Commerce illicite: le Cameroun face à la prolifération des usines informelles

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Le 09/09/2019 à 07h16, mis à jour le 09/09/2019 à 07h43

Face à la multiplication d’usines informelles de riz, d’eau, de détergents et autres spiritueux, les autorités appellent les consommateurs à faire preuve de plus de vigilance, alors que l’inquiétude monte auprès de la population, qui demande plus de mesures dissuasives.

Le 27 août dernier, les agents de la brigade des contrôles et de la répression des fraudes de la délégation départementale du ministère du Commerce du Mfoundi ont procédé à la saisie de plusieurs sacs de riz avarié, qui avait été reconditionné dans des emballages neufs sous l’étiquette de grandes marques communément en vente au Cameroun.

Cette saisie a été opérée au marché du Mfoundi, connu comme étant le principal marché de fruits et légumes de Yaoundé, la capitale.

«Les commerçants vident des sacs de riz dont la date d’expiration est dépassée -2017 pour la plupart-, les reconditionnent dans de nouveaux sacs neufs puis les remettent en circulation», affirme cette brigade.

Cette perquisition a également permis de mettre la main sur du matériel de recyclage utilisé par les faussaires: des machines à coudre pour refermer les emballages, des sacs neufs vides destinés au reconditionnement, etc.

Un mois plus tôt, 500 sacs de riz frauduleux ont été saisis à Douala, la métropole économique.

Il s'agissait, en réalité, de sacs dont le contenu avait déjà été écoulé, et qui ont été récupérés et reconditionnés pour contenir du riz pour le bétail, mixé avec du riz acheté auprès d'importateurs locaux. Ce riz était ensuite réintroduit dans le circuit normal de la vente auprès des particuliers, pour le plus grand préjudice des consommateurs.

Cette opération des fonctionnaires du ministère du Commerce a notamment permis de débusquer deux magasins qui reconditionnaient ce riz pour bétail.

Ce trafic n'est pas sans conséquences sur la santé de la population, le riz étant une denrée de grande consommation dans le pays.

Mais il n’y a pas que le riz qui est pointé du doigt: des «usines» de fabrication de faux détergents et de faux spiritueux ont aussi été découvertes par les autorités à Yaoundé, la capitale du pays. 

Matière fécale

Des savons en poudre contrefaits étaient ainsi produits dans un domicile du quartier Mimboman. Les produits indiquaient sur leur emballage servir à la fois pour la lessive, la vaisselle, le bain, le brossage des dents, le nettoyage des oreilles ou encore en tant que répulsif contre les moustiques.

Ce n'est pas tout: des vins et des spiritueux fabriqués totalement informellement, ont été quant à eux sommairement conditionnés, dans des conditions d'hygiène douteuses, dans des bouteilles de grandes marques collectées entre autres dans des boîtes de nuit et des bars.

Mais il y a mieux encore. Pourtant proscrite par une décision préfectorale en date 25 mars 2011, la vente d’eau en sachets, prétendument potable, prospère cependant à Yaoundé, alors même qu’une étude réalisée par le ministère de la Santé publique, en collaboration avec l’Institut Pasteur du Cameroun, a révélé que cette eau était contaminée par des matières fécales.

La raison en est que cette eau conditionnée dans des sachets en plastique provient en majorité de puits pour la plupart pollués par des excréments humains (de l'urine et des selles).

Une eau bien entendu impropre à la consommation, conditionnée à l'intérieur de domiciles et vendue au consommateur comme étant une «eau de bonne qualité», à raison de 50 francs CFA le sachet.

Face à ces découvertes, alors que les cas de trafics de ce genre qui se multiplient, les autorités en appellent plus que jamais à la vigilance des consommateurs, alors même que la prolifération de ces usines de contrefaçon inquiète de plus en plus la population, qui réclame avec insistance plus de mesures dissuasives contre ces faussaires.

«Depuis cette histoire de riz avarié vendu sur le marché, je dois avouer que j’ai des craintes maintenant, à chaque fois que je dois en acheter. Aujourd’hui, je suis davantage tournée vers du riz importé, particulièrement de France. Ça coûte plus cher certes, mais au moins, je sais que je ne vais pas intoxiquer ma famille», confie Sylvie, femme au foyer.

«Ce trafic met en danger la vie de la population. Les autorités doivent faire tout ce qui est nécessaire pour y mettre un terme», s'indigne, 'de son côté Jean-Paul, un retraité qui vit à Yaoundé. 

Par Patricia Ngo Ngouem (Yaounde, correspondance)
Le 09/09/2019 à 07h16, mis à jour le 09/09/2019 à 07h43