Mobilité intercontinentale. Quelles sont les principales destinations des étudiants africains?

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Le 10/09/2019 à 11h46, mis à jour le 10/09/2019 à 12h27

Où les étudiants Africains poursuivent-ils leurs études supérieures, en dehors du continent? Certaines destinations comme la France, la Chine et les Etats-Unis semblent privilégiées. Plusieurs facteurs interviennent dans le choix de ces destinations estudiantines. Explications.

"Etudiant mobile", c'est la dénomination qui est désormais donnée à ces cohortes de jeunes gens qui ont décidé de poursuivre leurs études dans un pays autre que le leur. Aujourd'hui, selon l'Unesco, quasiment un étudiant mobile sur 10 dans le monde est africain.

Selon des données livrées par l'organisation onusienne en 2015, plus de 432.000 étudiants africains poursuivent leurs études hors du continent.

Aujourd’hui, ce nombre tourne autour de 500.000 étudiants. Plus de la moitié des étudiants mobiles du continent viennent de 7 pays: le Nigeria, le Maroc, l'Algérie, le Cameroun, la Tunisie, le Zimbabwe et le Kenya.

Concernant la destination de ces étudiants, la France est depuis longtemps la destination privilégiée des étudiants venus d'Afrique. Sur très précisément 323.933 étudiants étrangers inscrits dans les universités et grandes écoles françaises en 2017, 44% d’entre eux, soit un peu plus de 142.000, sont originaires d'un pays d'Afrique, selon les données de Campus France en 2018.

En France, les Marocains forment, et de loin, le premier bataillon des étudiants étrangers d'Afrique, avec 38.002 étudiants venus du Maroc, soit presque le quart des étudiants africains poursuivant leurs études en France. Les Marocains se placent ainsi devant les Algériens (26.116 étudiants), puis suivent les Tunisiens (12.390 étudiants).

Les trois pays maghrébins totalisent à eux seuls 48,5% de la communauté estudiantine africaine en France.

Loin derrière, viennent les Sénégalais (9.407 étudiants), les Ivoiriens (7.135) puis les Camerounais (6.936).

La qualité des universités et écoles françaises, la proximité géographique, la langue, les relations privilégiées entre la France et ses anciennes colonies, aujourd'hui encore francophones, des frais de scolarités peu élevés et des bourses octroyées par l’Etat français: ce sont là autant d'arguments qui convainquent ces étudiants à choisir la France pour leurs études.

Par ailleurs, les bourses octroyées par la France vont augmenter, de 7.000 bénéficiaires actuellement à 15.000 bénéficiaires désormais, qui seront prioritairement accordées aux étudiants africains. 

Toutefois, cette position privilégiée de la France en tant que destination de prédilection des étudiants africains risque d’évoluer, du fait d'une conjonction de facteurs.

D’abord, de nouvelles mesures ont été prises par les autorités françaises, comme une hausse significative des frais d'inscrption dans les universités. Ceux-ci ont drastiquement augmenté: de 270 à 2.270 euros en licence et de 248 à 3770 euros en mastère, ce qui décourage nombre d'étudiants des pays d'Afrique. 

Ensuite, la France a clairement affiché le fait que désormais son objectif sera d’attirer davantage des étudiants issus de pays économiquement émergents, comme les Russes, les Chinois ou encore les Indiens.

Ce sont eux désormais que ciblent les autorités françaises.

«La France devra accroître le nombre d’étudiants étrangers sur son territoire et le nombre de ceux qui viennent des pays émergents doublera», a souligné à cet égard le président français Emmanuel Macron dans un discours à l’Institut de France, en mars 2018.

Par ailleurs, les étudiants d'Afrique sont de plus en plus séduits par le fait de poursuivre leurs études dans des pays jusqu'ici méconnus, comme la Chine. 

Et alors que la France tend à réduire l’accès à ses universités aux étudiants dAfrique, en augmentant considérablement les frais de scolarité et agissant sur l’octroi de visas aux étudiants, la Chine, quant à elle, ouvre grand ses portes à ces mêmes étudiants et devient ainsi un nouveau pôle d’attraction pour les jeunes Africains. 

Avec 80.000 étudiants venus de pays d"Afrique en 2018, l'Empire du Milieu est ainsi devenu la seconde destination des étudiants du continent, juste après la France, et la première destination des étudiants africains non francophones.

Il s’agit là d’un saut quantitatif exceptionnel sachant que les étudiants africains représentaient un effectif d'à peine 2000 personnes, soit 2% des étudiants internationaux en 2003.

Après être passé à 2.757 étudiants en 2005, leur nombre a dépassé la barre des 60.000 étudiants venus d'Afrique en 2017, soit une multiplication par 20 de cet effectif en près de 15 ans.

Et en 2018, ils étaient 80.000 étudiants africains à étudier en Chine, soit près de 15% des étudiants étrangers dans ce pays. Avec plus de 6.500 étudiant, le Ghana forme le premier contingent d’étudiants de pays africains en Chine.

De plus, les Africains sont, incontestablement, le groupe d‘étudiants internationaux dont le nombre croît le plus rapidement.

Les quelques trois mille universités chinoises ont largement ouvert leurs portes aux étudiants d'Afrique ces dernières années, sous l'impulsion de la politique d'ouverture menée par Xi Jinping.

Cet effectif croît d'ailleurs rapidement, au fur et à mesure que les relations Chine-Afrique s’intensifient.

Ainsi, lors du Forum sino-africain de 2015, Pékin s’est engagé à octroyer 30.000 bourses aux étudiants africains. Lors du dernier Forum qui s’est tenu en 2018, le président Xi Jinping a pris la décision d’accorder pas moins de 50.000 bourses universitaires au continent africain d’ici 2021.

A ce rythme, la Chine pourrait même, dans les toutes prochaines années, dépasser la France en terme de nombre d’étudiants Africains accueillis.

A l’origine de cette ruée, il faut dire que Pékin fait tout pour attirer davantage d’étudiants africains. La Chine a mis en place une politique généreuse de distribution de bourses aux étudiants étrangers, notamment africains.

En 10 ans, le pays a multiplié par plus de 10 le nombre de ses bourses accordées aux Africains. L’attractivité chinoise s’explique aussi par l’octroi d'une bourse de 430 euros par mois aux étudiants, en plus de la gratuité non seulement des repas pris à la cantine, mais aussi des loyers dans les cités universitaires.

Désormais premier partenaire économique de l’Afrique, la Chine compte, à l’avenir, être le principal formateur de la future élite africaine dans le cadre de ce que certains ont baptisé la «diplomatie douce» mise en place par Pékin pour asseoir davantage son emprise sur l'Afrique, continent dans lequel les étudiants et cadres qu’elle a formés seront ses véritables ambassadeurs.

Mais outre la France et la Chine, les Etats-Unis continuent à attirer des étudiants africains, surtout ceux des familles très fortunées, grâce à ces établissements qui figurent parmi les meilleures du monde: Massachusetts Institute of Technologie (MIT), Stanford, Berkeley, Yale, Harvard, Wharton School, Kellogg School of Management.

En 2015, les Etats-Unis ont ainsi accueilli 38.000 étudiant venus d'Afrique, dont 34.400 venant de l’Afrique subsaharienne.

Les Nigérians constituent de loin la première communauté estudiantine africaine aux Etats-Unis, avec quelques 10.000 étudiants, loin devant le Kenya.

Toutefois, la destination américaine fait face à quelques freins. D’abord, depuis l’arrivée de Donald Trump au pouvoir, les inscriptions d’étrangers dans les universités américaines ont baissé. Cette situation a affecté les étudiants africains et pourrait s’aggraver avec les nouvelles restrictions touchant les visas étudiants.

Ensuite, la destination américaine est connue pour le coût élevé de ses frais de scolarité. Il faut débourser, en moyenne, 15.000 dollars l’année, avec de très fortes disparités.

Aux côtés des Etats-Unis, le Royaume-Uni continue d’attirer les étudiants venus de pays africains, anglophones particulièrement. Les frais de scolarité sont beaucoup moins élevés qu’aux Etats-Unis.

Le pays accueille ainsi un peu plus de 33.000 étudiants africains, dont environ 31.000 venus de pays d'Afrique subsaharienne, dont plus de la moitié viennent du Nigeria.

La destination est donc de moins en moins prisée par les Africains et n’affiche plus de progressions depuis 2009.

La Russie aussi, continue à être une destination pour les étudiants africains, même si à cause du climat, et surtout d'un certains racisme dont peuvent preuve des Russes, la destination a beaucoup perdu de son aura en tant que destination d"étudiants d'Afrique.

Selon des données russes, 20.000 étudiants d'Afrique étudient actuellement en Russie, dont une majorité dans le privé.

En 1989, lors de la chute du mur de Berlin, et de l'éffondrement du bloc de l'Est, ils étaient environ 30.000 étudiants issu d'Afrique à poursuivre leurs études en Russie.

Il faut dire que la fédération de Russie n'a pas la même superficie que l'ex-URSS, cette baisse de l'effectif estudiantin d'Afrique s'explique donc sans doute par le fait que certains étudiants poursuivent leurs études dans d’autres pays de l'ex bloc soviétique, comme l’Ukraine ou la Biélorussie. 

Toutefois, le gouvernement russe compte densifier son partenariat avec l’Afrique dans le domaine de l’éducation et de la culture.

Il convient toutefois de noter qu'outre ces 5 grandes destinations, d’autres pays attirent de plus en plus les étidiants africains, dont la Turquie, l’Inde, l’Arabie Saoudite, l’Ukraine, etc. La Turquie et l’Inde accueillent d'ailleurs, chacun, près de 10.000 étudiants africains.

Dans le sillage du développement de son réseau d’instituts culturels en Afrique, la Turquie offre des bourses aux étudiants africains. 

Les étudiants venus y étudier bénéficient d’une bourse de 282,50 dollars par mois pour les étudiants de premier cycle, 423,75 dollars pour les étudiants en master et 565 dollars pour ceux qui soutiennent un PhD. Tous ces étudiants bénéficient, en plus, d’un accès gratuit aux foyers étudiants, d'une couverture médicale gratuite et une prise en charge partielle de leurs frais de voyage.

Enfin, si l’Europe accueille plus de la moitié des étudiants africains, le vieux continent perd actuellement du terrain au profit de la Chine et de la mobilité intracontinentale, qui représente actuellement plus du cinquième de la part des "étudiants mobiles", en particulier vers l’Afrique du Sud, le Ghana, le Maroc, le Sénégal ou encore la Tunisie. 

Par Moussa Diop
Le 10/09/2019 à 11h46, mis à jour le 10/09/2019 à 12h27