RDC: psychose et suspicion à Kinshasa après l’évasion de plusieurs centaines de prisonniers

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Le 19/05/2017 à 13h45, mis à jour le 19/05/2017 à 13h51

48 heures après les événements du 17 mai 2017, la peur a particulièrement gagné la population de Kinshasa qui prend de plus en plus conscience des conséquences de cette évasion massive des détenus de la Prison centrale de Makala.

Même si le bilan n’est toujours pas officiellement donné, les images des dégâts (bureaux, bâtiments carcéraux et plusieurs dizaines de véhicules incendiés), des affirmations des témoins et surtout la publication par la presse d’un rapport administratif faisant état de 4.100 évadés, etc. ont créé une vive panique au sein de la population.

Joseph Sekabo, activiste de l’Ong des droits de l’homme «Toges noires», a exprimé son inquiétude à l’idée de revoir ces malfaiteurs et criminels en liberté. «Hier c’était Kinshasa, cette nuit du jeudi 18 au vendredi 19 mai 2017 c'est Kasangulu (Kongo Central). Tout ça n’est plus un fruit du hasard? C’est comme si quelque chose se préparait…», a-t-il martelé.

De l’avis général de plusieurs personnes, il y a un risque réel d’un retour de la criminalité dans la ville de Kinshasa après ces évasions.

En effet, Kinshasa, ville festive par essence, s’est réservée durant deux jours de savourer la vie à belles dents, d’autant plus qu’un communiqué de la police nationale, du jeudi 18 mai dernier, invitant la population à coopérer dans l’arrestation des évadés, a fourni plus de 20 numéros d’appel pour les dénoncer.

“Nous nous demandons comment nous allons procéder pour dénoncer des malfaiteurs, alors que les éléments de la police eux-mêmes prennent un malin plaisir à truander nos enfants et nous-mêmes qui circulons la nuit?», se plaint maman Ntumba Shabantu, une habitante du quartier Sport à Kasa-Vubu, dénonçant des arrestations arbitraires des personnes confondues avec des prisonniers évadés.

Du côté des officiels, Fidele Mpayi, le bourgmestre de la commune de Selembao, où se trouve la prison centrale de Makala, a reconnu qu’un nombre massif de personnes se sont évadées de la prison et a annoncé que la police a déjà réussi à mettre la main sur 179 fugitifs, alors que le ministre de la Justice a fait état d’une évasion d’une cinquantaine de personnes!

Des interrogations sans réponse

Il convient de noter que des zones d’ombres persistent dans cette opération spectaculaire d’évasion. De nombreux analystes continuent à s’interroger sur le bilan livré par le ministre de la Justice de 50 évadés, alors que plusieurs habitants de Kinshasa voyaient au même moment des centaines de personnes déferler dans plusieurs directions. «Nous avions l’impression qu’ils revenaient d’un match de football. Certains prisonniers n’hésitaient pas à faire des selfies avec des gens et demandaient la direction de leurs adresses…», a témoigné un habitant de Selembao à le360Afrique. 

Concernant les morts, jusqu’à présent aucun bilan n'est disponible. Etaient-ils des policiers et militaires commis à la garde du centre pénitentiaire? Ou bien des prisonniers abattus durant leur fuite? Aucune information n’est livrée à l’opinion à ce sujet.

Cependant, des journalistes, arrivés sur place juste après ces événements, ont vu des véhicules transportant des corps inertes et escortés par des automobiles de la police nationale.

Enfin, au sujet de l’intervention tardive en renfort des forces de sécurité, l’opinion est dubitative et suspicieuse, car la prison centrale de Makala est à un jet de pierre du camp militaire Kokolo et surtout de l’Inspection générale de la police nationale. «Il aurait suffit moins de 5 minutes pour que le site soit totalement sécurisé. Mais nous ne comprenons toujours pas pourquoi les renforts sont arrivés près de deux heures après le début de l’opération…», a indiqué Amédée Mwarabu, journaliste au quotidien Le Potentiel, exprimant aussi le doute sur la force de frappe des adeptes du chef spirituel Ne Muanda Nsemi, désigné comme principal instigateur de ce coup.

Par Tshieke Bukasa (Kinshasa, correspondance)
Le 19/05/2017 à 13h45, mis à jour le 19/05/2017 à 13h51