Quand le conflit entre la Fecafoot et la Ligue de football prend en otage ce sport au Cameroun

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Le 04/10/2020 à 08h21, mis à jour le 04/10/2020 à 08h38

Comme très souvent, voire trop souvent, le football camerounais s’est enrichi d’un nouveau combat des chefs. En attendant que les egos s’estompent et que l’intérêt supérieur de ce sport soit mis en avant, le championnat professionnel n’a toujours pas repris, à trois mois seulement du début du CHAN.

Les nouveaux protagonistes de cette querelle sont le ministère des Sports et de l’Education physique, la Fédération camerounaise de football (Fecafoot) et la Ligue de football professionnel du Cameroun (LFPC).

Leur terrain de bataille: l’application de la sentence du Tribunal arbitral du sport (TAS) du 14 septembre 2020 qui annule la suspension de la LFPC et la rétablit de fait comme instance habilitée à organiser le championnat local. Afin de mettre en œuvre cette décision, le ministère a mis en place un «groupe de travail».

Mais la Fecafoot n’entend pas y participer. «Compte tenu des implications éventuelles de cette instance sur les rapports de la fédération avec les instances faîtières qui sollicitent des précisions sur les contours de ce groupe de travail, il ne nous sera pas possible de prendre part à ces travaux», indique son président, Seidou Mbombo Njoya, dans une correspondance au ministre des Sports.

En fait, la Fecafoot considère que la question est réglée depuis sa dernière assemblée générale le 25 septembre. Celle-ci, «dans un souci d’apaisement» et «à titre exceptionnel», a accepté de laisser le président de la LFPC, Pierre Semengue, à son poste jusqu’au 31 juin 2021, malgré le fait qu’il ait largement dépassé l’âge requis pour ces fonctions, et que son mandat soit «échu», avancent les dirigeants de l’instance faîtière du football national.

En contrepartie, la Fecafoot devait nommer le prochain secrétaire général de la LFPC, ce qui, du reste, a été fait très rapidement. Mais la désignation de Paul Mebizo’o est rejetée par la Ligue. «Au regard des statuts de la Fecafoot, il revient au conseil d’administration de la LFPC de proposer au Comité exécutif de la Fecafoot, pour approbation, la nomination du secrétaire général de la Ligue», répond l’instance dans un communiqué.

La Ligue invoque une violation des dispositions statutaires. Depuis lors, les deux instances se livrent à une vraie guerre des communiqués. 

En attendant, le championnat professionnel de football n’a toujours pas repris et les joueurs locaux trinquent. Ils sont en mode chômage depuis la suspension des compétitions en mars 2020, sans matchs officiels pour s’étalonner, malgré l’autorisation de la reprise des activités sportives délivrée par le ministère. Cette situation perdure, à trois mois seulement d'une date cruciale: le Championnat d’Afrique des nations (CHAN) que le Cameroun organise en janvier 2021.

«Le redémarrage des championnats professionnels est notre objectif. Toutes les résolutions prises ne concourent qu’à cet objectif. Jusqu’à ce que la sentence du TAS intervienne, nous avions déjà quasiment bouclé les préparatifs de la nouvelle saison. Nous sommes conscients que le CHAN est devant nous et chaque jour nous en rapproche», déclare Seidou Njoya.

«La Fecafoot est prête à mettre à la disposition de la LFPC tout le dispositif préparatoire de la nouvelle saison. Nous attendons une preuve similaire de bonne foi de la part du président de la LFPC», ajoute le président de la fédération, tutelle de la Ligue.

De son côté, la LFPC reproche à la Fecafoot une application à minima de la sentence du TAS, tout en gardant la main sur l’organisation du championnat avec la nomination d’un secrétaire général à la Ligue. «Aucune instance, quelle que soit sa puissance, ne peut rétorquer une sentence du TAS, qui est la Cour suprême en matière de sport», réplique Pierre Semengue, pour lequel «il ne se pose aucun problème de légalité et au sein de l’organe exécutif de la Ligue».

Par le passé, des combats similaires ont opposé le ministère à la Fédération, voire des factions internes de la Fecafoot, ce qui a entraîné la mise sous «normalisation» de la fédération par la FIFA à deux reprises. D'abord entre 2013 et 2015, puis pour une durée de 15 mois entre 2017 et 2018. Des batailles judiciaires coûteuses pour le football camerounais.

«J’ai fait faire une évaluation des coûts que représentent les frais juridiques de nos procédures judiciaires depuis 2015. Nous sommes à 930 millions de FCFA. Il faut que ça s’arrête. On ne peut pas passer son temps dans les prétoires et dans les tribunaux, alors que nous sommes un pays émergent en football et que nous avons besoin de mettre le peu d’argent que nous avons au service du football. L’argent du football doit revenir aux acteurs et ces acteurs, ce ne sont pas les avocats, les magistrats... C’est presque criminel pour nos acteurs du football, pour nos jeunes footballeurs», estime Seidou Njoya, le président de la Fecafoot. Le match est très loin d’être fini.

Par Patricia Ngo Ngouem (Yaounde, correspondance)
Le 04/10/2020 à 08h21, mis à jour le 04/10/2020 à 08h38