Dans l'Etat de Benue, en proie aux violences entre agriculteurs chrétiens et éleveurs peuls musulmans qui ont fait des centaines de morts depuis le début de l'année, une foule massive s'est rassemblée autour d'imposants cercueils blancs.
Ce dernier massacre, qui a eu lieu le 24 avril dans le village de Mbalom, a été directement attribué à des éleveurs nomades. Mais la confusion règne dans ce conflit pour l'accès à la terre, qui prend une dangereuse tournure ethnique et religieuse, dans un pays divisé, à moins d'un an de l'élection présidentielle.
"On ne remédie pas au mal par le mal"
Le professeur James Ayatse, roi des Tiv, ethnie chrétienne majoritaire dans le Benue, a appelé ses sujets au calme : "Personne ne doit aller se venger. On ne remédie pas au mal par le mal", a-t-il martelé. "Nous devons préserver la paix, et c'est dans la paix que nous vaincrons."
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En réponse à chaque attaque, l'un ou l'autre groupe répond en envahissant les terres des agriculteurs, ou en abattant le bétail des éleveurs: le conflit a rapidement connu une escalade des tueries.
De nombreux éleveurs peuls sédentarisés qui vivaient en bonne entente avec les communautés agricoles depuis des décennies se retrouvent ainsi pris pour cibles, et vice-versa.
Le vice-président Yemi Osinbajo, pasteur évangélique qui a fait le déplacement jusqu'à Makurdi, a qualifié l'attaque de l'église Saint-Ignace à Mbalom de "méprisable".
"Nous pouvons garantir la justice (...) en appréhendant et en punissant leurs assaillants, en reconstruisant les lieux endommagés et en soignant les blessures qui ont été causées", a-t-il déclaré devant des milliers de personnes réunies pour les funérailles.
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De son côté, le gouverneur Samuel Ortom, qui n'a cessé de dénoncer l'inaction du gouvernement fédéral et qui a interdit le pâturage nomade dans l'Etat de Benue, prône la mise en place de fermes d'élevage pour les dizaines de millions de tête de bétail que compte le géant d'Afrique de l'Ouest.
"Cette idée de fermes d'élevage ne peut pas et ne doit pas être ignorée", a-t-il répété lors de la cérémonie funéraire.
Manifestations pacifiques
Pendant ce temps, des marches pacifiques ont réuni des centaines de prêtres et des milliers de fidèles dans les grandes villes du Nigeria pour protester contre l'inaction du gouvernement face à la montée des violences dans le pays le plus peuplé d'Afrique - plus de 180 millions d'habitants.
Dans la capitale fédérale, Abuja, les manifestants brandissaient des pancartes : "Nous avons besoin de paix et de justice", "Arrêtez les tueries ou démissionnez" et "Nous disons non à l'impunité".
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"Monsieur le Président, je vous exhorte à remplir votre promesse. Je vous rappelle que l'escouade d'éleveurs qui ont transformé le Nigeria en un champ de bataille semble être au-dessus des lois", a déclaré pendant une messe l'évêque d'Abuja, Mgr Anselm Umoren, appelant à traduire en justice les responsables.
Le président Muhammadu Buhari, lui-même peul originaire du Nord musulman, a déployé tardivement l'armée pour rétablir l'ordre dans la région et reste très critiqué pour sa passivité face aux violences.
Des milliers de fidèles se sont également rassemblés à Lagos, la capitale économique, au cours d'une messe encadrée par un imposant dispositif de sécurité.