En fin de mission diplomatique au Cameroun il y a un an, Omer Faruk Dogan, ambassadeur de la Turquie avait organisé un ultime point presse. Dernière question des journalistes : «quel souvenir garderez-vous du Cameroun?».
Réponse inédite: «Le magnifique vivre-ensemble chrétiens-musulmans. Ce que j’ai vu ici n’arrivera certainement jamais chez moi. Un musulman épouse une chrétienne et lui laisse le loisir de garder sa religion. Mieux, certains enfants sont chrétiens et d’autres musulmans… Pendant le mois de ramadan, l’épouse chrétienne se voile et jeûne par solidarité. J’ai vu ça dans plusieurs familles au Cameroun et cette tolérance restera à jamais dans ma mémoire».
Une solidarité qui date et s’observe justement en ce moment, aussi bien chez les chrétiens que les laïcs. «J’évite de manger en présence de mon collègue pendant cette période, pour qu’il ne soit pas tenté», assure généreusement Angèle Paule, journaliste. Aziz, le collègue en question est plutôt bien entouré. A l’heure de la rupture du jeûne, il reçoit beignet par ci, banane par-là, ou encore une bouteille de jus de fruits. De même, son paquet de dattes fait le tour de la salle de rédaction. Le jeune père de famille dit être le seul musulman de son immeuble à Yaoundé. «Le soir, ma porte est grande ouverte. Les voisins viennent partager un peu de bouillie avec la famille. C’est d’ailleurs la seule occasion pour nous de se rencontrer dans l’année. On en profite pour passer en revue les problèmes de l’immeuble et de proposer des solutions», se réjouit le jeune musulman.
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«Le ramadan doit renforcer le vivre-ensemble. Et en la matière, le Cameroun est un exemple à suivre», renchérit le Dr Moussa Oumarou, coordonnateur général du Conseil des imams et dignitaires musulmans du Cameroun (CIDIMUC). Il n’a de cesse de saluer les élans de générosité observés pendant la période de jeûne.
Que dire de l’aumône et des dons pendant cette période de piété? Les associations islamiques en donnent autant qu'elles en reçoivent. La dernière en date a été médiatisée, c’était mardi dernier à Yaoundé. Yvette Claudine Ngono, maire de la commune de Yaoundé V, a remis 86 sacs de riz de 50 kg, 60 cartons de sucre et 60 cartons d’huile à la communauté musulmane de son territoire de compétence, riche de 19 mosquées. Dans son allocution, elle a justement relevé que «la laïcité du Cameroun n’empêche pas de marquer un élan de solidarité et de respect envers les religions. Surtout que la question de foi est au cœur des libertés publiques».
Et des élans de solidarité de ce genre se prolongent au-delà de la période de ramadan.
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Et l’Etat n’est pas en reste. En effet, à quelques semaines du début du ramadan, les spéculations sur les produits de grande consommation vont généralement bon train. Notamment en ce qui concerne le sucre. Pour contrer tout abus dans ce sens, le ministre du Commerce a multiplié les concertations avec les acteurs de la filière.
Lors de la dernière rencontre, le ministre Luc Magloire Mbarga Atangana leur a clairement indiqué qu’«il est hors de question que nos compatriotes musulmans paient plus cher parce qu’ils ont grand besoin de sucre en moment. Par solidarité, vous devriez suivre l’exemple des entreprises de production de boissons gazeuses. C’est-à-dire lancer une campagne promotionnelle. C’est aussi votre responsabilité sociétale».
Depuis lors, la surveillance des marchés est systématique. Une délégation du ministère du Commerce revient d’ailleurs d’une mission d’inspection dans les trois régions septentrionales du pays (Adamaoua, Nord et Extrême-Nord), à forte concentration musulmane. Globalement, selon l’Institut national de la statistique (INS), les musulmans représentent environ 30% de la population camerounaise.