Le Cameroun a célébré la 34e Journée internationale de la femme (JIF) le 8 mars 2019 sous le thème: «Croisade contre les inégalités de sexes, s’arrimer à la nouvelle impulsion». Plusieurs activités (tables-rondes, débats, marches sportives, remises de dons, etc.) ont ponctué cette célébration. Avec en bouquet final, le traditionnel défilé vendredi dernier au Boulevard du 20 mai à Yaoundé, la capitale.
Près de 70.000 femmes ont ainsi battu le pavé devant la première dame Chantal Biya, vêtue, comme des milliers d’autres femmes ce jour-là, du pagne de la JIF. Une particularité camerounaise qui divise cependant la gent féminine. «Je ne conçois pas un 8 mars habillée autrement qu’en pagne de la JIF. Comme un uniforme, ce pagne marque l’appartenance à une corporation. Il est aussi rassembleur parce qu’il brise les barrières sociales», affirme Antoinette Eyenga, assistante de direction.
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Pauline T, elle, fait partie de celles qui abhorrent ce tissu. «Je n’en ai jamais porté et je ne vois pas l’intérêt d’en porter, car pour moi, c’est du business. Ce n’est pas le pagne qui fait le 8 mars. Ce n’est pas en le portant qu’on va résoudre les problèmes de la femme ou améliorer leurs conditions de vie. A la limite même, je le trouve aliénateur», affirme cette patronne d’entreprise.
Loin de partager la joie des défilantes, des acteurs politiques, des membres de la société civile et des internautes ont quant à eux décidé d’aller en croisade contre le pagne du 8 mars en appelant à son boycott. La présidente du Cameroon People’s Party (CPP, parti de l’opposition), Edith Kah Walla, a appelé les femmes à porter du noir vendredi en solidarité notamment «avec les femmes du Nord-Ouest et du Sud-Ouest qui dorment en brousse» à cause du conflit qui secoue ces deux régions anglophones du pays depuis fin 2016.
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Mais aussi pour soutenir «les femmes dans les cellules à Yaoundé arrêtées pour leurs opinions politiques». Référence faite notamment à l’avocate Michèle Ndoki, vice-présidente du directoire des femmes du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) de Maurice Kamto, interpellée le 26 février dernier par la police. «Nous avons des femmes qui faisaient partie de la coalition du MRC qui sont en prison… Pour nous, aller boire, mettre le pagne et faire la fête ce jour-là, c'est comme si on ne les voit pas, comme si ce ne sont pas nos sœurs», affirme l’ancienne candidate à l’élection présidentielle de 2011.
Ligne budgétaire
Le mouvement a été plus ou moins suivi, notamment sur les réseaux sociaux. «Oui, j’ai choisi d’être en noir ce vendredi 8 mars. Je suis solidaire de cette campagne visant à attirer l’attention sur la situation de ces femmes qui sont en détresse dans notre pays», écrit la journaliste et influenceuse web, Annie Payep, sur sa page Facebook.
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Cet appel au boycott, apprend-on, vise également à dénoncer les dépenses liées à l’achat de ce pagne qui bénéficie d’une ligne budgétaire spécifique dans les ministères et administrations publiques. «50.000 femmes (pagnes) vont défiler ce jour devant Chantal Biya. Ça fera 50.000×6000=300.000.000 f (sans compter les femmes qui ne défileront pas) encaissées dans la vente de ce pagne. Elles iront défiler alors qu'elles souffrent dans leur chair, dans leurs foyers et lieu de service.
Entre temps, aucun pourcentage de la vente de ce pagne ne leur est destiné. Aucun! Si on allouait seulement 10% (soit 30 millions seulement) de ces bénéfices à un problème précis de la gent féminine, j'encouragerais vraiment les femmes à porter ce pagne (moi la première). Mais hélas, les femmes camerounaises sont pour ce gouvernement des cobayes vers qui on ne se tourne qu'à l'occasion d'une journée dite de droit de la femme», déplore la blogueuse Louise Blanche Ngo Masso. Le débat sur le port du pagne du 8 mars est loin d’être clos…