Celui que tous connaissent sous le nom de "Baba" ("papa" en kiswahili), aujourd'hui âgé de 76 ans, a incarné pendant des décennies l'opposition avant de se rapprocher du pouvoir depuis 2018 - à la surprise générale.
En août prochain, il se présentera pour la cinquième fois à la présidence après des tentatives en 1997, 2007, 2013 et 2017 où, chaque fois, il a été déclaré perdant et a dénoncé des fraudes.
"En ce jour du 10 décembre 2021, moi, Raila Amolo Odinga (...) j'accepte de me présenter comme candidat pour les élections présidentielles du 9 août 2022", a-t-il déclaré au stade Kasarani de Nairobi, au terme d'une journée de concerts, prières et prises de parole à sa gloire.
Lire aussi : Union africaine: Odinga nommé Haut Représentant pour le développement des infrastructures
En chemise bleue à col Mao et casquette frappée d'un "R", celui qui a connu la prison dans les années 1980 a longuement retracé son parcours de "combattant de la démocratie", avant de décliner les dix points de son "programme pour le peuple", notamment axé sur la sécurité sociale, la jeunesse et les régions isolées du pays.
Sa candidature, officialisée à l'occasion d'une convention de son nouveau parti Azimio La Umoja ("Quête d'unité"), met fin à des mois de suspense et ouvre un nouveau chapitre pour cette figure incontournable de la politique kényane, qui fut Premier ministre entre 2008 et 2013.
Dynasties contre "débrouillards"
Début 2018, après une élection 2017 mouvementée et violente où il concourait face au président sortant Uhuru Kenyatta, Odinga s'était allié à ce dernier, lors d'une poignée de main restée célèbre sous le nom de "handshake".
Depuis, les héritiers des deux plus grandes dynasties politiques kényanes ont travaillé ensemble, portant notamment un projet de révision constitutionnelle, le "Building Bridges Initiative" (BBI), jugé inconstitutionnel et désormais dans les limbes.
Lire aussi : Coup de théâtre au Kenya: Raila Odinga se retire de l'élection présidentielle
L'élection présidentielle de 2022 s'annonce à hauts risques au Kenya, encore marqué par le spectre des violences post-électorales de 2007-2008 qui avaient fait plus de 1.100 morts et des centaines de milliers de déplacés.
Uhuru Kenyatta, élu en 2013, achève son deuxième mandat. La Constitution ne l'autorise pas à se représenter.
Le vice-président William Ruto, qui s'était vu promettre par Kenyatta le soutien du parti présidentiel Jubilee en 2022, a été progressivement marginalisé.
"Équilibre délicat"
Jeune et charismatique, le leader de l'ethnie Kalenjin a mené ces dernières années un opiniâtre travail de terrain, se voulant le représentant des "débrouillards" du petit peuple face aux dynasties qu'incarnent Kenyatta et Odinga. Il a déjà déclaré sa candidature.
Seuls des présidents des ethnies kikuyu et kalenjin, les deux principales du pays, ont dirigé le Kenya depuis l'indépendance en 1963. Une présidence de Odinga, un Luo, marquerait une rupture dans l'histoire politique kényane.
Kenyatta, un Kikuyu, n'a pas officiellement déclaré son soutien à Raila Odinga mais il a affirmé à plusieurs reprises que le prochain président ne serait "ni kikuyu, ni kalenjin".
Lire aussi : Kenya: Kenyatta et Odinga appellent au calme pour l'élection du 26 octobre
Si le parti au pouvoir Jubilee ne s'est pas non plus positionné, son puissant secrétaire général Raphael Tuju ainsi que plusieurs poids lourds du gouvernement et gouverneurs étaient présents au stade Kasarani vendredi.
Quelques jours plus tôt, la Fédération du Mont Kenya, l'un des plus influents lobbys kikuyu, a annoncé son soutien à Odinga.
"Cette fois-ci, il a beaucoup de soutien de l'establishment et c'est évident", décrypte l'analyste politique Nerima Wako-Ojiwa.
Mais dans un pays marqué par le clientélisme politique, il doit désormais convaincre à la fois ses électeurs de longue date, et tous les autres, qu'il servira leurs intérêts. "Ce sera un équilibre délicat et l'un des deux groupes sera forcément perdant", estime Nerima Wako-Ojiwa.
Vendredi, Odinga a plaidé pour l'unité. "Je ne me présente pas à la présidence pour m'opposer à qui que ce soit mais pour proposer de meilleures politiques", a-t-il déclaré: "Je suis dans cette course pour façonner une nation indivisible".