gambien répondra aux recommandations de la Commission devrait être une question clef lors des élections prévues en décembre 2021", a ajouté l'ONG.
Barrow n'a pas encore clairement indiqué s'il briguerait un second mandat, mais sa candidature ne fait aucun doute en Gambie. Jammeh peut pour sa part encore compter sur des partisans qui réclament son retour.