Eviter l’endiguement mondial est désormais la priorité des Russes. Après ses partenaires au sein du BRICS (Brésil, Inde, Chine et Afrique du Sud) et les représentants des pays de la Ligue arabe en Egypte, c’est désormais en Afrique, où elle compte historiquement de nombreux alliés, que la Russie compte consolider ses soutiens. C’est dans ce cadre qu’intervient le périple diplomatique du ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, entamé le 24 juillet en Egypte.
Après un séjour cairote marqué par une rencontre avec les dirigeants égyptiens et ceux des représentants des pays de la Ligue arabe, le chef de la diplomatie russe est arrivé lundi en République du Congo, et devrait poursuivre son périple en Ouganda et en Ethiopie. Avant d’entamer ce périple, Lavrov avait déclaré que «le développement d’un partenariat global avec les pays africains reste l’une des principales priorités de la politique étrangère de la Russie. Nous sommes prêts à contribuer à leur croissance future.» L'objectif est donc clair.
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Cette première tournée africaine de Lavrov depuis le déclenchement de la guerre russo-ukrainienne vient juste après la levée du blocus sur les exportations de blé dans le cadre d’un accord soutenu par l’Organisation des nations unies et facilité par la Turquie. Grâce à cet accord, les pays africains, dépendants à plus de 40% de la Russie et l'Ukraine pour leurs importations de blé, pourront s’approvisionner auprès de ces deux pays en blé et en engrais. Pour rappel, l'Union africaine (UA) avait dépêché début juin son président, Macky Sall, en Russie et en Ukraine afin de militer pour l’approvisionnement des pays africains en céréales.
Sall avait notamment demandé au président russe Vladimir Poutine de «prendre conscience» que les pays africains sont «des victimes» de la guerre en Ukraine. Très bien accueilli, le chef de l'Etat sénégalais a été rassuré par Poutine. Chose qui vient de se traduire avec l’accord sur les «couloirs sécurisés» pour les exportations de céréales. Ainsi, avec les approvisionnements en blé et en engrais, le spectre d’une crise alimentaire devrait s’éloigner en Afrique.
Grâce à cet accord, l’Ukraine pourra exporter entre 20 et 25 millions de tonnes de céréales bloquées, tandis que la Russie a, quant à elle, obtenu la garantie que les sanctions occidentales ne s’appliqueront ni directement ni indirectement à ses exportations de produits agricoles et d’engrais. Lavrov profite donc de cette tournée pour rassurer davantage les pays africains en soulignant que Moscou continuera à «remplir fidèlement ses obligations d’exportation de denrées alimentaires, d’engrais, d’énergie et d’autres biens essentiels vers l’Afrique sur la base de ses contrats internationaux».
Il faut souligner qu’avant même la levée des sanctions sur les céréales et les engrais, la Russie avait trouvé une alternative avec l’Egypte, le premier importateur de blé au monde (13 millions de tonnes par an) qui impoprte 80% de son blé des deux pays en conflit. Les deux pays ont décidé en juin de contourner le système international de transactions financières Swift en utilisant leurs monnaies respectives (rouble et livre égyptienne) pour les règlements bilatéraux. Ce contournement permet à l’Egypte de poursuivre ses échanges commerciaux avec la Russie sans subir des sanctions américaines pour l’usage des dollars. Un système qui devrait faire des émules au niveau des pays arabes et africains dans leurs échanges commerciaux avec la Russie.
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C’est fort de ce premier succès concernant la problématique de l’approvisionnement de l'Afrique en céréales que Lavrov a entamé son périple africain par l’Egypte, où il a tenu à rassurer non seulement le premier importateur mondial de blé, mais aussi les autres pays arabes lors d’une rencontre avec leurs représentants à la Ligue arabe.
Et capitalisant sur le fait d’avoir respecté la promesse faite à l’UA en ce qui concerne la levée du blocus sur les exportations de céréales, la Russie souhaite consolider ses relations avec les pays africains, notamment ceux avec lesquels il entretient des relations historiques, dans le but d’éviter l’endiguement que les pays occidentaux veulent lui imposer. Pour rappel, lorsque l’Assemblée générale de l’ONU votait le 2 mars dernier une résolution intitulée «Agression contre l’Ukraine», 12 pays africains ont tout simplement décidé de ne pas prendre part au vote et 17 autres se sont abstenus. C’est dire que plus de la moitié des pays africains avaient tout simplement refusé de condamner la Russie. Et les tentatives des pays occidentaux, les Etats-Unis en tête, pour faire changer les positions des pays africains n’ont, jusqu’à présent, pas abouti à des résultats palpables. Les pays africains préférant garder leur neutralité vis-à-vis d’un conflit qui s’apparente pour eux à un remake de la guerre froide.
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Ces positions ont été saluées par la tribune de Lavrov dans un quotidien de Brazzaville, soulignant qu’«aujourd’hui, les États africains jouent un rôle de plus en plus important dans la politique et l’économie globale», ajoutant qu’ils apportent «d’une manière énergique leur contribution au règlement des problèmes clés de notre époque».
Ainsi, à travers ce périple diplomatique, la Russie souhaite consolider ses relations avec les pays africains qui n’ont pas voté contre elle, comme Lavrov l’a souligné lors du sommet de la Ligue arabe qui se tenait en Egypte en saluant des «positions équilibrées, justes et responsables». Dans la même lancée, la Russie compte réunir rapidement les chefs des diplomaties des pays arabes et africains, une manière pour elle d’éviter d’accroitre les soutiens africains aux thèses soutenues par les Etats-Unis et les pays occidentaux, qualifiés par la Russie de pays «inamicaux».
Par ailleurs, force est de noter que parallèlement à la tournée africaine de Moscou, le président français Emmanuel Macron a entamé, ce lundi 25 juillet, une tournée qui le mènera dans 3 pays africains, à savoir le Cameroun, le Bénin et la Guinée-Bissau. L'objectif de ce périple est d'expliquer la nouvelle approche de la présence militaire française en Afrique qui est en train d’être remodelée en grande partie à cause de la présence russe au Mali et en Centrafrique, deux anciens pays du pré carré français.