Réforme du football africain: quand Samoura et Infantino ramènent tout à l'argent

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Le 05/02/2020 à 15h21

La Sénégalaise Fatma Samoura, secrétaire générale de la FIFA, a rendu sa copie après l'audit de six mois mené à la tête de la Confédération africaine de football. Elle propose une série de réformes qui ramènent tous les problèmes du football africain à l'argent.

A l'origine de l'audit demandé par Gianni Infantino, président de la FIFA, concernant la confédération africaine de football (CAF), il y avait une série de ratés, dont le plus emblématique était évidemment la finale catastrophique de Ligue des champions de la CAF, entre le Wydad de Casablanca et l'Espérance de Tunis. Mais au final, quand Fatma Samoura rend sa copie, on s'est retrouvé avec des propositions qui n'ont que peu à avoir avec la gestion réelle du football.

Radio France Internationale vient de rendre public le rapport de Fatma Samoura qui a été présenté, à Salé au Maroc, lors d'un séminaire taillé sur mesure et qui devait se pencher sur le développement des infrastructures et des compétitions. Mais, tout y est question d'argent, un sujet qu’Infantino sait préoccupant pour l'ensemble des dirigeants du football africain, dont la plupart tire le diable par la queue.

La seule proposition relayée par les médias concerne l'organisation de la Coupe d'Afrique des nations tous les quatre ans, au lieu de deux, actuellement. Or ce qui semble motiver Infantino est le calendrier international de la Fifa, mais il a vendu son idée aux dirigeants africains comme un moyen sûr d'augmenter les revenus de la compétition phare.

"On joue la CAN tous les deux ans depuis des décennies", a-t-il dit avant de poursuivre: "Est-ce qu’on voit un développement des infrastructures et des revenus du football africain?"

Selon lui, "la CAN génère aujourd’hui vingt fois moins que l’Euro"." J’ai voyagé dans 41 pays (en Afrique, ndlr) et ce que j’ai vu n’était pas vraiment une explosion de stades modernes".

Mais, il sait que ce qu'il propose n'intéresse que très peu les amoureux du football africain, qui ne voient leurs stars jouer régulièrement que pour des clubs étrangers. La CAN est donc l'unique occasion de les voir porter des couleurs auxquelles ils s'identifient.

En effet, Infantino n'ignore pas qu'une CAN tous les quatre ans n'a pas la même valeur qu'un Euro tous les quatre ans, vu que les joueurs des sélections européennes évoluent tous pour des clubs également européens. Ce qui est loin d'être le cas de l'Afrique.

Cela ne l'a pas empêché de formuler sa demande aux dirigeants du football africain de "discuter et de réfléchir au fait de passer la Coupe d’Afrique des nations à tous les quatre ans, au lieu de tous les deux ans".

Et c'est là qu'il brandit son premier argument financier: "Bien sûr, à condition que les revenus qu’on perd soient compensés. Mais on s’occupe de ça. Si on travaille ensemble, on ne va pas seulement doubler les revenus d’une CAN. On va les multiplier par quatre ou par six, en présentant un produit pas seulement à destination de l’Afrique mais du monde entier. […] Il faut faire en sorte que la Coupe d’Afrique des nations soit un événement mondial incontournable et qui rentre dans le calendrier international".

Dans les autres catégories, Infantino n'est même pas dans la proposition, il impose le rythme, toujours pour ses raisons financières. Aux Africains de s'adapter pour remplir les caisses de la FIFA. En effet, il y aura un championnat féminin de football des nations du monde entier. Les compétitions dédiées aux jeunes filles auront aussi plus de participants, ce qui laisse entendre que la Fifa fera plus de place à l'Afrique, aussi et surtout fera nettement plus d'argent avec ce qu'il est permis de qualifier de nouveaux produits.

Les jeunes catégories masculines en seront plus seulement divisées en U17 et U20. En effet, les U16 et les U18 feront leur entrée à côté des U20, ce qui en fera trois catégories au lieu de deux et par conséquent, 50% de compétitions en plus, et don 50% de revenus en plus.

Infantino est également revenu avec son idée de "ligue (panafricaine, ndlr) qui couvrirait tout le continent, avec 20 à 24 clubs. Avec, peut-être, au maximum deux équipes par pays. Ces équipes continueraient à évoluer dans leurs championnats nationaux en parallèle. De cette façon, à l’issue de la saison, nous pourrions couronner le champion d’Afrique".

Et c'est à nouveau l'argent qui est mis en avant par le patron du football mondial. "Une superligue africaine pourrait générer du jour au lendemain au moins 200 millions de revenus commerciaux par an", a-t-il dit.

Afin de mieux faire avaler la pilule aux dirigeants du football, Infantino rappelle sa promesse de mobiliser un milliard de dollars pour construire un stade dans chacun des 54 pays du continent. Un chantier gigantesque qui permettra de rallier à sa cause l'ensemble des décideurs y compris les pouvoirs publics quand viendra l'heure de demander que la CAN soit organisée tous les quatre ans.

"Mon objectif est qu’il y ait dans chacun des 54 pays d’Afrique au moins un stade de top classe. Ce n’est pas le cas aujourd’hui, pour plus de la moitié des pays du continent. Lorsque l’équipe nationale joue, ça doit être une fierté pour toute la nation. Mais comment pouvez-vous être fier dans un stade qui a été construit 50 ou 60 ans plus tôt et qui s’écroule", a-t-il expliqué.

Pour rappeler la nécessité de bâtir des infrastructures sportives, il a commencé par dépeindre un tableau assez sombre de l'Afrique et de son sport favoris. "Quand on regarde des matches de compétitions africaines à la télévision, il y a des personnes partout, des voitures à l’intérieur du stade, des spectateurs assis mais on ne comprend pas ce qu’il se passe, a-t-il taclé. Le match, qui devait commencer à 20h, débute à 20h10. Ou alors il ne commence pas parce qu’il a été repoussé aux jours suivants mais personne n’est au courant. Ce sont des situations qui affectent évidemment l’image du football africain. C’est pourquoi il faut investir dans les infrastructures".

Cependant, il y a deux exceptions à la prééminence des dollars sur le football, sur ce qu'il sera convenu d'appeler la réforme Infantino-Samoura du football africain. Il s'agit de la formation et de la professionnalisation des arbitres. Ainsi, la FIFA se propose de recruter, à ses propres frais, 20 arbitres qui seront ses salariés et qui seront ainsi à l'abri du besoin. Cela permettra évidement de réduire le risque corruption. 

L’autre point où il n’est pas question d’argent concerne les vraies réformes de la CAF concernant la séparation des pouvoirs entre le Comité exécutif, l’Assemblée générale qui en est l’organe législatif et la commission des affaires juridiques, qui fait office de pouvoir judiciaire.

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 05/02/2020 à 15h21