Muhammadu Buhari, 74 ans, a quitté le Nigeria le 7 mai pour un "congé médical" au Royaume-Uni. La nature de sa maladie n'a pas été dévoilée, mais il a semblé extrêmement affaibli lors de ses dernières apparitions publiques.
En janvier et février, il avait déjà passé près de deux mois à Londres pour des raisons de santé. A son retour, il avait confié "n'avoir jamais été aussi malade", alors que ses proches et porte-parole n'avaient cessé de le présenter comme étant "en pleine forme".
Aucune date n'a été annoncée pour son retour et, à la différence de sa première absence, aucune photo de lui n'a été publiée.
Au-delà des démentis officiels de rumeurs le donnant en phase terminale ou même mort, les questions sur sa santé se heurtent à un silence assourdissant. Il n'est donc pas surprenant que des voix s'élèvent pour rappeler les promesses électorales de 2015 de plus grande transparence et demander que les 180 millions de Nigérians ne soient plus tenus dans l'ignorance.
"Le gouvernement fait peu de cas du peuple", se plaint Idayat Hassan, directrice du Centre pour la démocratie et le développement d'Abuja.
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"Il n'est pas possible que notre président soit absent plus de cinquante jours et que personne ne sache ce qui ne va pas. Au total, il a passé plus de cent jours hors du Nigeria" depuis le début de l'année, a-t-elle dit à AFP.
"Le vice-président assure ses fonctions en tant que président en exercice. Ce n'est pas une raison pour que nous ne sachions pas ce que devient le président. Nous avons le droit de savoir", a-t-elle ajouté.
A Abuja, à 4.700 km du lit d'hôpital du président Buhari, les opinions divergent sur les répercussions de son absence.
Qui dirige vraiment?
Un haut fonctionnaire se plaint que deux enquêtes sur des cas de corruption, un des chevaux de bataille du dirigeant malade, prennent la poussière et qu'il a fallu attendre le mois dernier pour que le budget 2017 de 24 milliards de dollars obtienne le feu vert de la présidence.
D'autres trouvent en revanche que les choses se passent plutôt mieux qu'en 2010, lors de la maladie qui devait emporter le président Umaru Musa Yar'Adua après plusieurs mois de soins à l'étranger.
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"Je n'ai pas observé de vide parce que les pouvoirs du président ont été transférés en bonne et due forme au vice-président", dit un responsable qui ajoute "que rien pratiquement dans mon service n'a subi les conséquences du départ du président en congé maladie à Londres".
"J'étais là sous Yar'Adua" (un autre président: NDLR), note un autre responsable qui se souvient qu'en l'absence de transfert des pouvoirs, "le travail du gouvernement s'était presque arrêté". "Nous n'avons plus ce type de situation".
Cette absence de Buhari à mi-mandat a aussi amené des Nigérians à faire un bilan, deux ans après sa victoire historique sur son prédécesseur Goodluck Jonathan.
Certains mettent au crédit de l'ancien général le recul du groupe islamiste Boko Haram, très affaibli après avoir un temps pris le contrôle de vastes territoires du Nord-Est.
Les opinions sont plus partagées sur la croisade anticorruption qui a vu beaucoup d'arrestations mais peu de condamnations. De même l'économie du géant ouest-africain, frappée par la chute du prix du pétrole, a souffert d'une récession synonyme d'inflation et de gel des investissements.
Le gouvernement assure que le vice-président Yemi Osinbajo poursuit la réalisation du programme de réformes de Buhari mais le doute demeure sur la réalité de son pouvoir.
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Pour Clement Nwankwo, chef d'une organisation de la société civile d'Abuja, le Centre de conseil juridique et politique, la maladie de Buhari a tué toute chance de véritable changement avant la prochaine présidentielle de 2019.
"Les deux dernières années ont représenté une perte de temps totale et les deux prochaines ne laissent pas espérer grand chose en terme de réalisations", dit-il.
Le président a en revanche bénéficié de l'affaiblissement et de la division du principal parti d'opposition, le Parti populaire démocratique (PDP), qui ne s'est que récemment saisi de la maladie du président pour reprocher au gouvernement sa gestion "incohérente" de la crise.
Pour Mme Hassan, l'absence du président Buhari pose la question au coeur de la politique nigériane: qui dirige vraiment le pays, les politiques élus ou leurs conseillers sans mandat?